Tout ce que je raconte dans ce site est incroyable. Pourtant je vous demande d’y croire ou tout au moins d’accepter mes hypothèses comme possibles, voire probable. C’est tout le paradoxe que j’expose ici. Il faut y croire, sinon on n’en tire rien. Mais sans y croire, sinon on devient cinglé ou on se prend pour Dieu.
À tout croire, on meurt de sa naïveté. A ne rien croire, on meurt de sa bêtise. Le saint exercice du doute s’accomplit à chaque instant, tous les jours de la vie. Et toutes les nuits aussi. La foi du charbonnier n’est pas recommandée aux voyageurs intérieurs que nous sommes. Y croire dur comme fer est létal, quel qu’en soit l’objet. Si la foi est indispensable, le doute l’est tout autant. Les chamanes et Bouddha nous expliquent ce paradoxe vital.
Douter de tout ou tout croire, deux solutions également commodes qui nous dispensent de réfléchir.
Bouddha est venu un soir d’hiver chez Stef Kervor qui voulait son avis sur les mœurs de l’époque et l’avenir de l’humanité.
– Passons à autre chose, a dit Bouddha. Un vent froid est tombé dans la pièce. Kervor s’est aussitôt levé pour fermer la parenthèse.
Parole de Bouddha
« Ne croyez pas une chose simplement sur des ouï-dire. Ne croyez pas sur la foi des traditions uniquement parce qu’elles sont en honneur depuis des générations. Ne croyez pas une chose parce que l’opinion générale la croit vraie ou parce qu’on en parle beaucoup.
Ne croyez pas une chose sur le seul témoignage d’un sage de l’Antiquité. Ne croyez pas une chose parce que les probabilités sont en sa faveur ou parce que l’habitude vous pousse à la croire vraie.
Ne croyez pas ce qui provient de votre propre imagination en le prenant pour la révélation d’une Puissance supérieure. Ne croyez rien en vous fondant sur la seule autorité de vos maîtres ou de vos prêtres. Ce que vous aurez vous-même éprouvé, ce dont vous aurez fait l’expérience et que vous aurez reconnu pour vrai, ce qui vous sera bénéfique ainsi qu’aux autres, en cela, croyez-y et conformez-y votre conduite. » Çakya Muni, le Bouddha historique.
Parole de Lennon
Veuillez noter les similitudes avec cette célèbre chanson :
Je ne crois pas à la magie,
Je ne crois pas au Yi-King,
Je ne crois pas la bible,
Je ne crois pas au tarot,
Je ne crois pas à Hitler,
Je ne crois pas à Jésus,
Je ne crois pas à Kennedy,
Je ne crois pas au Bouddha,
Je ne crois pas les mantras,
Je ne crois pas la Gita,
Je ne crois pas au yoga,
Je ne crois pas aux rois,
Je ne crois pas à Elvis,
Je ne crois pas à Zimmerman,
Je ne crois pas aux Beatles,
Je crois juste en moi,
Yoko et moi,
Et c’est la réalité.
D’une façon un peu différente de celle des bouddhistes, les chamanes héritiers des peuples premiers connaissent le prix du doute et le poids de la croyance. Ils naviguent dans des mondes impossibles où les voyages sont intérieurs, absolus. La moindre erreur y tue. Le corps astral n’est pas blindé, son cordon peut casser.
Parole de Castaneda
Croire sans y croire, telle est, selon Juan Matus, la règle du guerrier. C’est l’art de se tenir en équilibre entre deux pôles inconciliables, les deux hémisphères de notre cerveau. C’est l’agilité et l’autorité qu’il faut pour glisser son pied dans la porte entre-baillée. Croire sans y croire. Être et ne pas être. A la fois vivre et mourir, affirmer et nier, se fermer et s’ouvrir, se retenir et se lâcher. Si la règle du guerrier ne comportait qu’un seul article, ce serait celui-là. Croire sans y croire. L’impossible est possible. Et les poules ont des dents.
