Loin de moi l’idée de commenter cet étrange pavé qu’on appelle le Kama Soutra. À l’heure d’internet, ce traité d’initiation sexuelle n’intéresse même plus les ados. Certes il détaille les positions sexuelles des plus simples aux plus tordues, mais sur tous nos écrans on voit bien pire…
Le Kama Soutra pose plus de questions qu’il ne donne de réponses. L’auteur expose l’acte, par devant, par derrière, avec la bouche, avec les pieds. Il énumère aussi toutes les pratiques et les situations où la sexualité peut intervenir. Vraiment complet et instructif… si c’était destiné à des gamins boutonneux. Mais ça n’est pas le cas.
Alors ce traité, pourquoi faire ? Il ne s’agit pas de lois ou de préceptes moraux. C’est un manuel qui pourrait s’intituler la sexualité pour les nuls. L’acter sexuel y est envisagé de façon très libre, ouverte et tolérante. Le but de ce traité n’est pas de codifier le sexe, ni de l’encadrer, bien au contraire. La société n’y trouve pas son compte, la loi non plus, uniquement l’individu et sa recherche du plaisir. Qu’il soit hétéro, LGBT, pédophile ou zoophile. Aucun tabou.
Le Kama Soutra serait donc un tuto. Rien qu’un tuto. Mais pour qui ? Pour quels analphabètesanal fat bête ? du sexe ? Quel innocent, quel attardé pouvait avoir besoin de ces leçons de choses ? Et surtout, qui a bien pu avoir l’idée saugrenue d’exposer à ses semblables les différents trucs et astuces qui rendent le sexe plus excitant, plus coquin, plus jouissif ? Pourquoi des gens normaux auraient-ils besoin d’un tel traité ?
J’ai passé et repassé cette question dans ma tête vide, et la lumière s’est faite. Tout se passe comme si un tuteur surhumain avait voulu éduquer des créatures ignorantes. Celles qu’il venait de fabriquer ?… Croissez et multipliez, a dit le dieu des Juifs à son bon peuple. Pour les motiver, ce dieu-là ou un autre se devait de leur vanter la marchandise…
Et tandis que je ruminais cette hypothèse, j’ai cru me souvenir d’un détail au tout début du traité. Détail soudain fondamental. J’ai empoigné le Kama Soutra dans la traduction d’Alain Daniélou -la meilleure. Il y ajoute ses commentaires, et là, mon indianiste préféré m’a beaucoup déçu. J’y reviendrai.
Au début de l’ouvrage, l’auteur en donne l’origine. Elle est divine. C’est bien ce qu’il me semblait…
Prajapati, le Seigneur des Créatures, après avoir créé les hommes, composa un traité de cent mille versets, définissant les règles de la vie sociale sur le triple plan des vertus civiques, de la prospérité et de la sexualité.
Manu, le fils du dieu né de lui-même, mit à part les aphorismes concernant les vertus civiques et morales dans son Dharma Shastra.
Brihaspati mit à part les aphorismes concernant la politique, l’économie et la prospérité dans son Artha Shastra.
Le compagnon de Shiva, Nandi, mit à part les mille chapitres concernant la sexualité créant le Kama Shastra. (source)Kama Sutra, traduit par Alain Daniélou
La liste continue, d’autres dieux ou dévas ont repris, modifié, réduit les cent mille versets originels, sans doute pour les adapter à l’évolution de la société humaine. Au cours de ces modifications, qui ont probablement continué pendant des siècles, les nouveaux auteurs, croyant bien faire, ont jeté le bébé avec l’eau du bain. Le bébé, le fruit divin, c’était le tantrisme initial, la possibilité d’utiliser la sexualité dans un but d’éveil. Ce qui a totalement disparu du traité actuel…
L’antiquité gréco-latine évoque les vestales : des femmes qui pratiquaient l’amour don de soi avec les étrangers de passage. Pur tantrisme, voie d’éveil par le plaisir sublimé, on trouvait cette pratique non seulement en Grèce ou à Rome, mais aussi en terres celtiques, en Afrique, etc. Elle est dérivée des anciens mystères dionysiaques, lesquelles selon Daniélou sont des adaptations occidentales du shivaïsme primitif, du temps où le sexe n’était pas interdit par les religions : on l’appelait le plaisir des dieux.
