Stryges, goules, succubes

 

Lilith la Noire, première femme d’Adam, est libre et indépendante. Elle n’a pas été formée avec une de ses côtes, comme Eve. Lilith est insoumise. Les filles de Lilith sont libres et indépendantes. Elles affrontent la vie avec courage et la mort avec insoumission. Endurantes, effrontées, elles sont sur les barricades et non derrière pour soigner les blessés. 

 

C’est la tâche des filles d’Eve : filles de Lilith laissez sans remord à vos demi-soeurs ce rôle où elles excellent. Votre destin est au combat. D’une âme de guerrière, farouche et téméraire, Lilith affronte le Diable dans ses enfers et Dieu dans son paradis avec le même aplomb, le même élan du coeur et la même indifférence. 

On la représente sous de multiples traits, comme ceux de Kali, autre déesse Noire du panthéon indien.

« Elle peut apparaître aussi coiffée d’une tiare, accompagnée d’une lionne et de chouettes, avec les griffes et les ailes d’un rapace. Car Lilith, elle aussi, est fille du Peuple Serpent. Elle est un des aspects de la Terre. Dans la magie gnostique, elle incarne la sensualité de la Déesse mère et préside aux plaisirs charnels. Ses qualités de déesse de l’amour et de la mort en on fait une divinité très conjurée dans la magie sexuelle. » (source) 

 

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Il existe plusieurs prières ou invocations à Lilith. La plus célèbre fut délivrée en 1592 par une entité à Sir Edward Kelly, l’assistant de John Dee lors d’une séance de vision astrale.  

« Le nom même de Lilith évoque les ténèbres : Leila ou Lavlah c’est la nuit, le noir. Elle se confond avec ces nombreuses Vierges Noires que sont Isis, Kali, Sarah la noire, Marie l’Egytienne, dont les lieux de cultes étaient souvent établis sur l’emplacement d’anciens sites initiatiques. »  (source)

 

Vierges noires

Ces vierges noires, bien antérieures au christianisme, sont les anciennes déesses de la vie, de la mort, de la fécondité et des forces telluriques. Lilith n’est presque pas mentionnée dans la Bible, il nous faut consulter le Talmud et le Zohar, pour mieux connaître son histoire. Avec Agrat, Mahalath et Naamah, Lilith passe pour être une des mères des démons ou Nephilim. Elle aurait donc couché avec les Elohim. 

« On la dit mère d’Ormuzd ou Hormiz. Dans une autre légende, c’est Asmodée, Prince des Démons, qui est son fils. »  (source) 

Elle apparaît alors sous la forme d’une créature démoniaque à visage de femme, dotée d’ailes et portant de long cheveux. Dans le Testament de Salomon, c’est une errante qui visite les femmes en couche pour étrangler leur nouveau-né. Aussi avait-on coutume de protéger femme et enfançon par des amulettes censées éloigner la démone. Jusqu’au 16e siècle, en Europe centrale, on éveillait les enfants qui souriaient dans leur sommeil de peur qu’ils ne « jouent avec Lilith » ; la diablesse les séduisait pour les emporter.

Dans le Vendidâd de Zoroastre on trouve une des bases du mythe juif de Lilith : « L’homme qui se souille pendant qu’il dort est censé avoir eu des relations avec une succube qui concevra de lui un enfant démoniaque. »  Lilith préside également à l’acte sexuel et dirige les incubes et les succubes, pousse les femmes à jouir de leur corps, et leur donne passions et orgasmes érotiques.

Lilith la séductrice assaille également les hommes, qu’elle provoque à de maléfiques rapports.

En Johann 1717, Jakob Schudt raconte :  « Les Juifs de Francfort croient fermement que lorsqu’un homme éjacule, son sperme forme de mauvais esprits avec l’aide de Lilith. La semence répandue à terre féconde Lilith et lui donne des fils ».

Cette crainte des succubes a été omniprésente jusqu’au 20e siècle. L’exemple le plus marquant est celui d’Huysmans : victime d’un rêve érotique très intense, il fut réveillé juste à temps pour apercevoir une succube s’évanouir dans les airs.

Le désordre des draps, l’empreinte qui s’y dessinait, l’ont convaincu de la présence physique de la démone qui avait passé la nuit à ses côtés. 

Dans la démonologie occidentale, Lilith est la Reine des Stryges, ces démones vampires ailées. Munies de serres et de cornes, elles détruisent les hommes  après leur avoir donné des plaisirs érotiques. Au Moyen Age, l’image de la Stryge était synonyme de Goule et de sorcière, celles-ci étaient accusées de faire disparaître les enfants et de les tuer dans le but d’utiliser leur chair et leur sang pour la confection de philtres et de maléfices.

 

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Néanmoins, l’origine véritable du mythe de Lilith tient dans un passage de L’Alphabet de Ben Sirah, livre kabbalistique du XIè siècle. (source)

 

Lilith, mère de démons

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme,
O Beauté ? Ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l’on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton œil le couchant et l’aurore,
Tu répands des parfums comme un soir orageux ;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l’enfant courageux,

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;
De tes bijoux, l’Horreur n’est pas le moins charmant ;
Et, le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.

L’éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L’amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l’air d’un moribond caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
O Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton œil, ton sourire,ton pied, m’ouvrent la porte
D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu ?

De Satan ou de Dieu, qu’importe ? Ange ou Sirène,
Qu’importe, si tu rends, – fée au yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! –
L’univers moins hideux et les instants moins lourds ?

 

Or pour moi, l’essentiel de cette affaire tient dans ce formidable secret oublié : avant les mecs, y a eu les nanas, et question castagne, elles assuraient comme des bêtes. Alors avis aux machos : fermez-la, profil bas, changement de trottoir, et on se découvre devant une dame. Oui mon gars, ça vient de là. 

For the times they are a-changin’ / Car les temps changent.
Bob Dylan