« Je suis Lilith la noire, première femme d’Adam, libre de toute éternité, insoumise et dangereuse. Mon étreinte transforme mes amants en esclaves sans volonté. Je consomme les mortels comme les dieux et leurs anges. On m’appelle aussi l’insatiable. »

 

Première femme d’Adam, avant Eve, Lilith n’est pas issue de lui, mais son égale et à ce titre, insoumise. Depuis quelques décennies, elle est devenue une figure de proue du féminisme et des homosexuelles. C’est en Assyrie qu’on trouve la première trace du mythe de Lilith, notre mère obscure. 

« Sous de multiples apparences, à la fois séductrice et envoûtante, vampire ou succube, mais toujours effrayante, on la montre comme une superbe femme nue, parée d’une longue chevelure ondoyante. Les deux premiers partenaires humains furent Adam et Lilith, ils avaient été créés de manière à répondre à un désir manifeste du Créateur : il y aurait égalité de droits entre l’homme et la femme. La tradition talmudique affirme même qu’ils avaient été créés unis par le dos.

Entre Adam et Lilith, un conflit naquit bientôt sur la manière dont ils feraient l’amour – quelles seraient les positions respectives de l’un et de l’autre ? Ce qui reflète les prétentions à la suprématie sociale. Lilith contesta les revendications de son mari à être le chef de famille, faisant ressortir l’équivalence de ses droits au sein du couple, vu les conditions de leur création.

Adam refusa d’en démordre, s’affirmant le seul maître. La situation ne fit que s’aggraver. Lorsque Lilith se fut rendue à l’évidence que l’entêtement d’Adam était sans espoir, elle se résolut à l’ultime démarche possible :  elle invoqua le nom de l’Ineffable. 

Elle reçut alors miraculeusement des ailes et s’en fut par les airs hors du Jardin d’Eden. Le cœur brisé, Adam implora le Tout-Puissant : « Maître du monde, la femme que Tu m’as donnée s’est envolée ! »

Le Créateur, ému de la détresse d’Adam, envoya trois anges, Snwy, Snsnwy et Snglf –Snowy est un ange blanc, Sunsnowy un ange très brillant et Sungulf un ange étincelant– avec pour mission de trouver Lilith afin de la persuader de retourner à son foyer auprès de son mari.

Lilith ne voulut rien entendre, même après que les anges lui eurent rapporté la sentence du Seigneur : elle mettrait au monde de nombreux enfants et cent de ses fils devraient mourir chaque jour.

Désespérée par l’effroyable cruauté du châtiment, elle veut se jeter dans la Mer Rouge. Mus par le remords, les trois anges lui accordent alors qu’elle aurait tout pouvoir sur les enfants nouveau-nés, pendant huit jours après leur naissance pour les garçons, pendant vingt jours pour les filles.

En outre, elle jouirait d’un pouvoir illimité sur les enfants nés en dehors du mariage. Toutefois, elle perdrait ces pouvoirs chaque fois qu’elle verrait l’image de ces anges. Lilith la réprouvée n’a rien perdu de sa séduction. Samaël, maître des anges déchus, la trouve pleurant sur ses erreurs et sa solitude et tombe raide amoureux d’elle.

Samaël et Lilith croient tous les deux à l’égalité des sexes et de leurs origines, ils s’installent ensemble dans la vallée de Jehannum, le Gehenne. Lilith devient ainsi la reine des Forces du Mal, l’éternel féminin dans son aspect sombre, magique et sensuel. » (source)

Lilith la Noire est surtout insoumise. C’est sa révolte contre la dictature du mâle qui l’a rendue si diabolique. La caste dominante, celle des mâles, ne peut tolérer la première femme qui a osé refuser la Loi toute-puissante émise par les mâles. Alors Lilith a été expulsé hors des livres saints, aussi bien Chrétiens que Juifs ont décidé d’ignorer la mère de toutes les mères.

Pour compenser cette perte, la douce Eve est sortie du génial cerveau des mâles. On l’a mise en vedette parce que, sortie de la côte d’Adam, elle est comme lui, moins que lui, et lui est totalement soumise. Aujourd’hui toutes celles qui se révoltent contre l’inégalité des sexes sont assurément des filles de Lilith. Celles qui s’en accommodent sont les filles d’Eve.

 

Lilith et les poètes : Victor Hugo

« Et plus tard les soldats, contant après l’arrêt
Comment ils avaient pris Jésus de Nazareth,
Dirent qu’ils avaient vu, sur la montagne sombre,
La Fille de Satan, la grande femme d’ombre,
Cette Lilith qu’on nomme Isis au bord du Nil. » 

(source)Victor Hugo, La fin de Satan

 

Marcel Schwob

« Alors il aima Lilith, première femme d’Adam, qui ne fut pas crée de l’homme. Elle fut faite de terre rouge, comme Eve, mais de matière inhumaine. Elle avait été semblable au serpent, et ce fut elle qui tenta le serpent pour tenter les autres… » (source)Marcel Schwob

 

 

Anatole France

« Adam eut une première femme dont la Bible ne parle pas, mais que le Talmud nous fait connaître. Elle se nommait Lilith. Formée, non d’une de ses côtes, mais de la terre rouge dont lui-même était pétri, elle n’était pas la chair de sa chair. Elle se sépara volontairement de lui. Il vivait encore dans l’innocence quand elle le quitta pour aller en ces régions où les Perses s’établirent longtemps après et où vivaient alors des préadamites plus intelligents et plus beaux que les hommes. Elle n’eut donc pas de part à la faute d’Adam (…) Aussi échappa-t-elle à la malédiction prononcée contre Ève et sa postérité.

Elle est exempte de douleur et de mort ; n’ayant point d’âme à sauver, elle est incapable de mérite comme de démérite. Quoi qu’elle fasse, elle ne fait ni bien ni mal.

Ses filles, qu’elle eut d’un hymen mystérieux, sont immortelles comme elle et, comme elle, libres de leurs actes et de leurs pensées, puisqu’elles ne peuvent ni gagner ni perdre devant Dieu. Or, mon fils, je le reconnais à des signes certains, la créature qui vous fit tomber, cette Leila, était une fille de Lilith. »(source)Anatole France, La fille de Lilith

 

 

Charles Baudelaire

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme,
O Beauté ? Ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l’on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton œil le couchant et l’aurore,
Tu répands des parfums comme un soir orageux ;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l’enfant courageux,

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;
De tes bijoux, l’Horreur n’est pas le moins charmant ;
Et, le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.

L’éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L’amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l’air d’un moribond caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
O Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton œil, ton sourire, ton pied m’ouvrent la porte
D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu ?

 

 

De Satan ou de Dieu, qu’importe ? Ange ou Sirène,
Qu’importe, si tu rends, – fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! –
L’univers moins hideux et les instants moins lourds ? (source)Charles Baudelaire, Hymne à la beauté

 

 

Black Saga

 

Xavier Séguin

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