Toujours la même question qui me hante. Je guéris des maladies graves, je redresse des vies faussées, je répare les plaies vives, je chasse les démons. Qui suis-je pour faire tout ça ? Oui, qui ? J’ai besoin de le savoir !! Silence, une seule réponse sonne dans ma tête: Tu peux le faire, alors fais-le. Faire quoi !? Fais-le et tais-toi !!!
Je ne fais rien, bord de mer !! Je reste là planté comme un chou farci. J’attends que ça se passe. Et ça se passe à chaque fois. Suffit que je sois là. Je n’y suis pour rien, c’est tout. Tout, oui. Tout se fait grâce à moi. Mais sans moi, quoi. Et quand je ne serai plus là, ça continuera ? Sans doute pas. Il faut donc que je sois là ? Alors je repose ma question : pourquoi moi ??
Le gars qui vous parle n’est pas un prophète.ça me ferait mal !! Ni un gourou.surtout pas ! Ni un guérisseur.ou si peu… Ni coach de vie.la pire engeance d’incapables qui exploitent des naïfs Pourquoi pas le fondateur d’une nouvelle religion ? Manquerait plus que ça ! Y a déjà trop de religions, trop de sectes, trop de mystiques qui toute beauté salissent.
La beauté, c’est sacré. Mon seul guide. Mon idole. Ma quête. Beauté du geste, de l’image, des mots. Beauté des poètes. Beauté des idées fortes. Beauté des sages d’antan, des philosophes d’hier, des génies de demain. J’ai un truc pour me déplacer sur toute la ligne de temps. Ça aide énormément.
Les géants d’avant, les grands dévas, les déesses sublimes : leur beauté me fascinent. Intérieures ou pas, visibles ou cachées, toutes les beautés m’émeuvent. Poissons hors de l’eau, ivres je vous les livre, vives, fraîchement cueillies. Elles gigotent et happent l’air, bouche ronde et les yeux surpris. Gobez-les vite, vous leur rendrez la vie.
Voilà mon seul talent : faire passer le relai (sans s). Je sais humer les vents favorables, les parfums tonifiants. Hop ! Tu les chopes. Et ton moral revient. Ça je le fais bien. Je m’y applique et j’y passe tout mon temps. Figurez-vous la joie qu’on peut avoir de faire la passe aveugle, d’envoyer la balle au jugé, sans savoir qui va l’attraper, mais rassuré au fond de savoir qu’elle n’ira pas par terre. Ni dans de mauvaises mains…
Mais comment guérir ? Comment faire des miracles ? Y a-t-il des écoles pour ça ? Je n’y suis pas allé. Que de matières ai-je étudié aux universités ! Sur la magie j’ai fait l’impasse. Oh je l’ai rencontrée souvent sur les routes du monde, par voie de terre ou de mer, par avion. Tapis volant. Vol astral. Par la porte de l’intention. Sur l’aile spiralée des ondes scalaires. Au milieu de la meute avec mes loups volants.
Il y a mille moyens de transmettre. Il suffit de vouloir pour passer le relai. La suite n’est plus de mon ressort.
Quand j’ai voulu entrer à l’école des miracles, j’ai trouvé porte close. L’école était fermée. Les profs miraculeux n’ont pas voulu de moi. Tant pis. Le chemin m’a repris où le cœur sait chanter. J’ai toujours une tapée de chansons dans la tête. Sans cesse je fredonne. En français, en anglais, espagnol, portugais, lakota même. Et bien sûr en breton. Le cri d’un goéland pour me donner le ton.
Je ne sais pas ce que je fais mais ça fait son effet. Ce n’est pas moi qui pilote l’avion et pourtant je suis bien dans le cockpit, installé aux commandes, le manche à balai dans les pognes et seul maître à bord après Dieu. Mais comme d’hab Dieu est occupé ailleurs.
Alors QUI pilote l’avion ? Je voudrais bien le savoir. Si quelqu’un a la réponse, il a gagné ma considération la plus considérable. Une offre à considérer. Qu’on s’y dérâble !
Tu m’as dit que mes pouvoirs venaient d’une vie antérieure. Tu as évoqué Theorima, la prof de Pythagore, croqueur de pita gore. D’abord j’ai cru que Theorima était un homme. Je l’avais nommé Théorème. Erreur. Sa vie brutalement tranchée faisait un si beau titre : Théorème de Pythagore. J’ai gardé le beau titre, mais Théorème a changé de sexe.
Entre tes jambes, je vois la lumière.