Ce n’est pas une moitié de toi qui croit tandis que l’autre moitié ne croit pas. C’est toi tout entier, avec tes trois personnes et ton souffle immortel, c’est tout toi qui crois et qui n’y crois pas. L’art de se tenir à deux endroits en même temps. L’ubiquité. La bilocation. Difficile de comprendre une telle notion avec la seule raison raisonnante. Ici, on utilisera plutôt l’hémisphère droit du cerveau, pôle de l’intuition, de l’imaginaire, de l’impensable. Côtoyer l’abîme, en pleine folie contrôlée.
La folie contrôlée, c’est l’expression de Castaneda et des sorciers du nagual pour désigner la non-pensée. Le cerveau est vide de mots, d’idées, d’images. Sachez que notre cerveau n’est qu’un ordinateur. Sans le programmeur qui y met son intelligence, le cerveau est aveugle, niais et borné.
L’intelligence artificielle est encore très loin de l’intuition des êtres organiques. Chez l’humain, une calotte neuronale recouvre le néo-cortex: c’est la dure-mère du cerveau. Elle a la forme d’une antenne parabolique inversée. C’en est une. La dure-mère est une antenne très précieuse qui reçoit les fulgurances de l’aura.
Et dans l’aura il y a le microcosme. Tout le multivers. En décalant son point d’assemblage, le guerrier peut accéder à n’importe quel point de l’espace et du temps. Il peut changer d’apparence, d’âge, de sexe et de nature. Et tout ça grâce à sa folie contrôlée.
Fin du cogito roi
Contrôler la folie, c’est localiser la conscience dans le corps calleux, ce faisceaux de « câbles » qui relie nos deux hémisphères cérébraux. Au lieu de se servir d’un hémisphère ou de l’autre, on jongle avec les deux, chacun dans sa sphère d’activité propre. Le « je-pense » devient « ça-pense » et ensuite « je-suis-pensé ». C’en est trop pour Descartes qui s’écroule inanimé sur le carrelage de son poêle. Cet équilibre centré requiert une vacuité mentale qui lui manquait. Les Asiatiques la cultivent à travers la méditation, les mantras et les arts martiaux.
C’était aussi la tournure d’esprit des druides qui l’appelaient « folle pensée ». Les Tuatha dé Danaan et les enchanteurs comme Merlin n’ont jamais pratiqué autre chose. La nature sauvage aide à y parvenir. En Brocéliande, non loin de la fontaine de Barenton qui connut les amours de Merlin et de la fée Viviane, un hameau se nomme encore Folle Pensée, témoignage de filiation druidique.
L’alpha
Dans cette folle pensée druidique, on reconnaît la folie des sages bien connue des Soufis. « Folie des sages, sagesse des fous », se plaît à dire Idries Shah. Un état proche de la transe, proche de l’inconscience, mais qui laisse la conscience claire et active.
Les sujets psi et les sensitifs l’appellent onde alpha, ou simplement alpha. Les philosophes s’y réfèrent comme la Voie du Milieu. Pour évoquer cette question non-mentale avec un discours rationnel, donc hyper-mental, je me heurte au mur de brouillard : les mots tuent l’alpha car il est ineffable.
Croire, parce que la foi déplace les montagnes. Sans y croire, parce que la naïveté est un péché impardonnable dans cet univers prédateur. Croire, parce que l’usage de nos pouvoirs divins est à ce prix. Sans la foi, pas de dieu ; et le dieu, c’est toi, si tu y crois. Sans y croire, parce que si tu es assez naïf pour te prendre pour dieu, tu vas morfler sévère.
Croire, oui, mais sans s’y croire : voilà le challenge. Tu as tout pour être dieu, c’est ton destin, mais surtout, ne te prends pas pour lui. Jamais. Ce serait un terrible retour d’ego. La chute pour un guerrier de lumière. L’ego fait obstacle à l’éveil.
Tout ce qu’on entend est une opinion, pas un fait. Tout ce qu’on voit est un point de vue, pas la vérité.
Se taire ou pas ?
