Dragons d’Enfer

 

Ana s’éveille à l’amour. Où qu’elle aille, la lumière l’accompagne. Elle est douceur extrême et la force qui va. Elle est toute puissante et beauté rayonnante. « Ce Zeus est à mon goût« , dit-elle à son aï. C’est un miroir magique : elle dit ou bien oï, selon son humeur. Ce miroir est un œil de dragon majeur, draconis rex, qui permet de changer d’apparence à son gré.

On notera la similitude entre et eye, comme celle de et œil.

 

Prélude à l’amour

Zeus a été injustement accusé d’un méfait qu’il n’a pas commis, songe-t-elle. Au contraire, il a évité la catastrophe sur Terra, au prix d’une île flottante. Une victoire à bon marché. Il va venir, il s’étendra sur une litière pour un souper intime que je veux sans fausse note. Aussi parfait que l’opéra qu’il m’a fait, le deuxième opéra d’Alcor.

Ana se souvient du bel Hénoch et des quelques siècles passés en sa bonne compagnie. Elle se faisait nommer Hathor en ce temps-là. Il y a quelques éons de ça. Pour Ana, c’était hier. Assez rêvé, se dit-elle. Je doute que Zeus puisse laisser longtemps les affaires de Terra. Il est en charge, avec sa sœur Héra qui est aussi sa légitime. Une maîtresse femme, à ce qu’il paraît.

La Déesse Mère revient à sa toilette interrompue. Son n’a pas cessé de lui proposer des costumes de chair et de plumes. Ana scanne la femelle la plus apte à séduire le titan aux yeux d’or. Comme il est noble et séduisant ! Ce titan-là a dû ensemencer plus d’une femelle humaine. La Déesse frémit, songeuse, énamourée. Mais rien de sexuel ne peut altérer sa virginité. Aussi doit-elle emprunter un corps éphémère, qui la protègera l’espace d’une nuit, d’un an, d’un siècle, aussi longtemps que Zeus voudra l’aimer.

L’oï de dragon majeur contient un pc sensoriel où défilent 20’000 images à la seconde — 20’000 femelles pour tenter le titan.

Où est-il écrit que la plus grande des Déesses doive s’interdire le plus succulent des plaisirs ? J’ai enfanté mille soleils, dix mille empires et des milliards de créatures pour les peupler. Depuis Hénoch, aucun mâle ne m’a soutenue, choyée, aimée. Ça suffit. À moi ce titan ! Je serai la plus belle de ses conquêtes. Il me faut un corps admirable où se glissera mon esprit. Ainsi puis-je connaître les étreintes en restant intacte.

 

 

-STOP !!

Sa seule pensée interrompt le défilement des images. Sur l’oï, une jolie femelle, fragile et puissante à la fois. Cette beauté peut ravir le plus blasé des séducteurs. -C’est ce corps-là qu’il me faut. Zeus me connaîtra ainsi !
Ana s’observe un peu avant d’ajouter : -Au début, en tout cas.

 

Connaissance charnelle

Quand Zeus est introduit dans le boudoir de l’impératrice, son cœur bat plus fort. À quelle sauce va-t-il être mangé ? Lui aussi a changé d’apparence. Il s’est incarné en Hermès vif-argent. Tout à l’heure la Déesse le couvait des yeux. Mais Zeus est prudent : un collier changeant lui permettra de modifier son look, si la Déesse le goûte moins qu’il imagine.

« Ton maître n’a pu venir ? » dit-elle avec dépit. Zeus clique son collier et redevient lui-même.
-Me goûtes-tu mieux ainsi ? Ou préfères-tu Hermès ?
-Ton jeune messager me plaît beaucoup, c’est vrai. Changeons donc ! »

Ana redevient la jeune beauté qui s’accorde à Hermès. Quel couple surhumain ! Vingt fois ils changent de corps et de passion, mais les ébats divins ne se décriront pas. Mon propos est ailleurs. Quand la chair est apaisée, c’est en chef de guerre que Zeus fait son rapport.
-Veux-tu que je me change aussi ? lui demande-t-elle.
« À ton souhait, Déesse, je me plierai de bonne grâce. »

Miracle de l’oï et du collier changeant ! Ana se modifie à toute vitesse. Zeus aussi. Elle devient reptilienne. Zeus la suit. Méfions-nous, se dit-elle. Ce joli-cœur anticipe les intentions. Il est vif comme un oï. 

