La porte étroite

 

Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé Et de tous les côtés au soleil exposé (source) peine et se plaint le malheureux. Marchant près de lui, le guerrier s’illumine et sourit. Au bout du chemin dur, après la pente au creux d’un mur, il sait qu’une porte l’attend dont le double montant enserre le passant. Certains y laissent la vie. Presque tous y renoncent.

 

Tu continues

Après cette pente, cette peine, ces épreuves, surtout rester battant. Tu sais ce qui t’attend. La porte étroite, l’épreuve décisive, c’est ici, c’est maintenant. On te demande de gros efforts, sans cesse recommencés. Augmentés. Accumulés. Stop ! crie Serge. J’aimerais que la Terre s’arrête pour descendre ! (écouter) Désir légitime quoique dérisoire. La Terre ne s’arrêtera pas. Nous peut-être. Tous ensemble, frileusement, pour nous réconforter dans l’au-delà. Dans l’eau de là-haut.

C’est ça, démoralise. Sape le moral des troupes. La marche est haute. Si tu piétines, c’est un effet de seuil. Foutu gardien ! Foutue porte !

Elle a mille noms, mille visages. Elle est partout, mais d’abord en toi. Tu t’y crois, c’est naze. Tu la vois, ça gaze. Tu y crois, ça passe. (la clé) Elle deviendra porte de désespoir, porte de douleur, porte de maladie grave, porte d’hospitalisation longue durée, porte de diagnostic vital. Elle se voudra porte de deuil, porte de ruine, porte d’échec, porte de refus, porte de licenciement, porte de fin de droits. Elle se verra porte de procès, porte d’injustice, porte de honte, porte d’humiliation.

 

Hors de portée

Que porte-t-elle au juste ? Un programme noir. Elle porte Après cette pente, cette peine, ces épreuves, surtout rester battant. Tu sais ce qui t’attend. Après cette pente, cette peine, ces épreuves, surtout rester battant. Tu sais ce qui t’attend. La mort, le deuil, l’opprobre et la désolation. Elle porte la poisse, elle ne porte pas de gants. Elle porte beau malgré son âge antique. Elle porte à rire malgré la terreur qu’elle inspire. Elle porte son fardeau comme tout un chacun, mais elle se porte mieux que d’autres. Narguant tout le monde. Elle est immonde.

Que la porte m’emporte, m’exporte et me déporte. Que la porte soit forte. Qu’elle avorte à l’aorte. La morte accorte, en quelque sorte. Il m’importe qu’elle sorte.

 

 

Immonde

Définition : D’une immoralité extrême; d’une bassesse ignoble et révoltante. Synonyme : abject, honteux, ignoble, infâme, vil. Antonyme : noble, propre, pur. Exemples : Débauche, mot, pensée, plaisir, propos, proposition immonde; individu, personne immonde. Les représentants du peuple ne sont autres qu’un tas immonde de vendus. (source)

Vous le saviez déjà. Mais savez-vous ceci ? Au pied de la lettre : est immonde ce qui n’est pas du monde. Sauf que le monde est immonde, l’homme inhumain, la vie invivable.

 

Corps support

Moi-même je suis un autre, à nommer l’innommable, à penser l’impensable, narrant l’inénarrable et cassant l’incassable. Me vient l’image du nageur à contre-courant. Il s’épuise sans parvenir à étaler le flux. Il perd du terrain, il recule. La rive le renseigne, il s’épuise vite, il recule à mesure et se tue dans l’effort.

Soudain tu as compris. Rebrousse chemin. Nage dans l’autre sens. Le courant te portera, tes bras et tes jambes seront ton gouvernail, et vogue la galère !

Ton corps est ton navire. Respecte ses œuvres vives. Ne perce pas la coque ni à dessein ni par mégarde. Sois étanche. Franche au pont qui penche. Ne boit pas la tasse. Sois tenace. Vivace est ta brasse. Emplie d’audace. Chien de chasse chasse de race. Tu n’as pas démérité. Seul ton cap a changé. Le danger conjuré. Ton destin modifié.

