Ça a commencé ce matin vers 7h. Je me réveille au beau milieu d’une conversation avec deux ou trois types inconnus au bataillon. La conversation est étrange, un des types me parle sur un ton autoritaire en découpant les syllabes, pour mieux faire entrer les mots dans ma tête. Échec: dès mon réveil, je ne me souviens plus de rien. C’est voulu.
Oui, voulu. J’étais en pleine séance de bourrage de mou. Ils s’adressaient à mon inconscient. Le guerrier en moi m’a réveillé à temps, je crois. Dès ce moment-là, la journée s’est mise à déraper comme jamais. Ma maison je la connais depuis un quart de siècle. Mon jardin en pente, la baie, le cap d’Erquy, le bourg, je les connais depuis 70 ans. D’où me vient cet irréductible sentiment d’étrangeté? Pourquoi je me sens ailleurs? Comment regagner mon ici et maintenant?
Ces types, je ne les ai pas reconnu parce que je ne les avais jamais vu. Mais j’aurais pu les identifier à leur odeur subtile. Ce sont des archontes, ou leurs employés. Ils sont investis d’une mission sur terre, et on dirait que j’en fais partie. Tout se passe comme s’il fallait me convaincre d’un truc important. Mais j’oublie quoi.
« Voir » est une façon particulière de sentir que vous savez quelque chose sans l’ombre d’un doute.
Effacée la conversation. Il n’en reste rien, à part sa couleur d’outre-monde. Ces engeances ne sont pas d’ici, et maintenant mon cadre de vie n’est pas d’ici non plus. Tout a changé, un peu beaucoup, l’espace d’une nuit agitée. Rien ne manque et pourtant! De ce qui faisait ma joie chaque matin, ces détails insignifiants qui comptent plus que le reste, souvenirs d’amis chers, brins de riens, bribes d’allégresse, pfft! Disparus. Il n’en reste plus rien.
Putain! Il y a un temps pour chaque chose, dit la Bible. Aurais-je violé le timing? Me suis-je réveillé au mauvais moment? Non. Au contraire. Il y avait urgence, j’ai agi, je me suis tiré d’un coup sec hors des bras de Morphée. Bien fait pour lui.
Au moment où je tape ces mots, une silhouette gris-noir monte la pente du jardin vers ma fenêtre. J’ai tourné la tête aussitôt pour avoir une chance de la voir. Je n’ai rien vu qu’un chemin différent, rêvé, irréel. J’étais transporté dans un autre monde. Une seconde après, le chemin redevient normal.
Puis ça recommence de l’autre côté, dans la pièce où je bosse. Une silhouette descend l’escalier à trois mètres de moi. Je la détaille sans ciller. Elle vient vers moi. Dans le visage hagard, pas de regard. Un visage d’ombre vaporeuse. Un assassin en vareuse. Au lieu d’une peur affreuse en mon ventre qui creuse, un gros rire me secoue la bedaine. À chaque éclat de rire, un éclat noir d’obus tombe sur le sol et pète. La silhouette part en miettes. Démolie par le rire ou pire, elle se tire, elle expire. Je respire.
Si encore j’avais pris une substance illégale! Mais je t’en fous, rien n’explique. Ça foutrait la colique à de moins blasés que mézigue. Ma rando excentrique. Le bal des obliques. La silhouette exotique sur le chemin critique. Ma sortie anémique, ce rêve amphigourique, la soupe allégorique et ma siesta mythique. C’est du Xavier typique. Du néant qui rapplique, et bibi qui s’applique. Rien n’exprime, rien n’excuse, rien n’explique.
Je vais trimballer ce sac d’os jusqu’à la saint Perpète? Les silhouettes qui se la pètent? Le chelou qui répète dans mon rêve épithète? Les squelettes qui dansent la gigue mortuaire? Les visiteurs imaginaires? Les archontes sicaires?
Épithète: qui exprime une qualité permanente, intrinsèque de l’être ou de la chose désignés. Exemple: Un rêve épithète est le rêve par excellence, qui a les qualités permanentes du rêve et les apparences d’une réalité plus réelle que la réalité.
Sans hésiter?
Plus réel que la réalité? Mon double s’est-il manifesté?
Et ça dure depuis ce matin. Je suis allé faire des courses à Plurien. Plus rien! Quel nom prédestiné! J’y vais les yeux fermés, mais en lieu et place de l’épicerie bio, plus rien.C’est le cas de le dire Que dalle. La campagne à la place des bâtisses habituelles, motoculture, jardinage et ma boutique bio. Tout a disparu. Même le village a réduit : des herbes hautes et des buissons jusqu’à l’église. Le reste? Évaporé.