Tandis qu’ils portent un toast, Zeus la félicite pour son élégance rare. Elle sourit. Zeus a la même.

 

 

Sauriens

-Venons-en à ton récit. Parle, mon Zeus. Je suis toute ouïe.

« Ô Déesse, tu as d’abord peuplé Terra de reptiles géants, les dinosauriens. Ils ont appris à courir, à nager, à voler, à se battre, à cracher du feu, à manger de la chair. Les dragons ont acquis une férocité tyrannique. Au fil des éons, ils ont développé une industrie toute entière tournée vers la guerre. Leurs armes terrifiantes peuvent détruire une ville, un pays, voire un continent.

« Le plus puissant d’entre eux, un dragon nommé Typhon, s’est mis en tête de devenir empereur de Terra. D’une ardeur belliqueuse sans pareille, d’une force incomparable, d’une cruauté sans limite, Typhon a dévasté les plus belles contrées, transformant les glorieuses cités des Cyclopes en montagne de cendres fumantes. Les Cyclopes savent se défendre. Ils possèdent eux aussi un armement performant. Pourtant, j’ai dû leur prêter main-forte avec mes meilleurs Titans. »

Dans la mythologie grecque, Typhon est une divinité primitive malfaisante. Fils de Gaïa et de Tartare, ce dragon survient au milieu des vents violents et des tempêtes, comme Hachem le dragon d’Eden. Serait-ce le même ?

 

Au-delà du protocole

« Tous ensemble, nous les avons combattu sans merci au cours d’une guerre interminable que d’aucuns appelleront la Gigantomachie. Contre nous, les anciens tyrans. Des monstres tout-puissants couverts de plumes et d’écailles qui ont régné par la terreur pendant des centaines de millions d’années. »

-Ce qui fait combien en années d’ici ?
-Permets que je précise : deux cent millions d’années terrestres font deux mille ans pour toi, ô déesse. La gigantomachie s’est déroulée il y a 66 millions d’années de Terra, ce qui fait pour un peu plus de 6 siècles pour toi.
-Autant dire hier. Mais va, Zeus, poursuis ton récit.

« Les énormes dragons nous ont mené la vie dure. Tous les Titans étaient à nos côtés, les Olympiens d’Hyperborée et ceux Terra qui s’étaient battus à nos côtés pendant la Titanomachie, la grande guerre contre Cronos et ses frères. Il y avait avec nous le peuple des Cyclopes, qui sont les maîtres de la Foudre, des Éclairs et du Tonnerre. Leurs armes puissantes nous ont fourni une aide précieuse. L’œil rayonnant sur leur front peut détruire d’un seul éclair toute une armée de dragons. Mes amis les Cyclopes sont les descendants de la première humanité, comme tu le sais, ô Déesse. »

-Le protocole n’a plus cours entre nous. Appelle-moi Ana, mon Zeus. Comment aurais-je oublié les cyclopes, ces splendides créatures qui réjouissent mon cœur ? J’en ai peuplé cette planète peu après la première terraformation. Leur taille est celle des plus grands arbres qu’ils déracinent en se jouant. Je sais tout cela. Parle-moi plutôt de l’empereur des Dinosauriens, cette montagne de haine. L’as-tu vaincu, ce fameux Typhon ? A-t-il péri ?