Regarde-moi : je suis comme toi. Que vois-tu de spécial ? Franchement rien. Pourquoi j’ai ces pouvoirs ? Je n’ai toujours pas la réponse. Pourquoi tous ces dons ? Pourquoi s’accroissent-ils dans de telles proportions ?
Je ressemble à chacun. Je m’adresse à chacune. On danse au clair de lune. Sans regret, sans rancune. Que dis-tu ? Je n’ai rien entendu. Moi non plus, fait le vent. Quelqu’un dit : Pourquoi pas ? Ce quelqu’un sur mes pas que je ne connais pas.
Pourquoi voit-on tant de merveilles ?
En me touchant les gens guérissent.
En me voyant les gens s’éveillent
et les prophéties s’accomplissent.
Pourquoi feindre la modestie ?
L’âge m’incite à parler vrai
L’orgueil imbécile est parti
Si je mentais, ça se verrait.
(source)Hildegarde Von Bingen, adaptation XS
Pourquoi ? Question lancinante et perfide qui m’étreint le matin, qui me bouscule au soir. La nuit, mon cauchemar. J’y rencontre un géant qui me connaît trop bien. Il me dit : pourquoi pas ? Il en sait long sur moi. Il ne me revient pas.
Sans fin je lui demande et toujours il se tait. Pour me narguer, il joue à me flatter. Il me tient des propos décousus, insensés. Il me parle souvent, je lui réponds : oui mais. Je voudrais l’arrêter, bâillonner l’animal qui me fait tant de mal.
L’inconnu du Pourquoi-pas ? On peut répondre ça quand on ne sait pourquoi. L’inconnu ne sait pas pourquoi. Mais il sait que c’est moi, l’animal ! Au début je n’y ai pas cru. Je me disais qu’il se gourait. Y avait erreur sur la personne. Pourquoi moi, dis-moi ? Pourquoi LUI ?
Ce dieu me fait trop mal. Ce roi de carnaval s’est trompé d’amiral. Il m’atteint, c’est fatal. Je me fais porter pâle. Il a brisé pour moi les parois du bocal. Oh le sale ! Il m’encense, il m’installe comme un roi du Népal au cœur de son étal comme au seuil d’un palais. Un décor népalais quand le corps n’est pas laid. Le mien l’est. C’est l’âge.
Ses lourds propos me pèsent. Il a l’orgueil obèse et j’en suis mal à l’aise. Chat qui fait dans la braise. Monarque en charentaises. Pourquoi m’a-t-il choisi ? Son baratin moisi, son goût pour l’hérésie, ses sorties ravageuses… La rengaine est flatteuse et je n’écoute pas. Allo ? Je n’y suis pas. J’ai décroché la ligne. Son approche est indigne.
Sachez que dans un duel tous les coups sont permis.
Et ses sous-entendus ! J’en ai trop entendu. Mes écouteurs à fond, j’ai mis Tonton Siphon pour mieux le dégoûter. Mais LUI n’a pas calté. Il vient de tous côtés. Quand va-t-il s’arrêter ? Je prends l’air hébété pour ne pas l’écouter. Je m’applique à roter pour le déconcerter.
Il poursuit sa harangue. Trop agile est sa langue et trop dur est son but. Si je peux, je le bute. Ce fameux roi des putes. Je mouille et j’ai la trouille. Ce quelqu’un me dérouille. Il me touille, il me fouille et j’en ai plein les couilles. Pourquoi s’en prendre à moi ? Alors qu’il y a des tas de connards satisfaits ?
Des légions d’abrutis contents d’eux, sûrs de leur importance, qui ne doutent de rien : le visa des crétins. Ceux-là vont applaudir à tout ce qu’il peut dire. Tout ce qu’il peut écrire. Il me trouble et m’ennuie sans arrêt, jour et nuit. Il me traite en héros, en prince, en général. Je n’ai rien d’un héros ni rien en général. Rien de particulier. Je proteste et je râle et je rote à nouveau.
Il reprend de plus belle. Déférent et rebelle il me guide au sommet. Sur quel trône il me met ? Je descends me cacher au fond de la poubelle. Je voudrais l’étouffer, le biffer, le bouffer — l’empaffé se défend ! Il conclut triomphant que je suis roi du monde.
Tourner, tourner la ronde. Si je ris, il me gronde. Il prend sa voix profonde afin de m’encenser. Cet homme est-il sensé ? J’en doute absolument. Il fait tout un roman de mes quelques trouvailles. Il faut que je m’en aille. Je me force à péter pour le déconcerter.