Je change de cap, je tourne en rond dans la campagne pendant des minutes, dans l’idée de tout retrouver comme avant. Normal et paisible. Scénario différent: après deux-trois bornes, je débouche sur la route de Saint Malo, de l’autre côté du barrage de la Rance, à quarante bornes de Plurien!
Fait chier, ces tours de con. Je n’ai pas franchi le barrage, seul accès possible. Ça ne ressemble à rien. Au retour, je me tape les quarante bornes pour regagner Plurien. Un saut spatio-temporel à sens unique! Consolation: à Plurien, tout est rentré dans l’ordre. Hiatus: toujours plein à cette heure, le parking est désert. Dans le magasin, je suis le seul client.
Je rentre à la maison vite fait.
La route jusqu’au cap d’Erquy flotte comme un ruban dans la tempête. J’ai du mal à garder mon cap. Le volant me glisse des mains. Je prépare une grande soupe en matant les infos.
L’actualité a de l’avance. Les chars russes envahissent l’Allemagne. Une division blindée se dirige vers le pont de Kehl. Pont de l’Europe à Strasbourg. Mmmmh. Ça sent le futur proche. Je monte le son. Une voix blanche annonce la reddition de l’armée allemande. À mesure de leur avance, les Russes montent à la hâte des préfabriqués pour les prisonniers des pays conquis. La guerre!!
60 000 prisonniers, dit la voix blanche. L’armée russe avance très vite. Hier ils ont bouclé 491km. Blitzkrieg vengeur. Fait chier bordel. Ça craint grave.
Les prisonniers se regardent en chiens de Mayence et se gardent les uns les autres. Les Allemands gardent les Polonais, les Autrichiens gardent les Autrichats, les Ukrainiens ne gardent rien. Niente! L’armée russe met tous ses hommes sur le front, les douaniers sur le cul, et l’Otan sur les dents.
En attendant les Russes et leur putain de bortsch, je savoure la meilleure soupe de ma vie, mitonnée pendant trois heures.
Trois litres d’eau. 1kg de patates. 1 livre de carottes. 4 poireaux. 3 oignons. 2 tomates. 6 tablettes de concentré de légumes (inutile de saler). Faire mijoter les légumes grossièrement coupés durant deux-trois bonnes heures à feu moyen-doux. Ne pas mouliner. Servir chaud. Siroter sans baver (le point le plus délicat).
Faite à la maison tranquillou avec du bio local.
Après ça je roupille vingt minutes comme d’habitude. J’ai dû rêver mais aucun souvenir. Je me réveille en forme. De quoi? J’en sais rien. Mais la forme est bien là.
Dans la tête, le pont de l’Europe. Et ce putain de panneau Bundeministerium für Werkehr und digitale Infrastrukturn avec l’aigle nazillard sur les routes françaises. Bonjour le symbole! A-t-on besoin que les Schleus construisent pour nous? On est si fauché que ça? Faut croire.
Une phrase énigmatique me hante qui dit : « Qui prie par peur prive d’envie son périsprit qui pâlit, dépérit, périclite et périt. » Dis-la très très vite et sans respirer, elle aiguise l’oral et attise le moral.
« Périsprit », néologisme d’Allan Kardec, fondateur du spiritisme, dans Le Livre des Esprits. C’est l’énergie corporelle d’un être vivant et l’enveloppe d’un esprit après le décès. Adjectifs ‘périspritique’ et ‘périsprital’. (wikip & dia)
Allan Kardec de son vrai nom Hippolyte Rivail (3 octobre 1804 – 31 mars 1869) est le fondateur du spiritisme et l’auteur des cinq livres de codification spirite. La théorie du magnétisme animal de Franz Mesmer était populaire. Kardec, cependant, après avoir vu une démonstration, a jugé le magnétisme animal insuffisant pour expliquer ses observations. Il décider d’enquêter sur la médiumnité.
Avant d’accepter une cause spirituelle ou paranormale, a-t-il déclaré, il faut l’exclure si des causes matérielles peuvent en être responsables. La fraude, l’hallucination, la télépathie et la clairvoyance expliquent de nombreux phénomènes supposés médiumniques. Il est persuadé que les médiums fournissent des renseignements exacts sur des personnes décédées.