 

 

Gigantomachie

Derrière le sourire de la Déesse, Zeus sent poindre l’ironie, sinon la défiance. Sans se départir de son calme olympien, il lui rend son sourire.
« S’il vit encore, cela tient du prodige. Après l’avoir coursé à travers mers et continents, nous l’avons acculé sur l’Himalaya. Ce sont les plus hautes montagnes de Terra dont le nom… »

-Dont le nom est l’Hymne à l’Aya. N’ajoute pas l’insulte à l’ignorance, Zeus ! Je suis l’Aya, le signe prodigieux, celle qui accomplit des miracles. Poursuis !
L’Hymne à l’Aya ?? Cherchant une réplique, Zeus explore vainement les recoins de sa base de données mémorielles. Il a le sentiment fâcheux que la Déesse brouille son intuition et limite ses souvenirs… Le dieu des dieux ne trouve rien d’autre qu’une définition tardive : Aya : signe, miracle, commandement. Ce terme coranique désigne un signe prodigieux et, parfois, un verset du Coran. Il désigne ainsi ces passages comme des « signes prodigieux ».

-Qu’attends-tu donc ? ironise Ana l’Aya. Parle !  « Aya : le commandement« , se dit Zeus qui reprend le fil de son récit.
« Le grand dragon s’est trouvé bloqué par les plus hautes cimes de l’Him… l’Hymne à l’Aya. Tu sais que les dragons ne peuvent pas voler si haut. L’air s’y raréfie et leurs ailes ne peuvent les soutenir. Typhon a chu dans nos filets. Avec quatre Cyclopes, mes Titans l’ont traîné jusqu’à l’océan des Tempêtes, celui que les humains appelleront Pacifique. Un nom bien mal trouvé. Figure-toi qu’ils passent leur temps déjà trop court à changer les anciens noms de toutes les mers. Ainsi l’océan Boréal est devenu l’océan Arctique et l’océan Atlante, l’Atlantique. »

-Atlantique, Pacifique, quel tic authentique ! ironise la Déesse. Cette fois, Zeus ne s’interrompt pas.
« Il y a au cœur de l’océan des Tempêtes une des entrées des Enfers. Hadès l’a nommée le Styx. Sa profondeur n’a d’égale que les ténèbres où elle plonge. »
-Tu veux dire la fosse des Mariannes ou plutôt fosse de Marie Ann, nommée en mon honneur, une fois encore, dit Ana Ann, songeuse. »

« Je préfère l’appeller Styx, ajoute Zeus. Je ne vois pas l’intérêt de changer de nom » Face au silence glacé de la déesse, Zeus comprend trop tard sa bévue. « Tais-toi, se dit-il, ce n’est pas ton jour. »

 

Le Styx est l’un des fleuves des Enfers dans la mythologie grecque. Le mot styx signifie littéralement « haïssable » et exprime l’horreur de la mort. Chez Homère, lorsque les dieux juraient par l’eau du Styx, ils s’engageaient d’une manière irrévocable ; si un dieu se parjurait, il restait privé de souffle pendant un an, puis il était banni de la société de ses semblables pendant neuf ans.

 

Typhon dans le Styx

Tant de changements inspirent à la Déesse l’idée de se changer aussi. En un éclair de l’oï, elle devient une autre. Zeus est à peine plus lent. Voici qu’ils étrennent d’autres atours de chair et de tissu. Ils ont choisi de s’assortir aux premiers humains : même type, même teint. Ça leur va bien. Ana approche ses lèvres. Zeus la regarde faire, il se méfie. Que fait-elle ? Que veut-elle ? Son désir revient-il ? Va-t-elle enfin parler ?

Non. Elle s’est éloignée. Oublie les effusions. Ana est Athéna quand on la croit Vénus. Elle change en un clin d’oï. C’est un jeu dangereux. L’éclair de sa colère est vite arrivé. À la guerre comme à l’amour, même un immortel peut y laisser la vie.

« Se débattant vainement dans un filet aux mailles de fer et d’airain, le monstre Typhon s’épuise. Il était sans connaissance quand les Cyclopes l’ont jeté dans le Styx. S’il n’est pas mort, il ne vaut guère mieux.

« Certains dragons ont l’air morts alors qu’en fait ils sont en état de profonde méditation » (Lewis Trondheim)

 

Nul n’aura plus de ses nouvelles, sinon Hadès, dieu des Enfers. On peut compter sur sa vigilance, mon cousin fait bonne garde et Typhon ne le trompera pas. Ses colères sont inoffensives, cloué qu’il est de toutes parts sur une croix de fer. Si les dragons raffolent de l’or sur lequel ils font leur couche, le contact du fer leur brûle les écailles et la peau. »
-Quel fut le sort des autres monstres géants ?