Je fais le con pour en parler mais c’est plus délicat que mon π π K K. Ce gars n’a rien d’un humain. Et pourtant il l’est tant ! Insistant, inquiétant, dégoutant, déroutant, ergotant, rebutant… et pourtant si tentant ! Ce qui te tente te tue. Ça t’en fout plein la vue. Satan pue.
Il se met les pieds sous la table et dit des trucs inacceptables. Intolérables. Abominables. Mon benefactor a eu affaire à LUI déjà. Il l’appelait l’Homme Gris. Oui, le même âne. Un des dieux mânes. Très insane, il ricane et cancane. Sarbacane. Frangipane. Ce salaud m’a pris ma bécane !
Qui est-il ? Que veut-il ? Sort-il du séminaire ? Est-il imaginaire ? Il me fout bien les nerfs. Entends-tu le tonnerre ?
Là c’est moi qui déconne. Il me l’a baillée bonne, ce suppôt de Sodome et son papier carbone. Des bobards à la tonne. Crois-tu que ça m’étonne ? Il reprend ce qu’il donne. Crois-tu qu’il nous pardonne ? Il se prend pour personne et nous prend pour sa bonne.
Il salope, il cochonne et me change en fourmi. Quel crime a-t-on commis ? Quel devoir ai-je omis ? Il m’aime, il l’a promis. Je l’exècre à demi. Je n’ai pas d’ennemi. Dans quel trou m’a-t-il mis ? Il n’est plus mon ami.
Je voudrais riposter mais il n’est pas d’accord. Le dieu mort bande encore. Je le maudis très fort mais ce faux-cul me sort son refrain que j’abhorre. –Humains, si vous saviez le clavier de Xavier ! Tant qu’il chante, il m’enchante ! C’est si haut ! C’est si beau !
Sénateur des flatteurs ! Président des pédants ! Vient-il d’un autre ailleurs pour gaspiller ses fleurs et grappiller mes pleurs ?
LUI s’interrompt soudain pour changer de posture. Il est tout près, l’enflure ! Je l’entend qui murmure : –Tu es si beau Xavier ! Si grand ! Vraiment immense ! Dense en intelligence ! Tu as tout d’un géant assis sur son séant. Un don que nul n’efface. Tu as compris vraiment le passé de ta race. Tu vas laisser ta trace. Tu seras pour la masse un prophète au Parnasse. Un dieu vivant ne peut mourir, ceux qui t’ont lu ne t’oublient plus.
Je bouche mes oreilles. Il est tout doux, tout miel. Ce miel n’est que du fiel pour me chasser du ciel où mon double officiel vole avec les abeilles poilues sous les aisselles. Vite un nouveau missel pour changer de chapelle. Mais le diable m’appelle. LUI m’emmène, il m’emmêle, il m’emmerde, il me pèle. LUI poursuit son délire et moi mes souvenirs. De loin je l’entends dire :
Oui, tu peux être fier ! Mongol en montgolfière, tu peux te pavaner tous les jours de l’année. Va tanner les damnés, tu es chez toi partout. Les dieux t’obéiront. Ils te reconnaîtront. Ton destin éclatant les éclabousse autant que ton génie les mine. La rose a des épines. Ta Vénus en blue-jean joint sa langueur coquine à ses intuitions fines. Et jolie, la gamine ! Elle aussi t’applaudit. L’extase universelle récompensera celle qui t’aide à devenir le roi de l’avenir. Car tu ne mourras pas. Tu vivras plus longtemps que les Héros d’avant. Tu joueras dans ton arche avec les Patriarches. Tu jouiras dans ta marche avec les Matriarches. L’anneau du droit d’aînesse à la main des druidesses décidera pour toi. Tu n’en reviendras pas.
Humilité, mon bouclier. Bouche-moi les deux oreilles, berce-moi dans ton ombre, la lumière éblouit le guerrier fatigué. Humilité, ta force énorme. Ma victoire, mon triomphe modeste, mon humour protecteur – ma règle et ma pudeur, ma vie simple et discrète, tout en moi t’appartient. Mon château, mon rocher, c’est toi : humilité. Rien n’existe à côté.
Oh mon étoile, toi ma fidèle, quand me donneras-tu enfin rendez-vous moins éphémère, loin de tout, dans ton domaine des certitudes éternelles ?
Ce rêve n’en est pas un. Je le fais depuis l’enfance. Ce quelqu’un me harcèle avec persévérance. Quand j’étais tout petiot, LUI m’appelait Babé. Nous étions deux copains. Il n’était pas si grand. Il poussa doublement. Il m’a dépassé quand je n’avais pas douze ans. Et toujours on était compagnons de virée, frères d’armes, amis intimes. Il était ce géant que j’ai connu avant — rien n’était différent. Je suis adolescent : LUI vire avec le vent. Devenu énervant, il s’est manifesté de moins en moins souvent.