Il compile mille questions sur la nature et la communication psychique, les raisons de la vie humaine, la spiritualité. Il a posé ces questions à dix médiums qui ne se connaissent pas. Il en a conclu que les morts ne le sont pas tous, vu que certains parlent aux médiums.
Cette connerie! Les médiums ont lu dans la tête à Kardek.
Au-delà de toute supercherie, quelque chose existe dans l’ombre, dans les ombres. J’ai parlé à Devic après sa mort. Il est venu me voir quinze jours durant. Puis rien. Mais toujours, par instant, j’entends Flornoy qui rit de mes erreurs. Il est mort il y a dix ans.
Il y a autour de nous une foultitude d’invisibles, esprits malins, âmes errantes, entités de l’astral, tous désireux de capter notre attention. Certains ont, outre la puissance psychique, des qualités de perception et d’imagination très au-dessus des nôtres. Les archontes par exemple.
Rien ne les empêche de fouiller notre esprit pour en tirer de quoi créer l’illusion que Devic ou Flornoy sont encore là, quelque part, à rôder dans l’ombre. ¿Quien sabe? Je tourne en rond, je fais les cent pas sur le pas de ma porte, je le sens pas, je mens pas. La vie m’en parle, le vide m’empale, le vent m’emporte et je reviens guéri.
En fait, pas tout à fait. L’ombre est toujours du nombre.
L’ombre n’existe pas sans la lumière. La tristesse ne serait rien sans la joie. Sans le mal, que vaudrait le bien?
J’ai écrit ce texte il y a déjà quelques temps. Le 17 février dernier, pour être précis. Que s’est-il passé ce jour-là? Je n’en sais rien. C’est comme si le monde irréel de mes nuits avait envahi le quotidien. Mais pas complètement. En pointillés seulement. Le délire du rêve s’en va et revient au gré de… De quoi? De mon humeur? De la fatigue? De vagues d’énergie qui déforment le paysage?
Ai-je réussi, comme ça m’arrive, à capter une réalité à venir? Cette histoire d’invasion russe va-t-elle vraiment arriver? Qui peut le dire?
Je suis bien placé pour visiter le passé. Un talent trop sympa me permet de me balader à mon gré sur la ligne de temps. Certes, ça se passe en astral, dans le monde du rêve, et je ne peux jamais être sûr du bien-fondé de mes découvertes. Alors, après une aventure en pleine proto-histoire, et avant de publier quoi que ce soit, je fais des recherches plus concrètes. Si un auteur a développer les mêmes choses, Google me le dira. Merci à lui.
C’est la phase de corroboration. Et ça marche aussi pour le futur. Avec cette nuance de taille: si le passé s’est réalisé, quel qu’il soit, on ne peut jamais être sur de ce qui va venir. N’importe quelle inflexion du présent est susceptible de modifier la trame temporelle, et le futur que le voyant a perçu ne se réalisera pas. Ou partiellement seulement.
Pour ce qui est de l’invasion russe, j’ai été marqué par celle des Nazis. Mon père est resté en captivité de ce régime obscène. Ma petite enfance s’est déroulée dans une ambiance de guerre. Après l’occupation de l’aigle allemand, l’aigle étasunien a pris la relève. Par la faute des GI’s, Paris a dû maintenir les tickets de rationnement. Ils étaient encore en vigueur sur certains articles à la naissance de ma sœur cadette dix ans après le débarquement allié.
De plus, un climat pré-apocalyptique s’est répandu en occident depuis près de vingt ans. Tout le monde pense à la 3e guerre mondiale. Pourtant, je le répète, rien ne dit que cet avenir sombre se réalisera. Il est prudent tout de même de se préparer au pire, pour pouvoir jouir du meilleur.
En 2006, Scorcese a dit ça: « Nous serons sans doute en guerre avec les Chinois dans une vingtaine d’années ». (source)Frank Costello dans Les infiltrés de Martin Scorcese Bien vu, non? D’ici deux ans, c’est vraisemblable. Poutine fait déjà un lever de rideau.
Si vis pacem, para bellum. Si tu veux la paix, prépare la guerre.
Le déplacement inopiné du point d’assemblage se traduit par des aberrations perceptives. Tant que tu n’es pas capable de déplacer volontairement ton point d’assemblage, tu seras victime de ces aberrations. Il est donc vital que dès maintenant tu te prémunisses contre leur effet dévastateur. (source)
L'histoire humaine commence en Afrique avec les australopithèques, des Noirs.
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