« Typhon n’est pas tombé seul au royaume d’Hadès. Sa garde rapprochée l’a suivi comme un seul homme. Les plus valeureux et les plus féroces de ses dragons sont prisonniers des tréfonds dont on se sort jamais. »
-Il ne faut jamais dire jamais. Ce qui ne s’est pas encore produit peut arriver demain. Regarde !

Ana révèle un grand miroir qui s’anime. D’abord deux Draconis Rex jouent à se poursuivre dans un ciel familier. D’où sortent-ils ? Alors le poursuivant crache sa flamme mortelle. Le poursuivi vole en zigzags, on peut croire un instant qu’il va s’en tirer. Mais le feu l’atteint, il brûle. Bientôt un morceau de charbon tombe dans l’océan. Zeus fait la gueule. Il reconnaît le rivage de Mare Nostrum.Notre Mer, nom de la méditerranée pour les Romains. Le doute n’est plus permis, ça se passe sur Terra. Les dragons se sont échappés des Enfers.

Draconis Rex ou Dracorex est une sorte de dinosaures ayant vécu il y a environ entre 69 et 66 Mamillions d’années. La Gigantomachie est censée les avoir tous exterminés… Le fait qu’ils aient pu cracher du feu n’est pas scientifiquement avéré. Qui sait ?

 

 

Dans l’œil du miroir

-Regarde, dit Ana.

Les saisons passent, les années filent, l’œil magique aligne des dizaines de dinosaures, ça et là, sur le sol de Terra. Ces monstres doivent profiter du sommeil d’Hadès pour prendre l’air de la surface. Partout les grands dragons sèment la désolation. Ils incendient les villes, ils détruisent les fermes et piétinent les récoltes, saccageant tout sur leur passage. Au cours des âges ils s’enhardissent et s’attaquent à des armées. Zeus peut voir leur feu dévorer bourgs et villages. Incrédule, il assiste à une guerre future où des tyrannosaures servent de montures à des humanoïdes. Quand ils voient leur mortelle escadre apparaître, les humains s’égaillent en tous sens. Ils n’ont aucune chance.

En guise d’interlude, apparaît un gentil monstre du lac, timide comme une fillette. Nessie montre son museau sur un loch d’Écosse. Dès qu’il sent une présence humaine, il plonge prestement. D’où vient-il ? Que veut-il ? Pour lui c’est trop facile. Quand l’envie lui prend, il quitte la mer intérieure du centre terre. Il se faufile par un long canal qui débouche au fond du Loch Ness. Personne en vue ? Vite il émerge. La caresse du soleil sur ses écailles est pour lui un plaisir sans égal.

Tout ça rend Zeus songeur. La gigantomachie n’est pas finie, loin de là. La vigilance d’Hadès a trop de failles. Dame ! Il se fait bien vieux. Et moi donc !  se dit Zeus qui porte un autre toast à la santé d’Ana.
-À la tienne, mon Zeus! À ta bonne santé qui est plus fragile que tu ne crois.

« Ma Déesse ! Quel changement ! »
-Tu changes aussi, crois-moi.

 

Amour à mort

Avec la Déesse il faut s’attendre à tout. Quittant ses vêtements d’un seul geste, Ana se jette sur Zeus. Les griffes d’une tigresse déchirent les tissus qui couvrent encore le corps de Zeus. Le dieu ne sait que croire. Sa dernière heure est-elle venue ? Ou bien doit-il croquer la beauté nue ? Voici qu’elle l’insulte en le couvrant de baisers. Voici qu’elle le voue aux gémonies en le jetant sur son lit. Ses forces décuplées par le désir, elle le tord, elle le mord. Voici qu’il la prend, voici qu’elle se donne, de ses cris la chambre résonne. Oublié le mâle dominant. Face à l’ardeur de la belle, face à la furie charnelle, un séducteur impénitent se découvre petit enfant. Zeus tremble. Le dieu des dieux n’est plus qu’un homme objet. Sous les secousses, on dirait un hochet. Il a peur.