 

En attendant

Il y en a des portes. Il y en a des épreuves. Ça n’arrête jamais. On dirait que c’est fait exprès. Punition, contrition, amélioration. Nous serions donc au purgatoire ? Pour les uns c’est l’enfer. Et le paradis enfui n’est plus ici. Cherche-le dans l’espace. Admire la Grande Ourse, constellation sacrée que chacun reconnaît. C’est de là qu’ils arrivent. Ce sont les dieux d’avant. Ils sont venus souvent. Ils apportent le Vent, la Colère et le Nom. Nous leur appartenons. Sachez qu’ils reviendront.

L’abruti les attend devant la porte close. Ouvre-la si tu l’oses. Mais parlons d’autre chose.

 

Sans doute

La seule chose qui t’empêche de t’envoler, c’est le doute. Toujours croire, et tu réussiras quoi que ce soit. Si tu n’y crois pas, rien n’aboutira. Et tu t’enferreras dans le doute. Une épreuve t’arrive ? Crois que tu t’en sortiras. Crois que c’est déjà fini. Souviens-toi de ce que tu as vaincu en toi, des démons terrassés par toi, le chemin semé d’embûches et toi, tu as foncé tout droit. Tu as vaincu tout ça. Tu as gagné le droit d’y croire encore et de forcer le sort.

Rectif : ton devoir est d’y croire. D’accord, toute une histoire, on connait la chanson. Malgré tout si ça foire, on reprend la leçon. Si c’est la mer à boire, on crache les poissons.

 

 

L’interstice

Le chameau quoi qu’il en coûte passera la porte étroite. Il franchira le chas. Il finira là-bas, loin des tracas merdeux et des cacas nerveux. Si un chameau le fait, ton guerrier le fera. Affûte ses armes en toi. Transforme-toi en lui pour mener ce combat. L’ennemi ? Toi. Le danger imminent ? Toi. Ton allié fidèle ? Toi. Ton camp retranché ? Toi encore. Tes lignes avancées ? Toujours toi.

Perds ta graisse inutile. Défais-toi de la matière épaisse, ne garde que l’essence, que l’intime existence, que la pure présence. Sois toujours toi, rien de fâcheux ne t’arrivera. Et quand tu crois finir, le rideau se lève à nouveau. Un nouvel acte arrive. Le rideau ce radeau te porte à l’autre rive. Et la porte s’active. Elle est entre-baillée. Assez pour révéler une orée mordorée. Attirante. Adorée.

Avance. Glisse-toi. Tu es la lame qui tranche, la feuille qui se glisse dans l’interstice, ta volonté est invincible, ton humilité ne l’est pas moins. Le guerrier ne met pas d’orgueil dans sa quête, pour être sûr d’aller dans la bonne direction.

Et quand le moment vient, c’est bien. Tu n’iras pas plus loin. C’est le bout du chemin. Stupeur. Déjà demain ?

 

Les trois Douleurs

La douleur est un feu qui purifie. Il te dit : nettoyage en cours. Tu dois l’aider avant qu’il soit trop tard. De toutes tes forces. La douleur est le dernier étendard. Il est triple : douleur du corps, celle du cœur et celle de l’âme. De l’âme ? Devrais-je dire celle de l’Esprit ?

Quand les trois douleurs se combinent, un événement se prépare. Heureux ou malheureux ? Seules le savent les Trois Parques.

C’est un tournant, une renaissance. La fin de ton absence. Voici ta présence réelle. La belle se réveille. Tout va-t-il pour le mieux ? Ne parle pas ainsi. Tout va de mal en pis jusqu’au jour où tu vis. Vois-tu ? Es-tu voyante ? Vis-tu ? Es-tu vivante ? On ne le dirait pas.

Les trois Douleurs seront ta Mère unique. Elles enfanteront le nouvel Adam — pour toi la nouvelle Eve. Dans les douleurs. Ainsi les dieux d’avant ont voulu l’accouchement. Il faut les trois douleurs, en canon puis en chœur, pour traverser la porte et dépasser la peur.

Quand ce jour-là viendra, ce sera le vrai Noël pour toi.

 

 

 

La beauté chaude et vivante du toucher est bien plus profonde que la beauté de la sagesse.
Charles Dickens