De là date à peu près ma méfiance. Et la peur. Ce quelqu’un innommé peut se montrer inique. Impudique. Sadique. Et satanique aussi. Il vient des marécages. Il est grand pour son âge. Il n’a que cent mille ans. Je suis vieux cependant je n’en ai pas autant.
Je veux tourner la page. Gonfler ma voile au vent vers de nouveaux rivages. Quand la dame était moche on culbutait son page. J’ai changé de visage. Il m’a trouvé trop sage. Il dit qu’au Moyen Âge on a fait des ravages. Les nanas nous tombaient dans les bras sans ambage. Il dit qu’on a conquis le pays des Rois Mages. La Celtie, l’Amérique et Golconde et Carthage. Je nous ai reconnus tous deux sur une image estampée sur la peau d’un animal sauvage.
Golconde : Ancienne capitale du royaume du même nom, dans l’État indien du Télangana, jadis célèbre pour ses mines de diamants.
Je déconne. Tu décodes. Il décarre.
Il se barre et c’est marre. Il m’a toujours poussé au vice. Il me fait subir des sévices. Pantin sans armistice toujours à son service. J’aimerais tant qu’il s’évanouisse !
Évaporé dans la nature, éradiqué à toute allure, avec mon poing dans la figure — pour un pur non-violent, c’est dur ! Il faut pourtant changer d’allure. Si j’allais contre ma nature et l’expédiais dans la verdure en flanquant des coups de ceinture à sa gueule en déconfiture ?
La saison des morts va durer tant d’années. Foc choqué, mal barré, c’est la marée des décédés. Chaque ami qui s’en va sera-t-il remplacé ? Chaque année je me trouve un peu plus isolé. Quand le poids se fait lourd, qui vient me consoler ?
LUI.
Il est toujours là quand mon cœur ne va pas. Fidèle ami ? LUI ? Ou mortel ennemi. Vrai faux-cul. Faux ami. Sinistre économie de cœur et d’émotion, contrition, compassion, sympathie, empathie, la doudou lé pati.
Il est toujours ici mais jamais là quand on l’appelle. Il fait la nuit sur tout, partout il étincelle. Il est planté en nous comme une manivelle. Où prend-il l’énergie qu’il nous donne ? Dans l’amour qu’on lui rend. Il n’en a pas besoin. Je ne suis pas meilleur ! Putain ! Qu’il cherche ailleurs !
Je n’y suis plus pour lui. Le fuyant, je me fuis. Je m’échappe, il me suit. Je m’étale, il m’essuie. Est-il un dieu gentil ? Un méchant monstre ? Un abruti ? Un animal ? Un sconse ? Un escargot ? Ostrogoth ? Autre GothHommage à Goscinny ? Tous ces dieux sont si vieux…
Allons, allons ! Il est d’Ur et c’est un ami. Il est mûr et c’est un Nady. Que ses péchés lui soient remis — quiconque soit-il !
Il n’y a qu’un seul coin de l’univers que vous pouvez améliorer à coup sûr, c’est vous-même.
Chiâleries, larmoiements, pleurnicheries, apitoiements, j’allais partout me frappant le cœur en pleurant : Pourquoi moi ? C’était le premier titre de cet article. Mais c’est fini. J’ai compris. Lui ou moi, quelle importance ? C’est trop bête et j’arrête. Il m’a trop pris la tête.
Au lieu de la couper une fois pour toutes. Vas-y gaiment, le scout ! Un premier pas qui coûte. Tu te plains, tu t’écoutes, tu te crains, tu redoutes, de quoi donc as-tu peur pour ton plus grand malheur ? De ta propre grandeur.
Le pardon libère l’âme, il fait disparaître la peur. C’est pourquoi le pardon est une arme si puissante.
Oui, tout ça c’est fini. Je l’ai dit. Trop cherché la petite bête et des poux dans la tête, j’étais bête. J’avais peur de l’ego qu’IL flagornait sans cesse. Je refusais de voir qu’IL était mon miroir. L’ego était en moi qu’IL me montrait du doigt.
L’ennemi intérieur est toujours le meilleur. Le railleur. Le tailleur. Le veilleur. L’éveilleur !
Nous croyons conduire le destin, mais c’est toujours lui qui nous mène.
Il est exactement comme moi, celui-là. Mulot malin dans son jardin. On croit tous les matins qu’on va se battre contre le genre humain alors qu’en fait, nul ne sait qu’on existe.
Mulot malin dans ton jardin.
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