À chaque instant le jeu peut devenir sanglant.

 

Dans la Rome antique, les gémonies, « escalier des gémissements », étaient un escalier sur un flanc du Capitole, où l’on exposait les corps des condamnés à mort, après strangulation, avant de les jeter dans le Tibre.

 

Les rois d’en bas

Tandis que Zeus et Ana filent le parfait désamour, l’écran s’affole. Défilent des scènes accablantes. La saga des dragons de feu s’y déroule dans toutes ses phases, et son visionnage a de quoi glacer le sang.

Aux Enfers des anciens, du temps de l’empire romain, dinosaures et dragons se sont acclimatés. Pendant notre moyen-âge, ils ont pris possession de l’immense caverne qui résonne de leurs cris profonds. Loin sous les pieds des hommes de la Renaissance ont régné les Dragons. Tandis que Robespierre montait sur l’échafaud, les Dragons prospéraient de plus belle. Quand la terre tremblait sous la Grande Guerre, leur nombre et leur puissance sont devenues irrésistibles. Voilà ces fauves rôtissant Hadès et les siens pour les dévorer cuits à point. Amis spéléologues, gardez-vous de descendre trop bas. Le centre Terre est aux griffes des Reptiliens. N’y cherchez plus les dieux, les démons y sont rois.

Ana est fort contrariée. Elle va devoir envoyer deux armées d’archanges exterminateurs pour purger Terra de cette immonde vermine. Les dragons de l’enfer ont pollué le centre terre avec leurs immondices. Les cadavres ont corrompu les eaux si pures de la mer intérieure. Le paradis du centre terre est inhabitable. Les Grecs et les Romains l’appelait les Enfers. Maintenant il mérite ce nom maudit.

 

Dieu se meurt

Quant à Zeus, il ne se remet pas de ses blessures. La plus mortelle est celle de son amour-propre. –Trop d’ego pour régner, décide la Déesse. Il est temps de remettre en ordre mon premier royaume, la toute première planète que j’ai terraformée.

Zeus, comateux, exsangue, regarde la sublime Déesse. Il sait qu’il est foutu. Qu’elles soient divines ou non, Ana dispose de toutes ses créatures. Homme ou dieu, plante ou bête, royaume ou planète, qui peut lui tenir tête ? Nul n’est à l’abri de ses coups, nul n’est au-dessus de sa vengeance. Inversement, nul n’est indigne de son amour, nul ne peut refuser ses dons. En bien comme en mal, nul n’échappe à ses décrets. Dans tout l’Empire des Mille Étoiles, seul son amour demeure. La terreur qu’elle inspire aussitôt s’évapore au soleil de sa grâce.

Zeus va laisser vacant son trône de l’Olympe. Le dieu des dieux se meurt. Cloué par l’agonie, quel bien peut-il apporter aux humains ? Il pleure. Il les plaint, lui qui les a si souvent trahis. Sans scrupule, il s’est servi d’eux. Il les a livrés aux démons d’en bas comme aux tyrans d’en haut. Il a donné pouvoir aux lâches, aux incapables. Il les a laissé détruire des vies et des pays, pillé les richesses, souillé les temples, vidé les réserves.

Tandis que ses élus précipitaient le monde dans le chaos, il s’en est amusé. Son rire couvrait le bruit des bombes et le cri des agonisants. Vient son tour à présent. La Déesse a mis le remords dans son âme et l’amour infini dans son cœur. Une chanson lui revient qu’il a souvent chanté quand il était enfant : Ana s’éveille à l’amour. Où qu’elle aille, la lumière l’accompagne. Elle est douceur extrême et la force qui va. Elle est toute puissante et beauté rayonnante.

« Tout est fini, se dit Zeus. La Déesse m’a passé la corde au cou et elle renverse le tabouret. »

 

 

Seuls les enfants du feu comprennent le bleu.
Carl Sandburg