Il y eut une secte oubliée, contemporaine des Zoroastriens, mais riveraine de la Méditerranée, les Véristes ou Adeptes de la Vérité. Cette secte est à l’origine de l’expression : « Toute vérité est bonne à dire ». A première vue, chacune et chacun se dit « c’est aussi mon idée, ma foi. » Mais en y regardant d’un peu plus près, on remarquera que l’affaire est un peu trop vite expédiée. Certes, la phrase n’est pas absurde, sur le plan de la logique et de la démocratie elle est même indiscutable – et d’ailleurs il serait temps qu’on nous dise la vérité nue sur les extraterrestres mais ça, c’est une autre histoire.
Indiscutable en théorie, l’est-elle aussi dans la vraie vie ? « Toute vérité est bonne à dire » mais oui, c’est bien vrai, mais quand ? et où ? et à qui ? Le résistant qu’on torture pour qu’il donne les noms de son réseau, l’enfant moribond qui ne sait pas qu’il a perdu ses parents dans un accident d’auto, l’inconnue face au medium qui voit sa mort au dessus d’elle — et qui vivra peut-être à la seule condition que le medium se taise – dans tous ces cas comme dans des milliards d’autres, toute vérité n’est pas bonne à dire.
D’ailleurs, quelle vérité ? « A chacun sa vérité » disait Pirandello. « A chaque instant » ajouterai-je.
Pour qu’une chose mérite d’être dite, il faut qu’elle soit bonne, utile et vraie. Les trois, et dans cet ordre.
Oui, mais ce qui est vrai pour toi peut s’avérer faux pour un autre. Nous n’avons pas tous le même parcours, ni le même degré d’avancement. L’utile à l’une est néfaste à l’autre, et inversement. Alors si la Vérité elle-même perd son caractère absolu, à quoi se fier ? Peu importe. Fiez-vous en vous. Vous pouvez vous fier à Allah, à Elie ou à Yahveh. Vous pouvez vous fier à Wakan Tanka, à Enki, à Kwai-Long ou à Quetzalcoatl. Vous pouvez croire en qui vous voulez, l’important c’est de croire et de se faire confiance. Chacun est le pire ennemi de soi-même. Il peut aussi devenir son meilleur allié…
Croire… avec le doute
La foi fait l’homme, a dit Lao Surlam. Il n’y a que la foi qui sauve, dit l’adage. Croire, c’est assurer son salut. Pour beaucoup d’êtres qui ne souhaitent pas aborder certaines questions perturbantes, la foi est un bouclier, un soutien, un encouragement de chaque seconde.
Faut-il dire à tous ces êtres de lumière qu’ils sont dans l’erreur au nom d’une certaine vérité supérieure à laquelle ils ne comprendraient sans doute rien si on la leur expliquait ?
Quelle vérité ? Qui décide de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas ? Qui nous dit d’aller où ? Chrétien, croyant, prêtre et philosophe, Durandeau porte un témoignage sincère et juste sur cette grave question : « Je suis presque sûr que Dieu est là. Je soupçonne sa présence. Mais aucun discours sur Dieu n’est satisfaisant, les conduites religieuses sont toujours suspectes, et les critiques de Marx comme de Freud sont fondées. Si tout se désagrège, comment vivre ? Soumis à une critique cohérente, ma première sécurité sera de me conduire selon ma conscience.
Je me découvre donc philosophe et croyant. Philosophe, parce que je me méfie perpétuellement du croyant que je suis. Croyant, parce que le message chrétien me concerne et m’interpelle. Le croyant en moi provoque le philosophe et le philosophe ne parvient pas à réduire le croyant. Et ce dialogue est source de vie. » (source)Jacques Durandeau, « Question vivante à un Dieu mort », DDB, 1967
Croire pour vivre, vivre pour croire, et en croyant, donner la vie. Le monde est ce que nous croyons qu’il est. N’en soyons pas dupes. Changeons de point de vue, le monde changera.
Ce n’est pas ce que vous savez qui pose problème. C’est ce que vous savez avec certitude qui n’est pas vrai.