Ce temps a duré plus longtemps qu’on imagine, en France tout du moins, où que le sexe le plus cochon est resté nimbé d’une auréole divine -n’appelle-t-on Donatien de Sade le divin marquis ?
Donc le dieu Prajapati a composé le premier Kama Soutra. Mais Daniélou s’en fout. Il ne voit pas l’importance de ce fait : un dieu, nous verrons quel est son rôle, est à l’origine de ce texte incroyable. Daniélou passe à côté de la principale info qui nous est donnée au début du sutra. D’où ma vive déception.
Dans les années 80, peu d’auteurs étaient conscients de l’authenticité des mythologies. Personne n’avait encore compris comment nous avons été créés, par qui, et dans quel but. Pourtant toutes ces infos sont données dans les diverses mythologies planétaires. Seulement on prenait encore ces précieuses données pour des conneries symboliques…
Qui est Prajapati ? A-t-il un équivalent dans les mythologies occidentales ? Je crois que oui. Son nom signifie le Seigneur des Créatures. C’est donc lui qui les a conçues, ces créatures. Il fait partie des Hyperboréens, sa mission est claire : il était chargé de peupler cette planète sauvage. Il a bossé comme un ouf dans son labo génétique, avec sa shakti, bien sûr. Ce qui me rappelle aussitôt un autre couple de généticiens divins, Prométhée et Athéna chez les Grecs ou Enki et Ninhursag chez les Sumériens.
Prajapati est donc le technicien diplômé en génétique, le chercheur surdoué qui savait manipuler les éprouvettes, les microscopes et les génomes, bref, un toubib moderne, plus moderne encore que nos chercheurs les plus modernes. Voyez comme j’ai raison d’en vouloir à l’estimable Daniélou de ne pas avoir tilté sur les conséquences de cette info donnée en préambule : Prajapati, le Seigneur des Créatures, après avoir créé les hommes… etc.
Le Seigneur des Créatures n’est autre que le référent principal chargé de la faune terrestre. É-nor-me ! L’erreur habituelle consiste à n’y voir que du symbolisme, à prendre Prajapati/Enki/Prométhée- pour une simple personnification des forces naturelles, mais pas du tout. Ce type a existé. Ses descendants continuent, selon moi, à créer la vie sur terre et autres planètes confiées à sa charge. C’est un pro, un expert chevronné. Il a certes un droit de vie et de mort sur tous les individus, il lui arrive même d’éradiquer une espèce -animale ou humaine- lorsque celle-ci devient trop envahissante. Mais Dieu il n’est pas.
La notion de Dieu au sens actuel du terme n’est pas si ancienne. Je suis sûr que l’antiquité gréco-latine n’avait pas des dieux la conception que nous avons de Dieu l’Unique. Notre époque confond les dieux et la Source. Grossière bévue. Relisons les textes classiques et antiques, seul moyen de comprendre les glissements sémantiques qui ont amené cette confusion.
Sur ce relief d’un temple indien, on voit des dieux qui jouent à la partouze. Oui, des dieux. Ce qui me permet de l’affirmer, c’est leur taille gigantesque. On voit en effet une petite femme, aussi petite que notre espèce humaine. Elle aussi participe aux réjouissances – aux jouissances ? et semble y prendre du plaisir. On peut la comprendre selon l’adage : baiser comme un dieu. Nul doute que ça vienne de là…
Cette seule image nous fait comprendre que les dieux sont des gens comme nous. Plus grands, plus évolués, plus instruits… mais largement aussi dévergondés que certains humains actuels. Balance ton dieu porc… Le slogan n’existait pas encore, tout simplement parce que nos ancêtres aimaient ça. En ces temps révolus, personne n’y trouvait rien à redire. Aujourd’hui, le délicieux plaisir des dieux n’est plus qu’un souvenir : on en fait tout un fromage… Foutu kali yuga.
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