Dialogue de sourds

 

Après un long épisode de mauvais temps, froid et pluvieux plus que de raison, ballet incessant de tempêtes, averses de grêles etc, un téléspectateur lambda interroge un météorologiste. Est-il possible que l’anticyclone des Açores ne revienne JAMAIS sur la France ?  Sourire protecteur de monsieur météo, plein de condescendance, et pire, ruisselant de pitié gentille à gerber. Spectacle haïssable, devenu tellement banal qu’on n’y fait plus attention.

 

Exemple parmi tant d’autres. Celui-là date de 2011 mais pourrait aussi bien dater de ce matin. Un cas d’école. L’attitude supérieure du météorologiste en dit long sur la ligne de front qui sépare cette humanité en deux camps belligérants.
1° Ceux qui sentent ce qui se passe et qui méprisent les autres,
2° Ceux qui prennent ça pour de la superstition et qui méprisent les autres.

Les rationnels

Les rationnels, le plus souvent, sont glaçants de supériorité. D’autant plus qu’ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Il se peut fort bien qu’un jour ou l’autre, changement climatique aidant, l’anticyclone reste à l’année sur les Açores. Il se peut aussi que le Gulf Stream, puissant adoucisseur climatique, soit détourné de nos côtes. C’est notamment grâce à lui que la Suède ou la Norvège jouissent d’un climat bien plus agréable que leur symétrique outre atlantique, le Québec, qui ne bénéficie pas du Gulf Stream et qui du coup se caille les miches.

Bon, mais il n’y a pas que la météo. Quel que soit leur domaine d’intervention, les esprits forts témoignent d’un esprit faible. Assorti d’une totale absence de tolérance. Ce qu’ils ne comprennent pas, ils le jugent stupide. Où est la stupidité dans tout ceci ? Le lecteur a compris. Mais pas de triomphalisme déplacé. Dans l’autre camp, celui des intuitifs, l’intolérance règne avec la même violence.

Les intuitifs

Les intuitifs ne valent pas mieux, en effet. Ils forment un groupe hétérogène composé de voyants, de sensitifs, de médiums, de gourous, de fous, de groupies, de paumés, de béni-oui-oui, de complotistes, de militants, d’égarés, d’artistes, de saints, d’éveillés, d’escrocs, de commerçants et de dieux vivants. Si chacun voit midi à sa porte, c’est souvent midi à quatorze heures. Dans ce concert discordant, toutes les voix s’élèvent ensemble dans une insupportable cacophonie. Il s’agit de crier plus fort que son voisin. Impossible pour eux de s’écouter. Difficile pour le profane de s’y retrouver.

Une seule chose en commun entre eux : ils détestent l’autre camp, celui de la raison raisonnante, celui des esprits qui se croient forts. Et la bagarre larvée menace tôt ou tard de devenir bataille rangée. Difficile de concilier les inconciliables. Impossible de combler le fossé qui les sépare. Ils campent chacun sur une rive de la faille, ils ne voient pas qu’elle s’agrandit chaque jour un peu plus. Un jour prochain elle sera si large et si profonde qu’elle les engloutira jusqu’au dernier. Et ce sera la fin de cette humanité.

Plus que jamais, il importe de t’ouvrir. Entends-toi. Écoute ta propre voix qui te parle, parle au toi qui se tait, ne t’écoute pas parler. Abats les murs trop mûrs, le poison des cloisons. Ouvre tes ailes bel oison. Vers toi lance des passerelles. Il est grand temps d’ouvrir les ailes. C’est l’endroit où montrer ton zèle. Va te rejoindre en terrain neutre au lieu de te fuir comme un pleutre. Tu n’as pas d’autre ami que toi. Ton pire ennemi est sous ton toit : c’est toi, mais tu n’en as rien à braire. Il te ressemble comme un frère.

 

 

Rencontres

Le chemin de la connaissance passe par des rencontres. Des lectures aussi. Des découvertes. Mais surtout des rencontres. Je revois souvent le visage hilare ou recueilli ou lumineux de toutes celles et de tous ceux qui ont aidé la graine à pousser. Personne ne se fait tout seul. Personne ne se fait sans effort non plus.

À toi de faire le boulot, cherche en toi. Toute aide ne sert qu’à te prêter l’énergie qui te fait défaut pour descendre en toi. Mais c’est toi en dernier ressort qui doit atteindre les couches les plus profondes de la conscience, l’orée de l’autre monde, le côté gauche, le monde du nagual.

Voilà pourquoi il te faut faire confiance aux rencontres, surtout celles qui déboulent sans crier gare en parfaite synchronicité avec ta quête. Tout se passe dans l’instant, dans l’ici et le maintenant, dans l’ailleurs et le pendant, dans le là-bas et le tout-le-temps, dans le dehors et le dedans. Rien de tout ça n’aurait lieu sans l’impact existentiel de l’instant.

Homme, si tu projettes Ton esprit par delà lieux et temps Tu peux à chaque instant Vivre dans l’éternel.

Angelus Silesius

Est-ce que le profane se retrouve mieux dans ces propos ? Je lui pose la question. S’il a 5 minutes, qu’il m’écrive. J’essaie d’être clair, je m’y efforce sans cesse, mais les mots sont un piètre outil pour décrire les mystères de l’au-delà. Je sais très bien que la clarté doit se trouver d’abord dans la tête et dans le cœur de mon lecteur. Rien ne peut être clair pour toi si tu ne l’as déjà vécu. C’est le paradoxe de la transmission sacrée. On ne peut initier que ceux qui ont déjà fait le travail tout seuls. Personne ne se fait sans effort. Rien ne se guérit sans ton total accord.

Parfois les mots ne sont que des sons, des chansons, des rythmes inconnus, un cri qui porte aux nues. J’use et j’abuse de la poésie, elle ouvre tant de portes ! Élan qui nous transporte, euphorie qui s’exporte, menus riens qu’on apporte. Certains de mes textes sont à lire avec l’oreille. Je parle comme j’écris. Je pleure comme je ris. Fais le tri.

« Ce qu’on te reproche, cultive-le, c’est toi. » Trop d’artistes se censurent et se changent par désir de plaire. On ne fait pas l’artiste pour plaire. D’ailleurs je ne fais pas l’artiste. Jamais. Ça me prend aux tripes, c’est là depuis l’enfance, et si c’était puni de mort, je braverais l’interdit quand même. Il me manque le verbe arter. Artister serait attristant. On ne fait pas de l’art, on arte. Comme la chaîne télé. Moi j’arte comme je respire. Tous ceux que j’aime font de même. Arter pour alerter. Arter c’est être. La vie arte, la nature arte, l’humain se doit d’arter. 

Quand j’entends un auteurun arteur? évoquer l’angoisse de la page blanche, je décroche. Comment peut-il ? J’ai en réserve des dizaines d’articles quasi finis. Je fournis comme une pondeuse primée au concours agricole. Parfois j’écris avec une telle intensité que j’en oublie de déjeuner. De dîner. De me laver. De m’habiller. J’arte, quoi qu’il advienne, j’arte sans peine. Ça aussi, ça m’étonne, ces gens qui te diront qu’il faut souffrir pour être artiste. Connerie sans nom. Souvent c’est vrai l’artiste souffre, trop dur d’arter dans l’ombre, arter sans s’interrompre parce que de toute façons on n’a rien à manger, arter parce qu’on ne sait rien faire d’autre.

Arter pour alerter. Rire pour dire. Arter comme chanter, penser comme danser. Je danse la tête vide. Je non-pense de même. Si vous avez du plaisir à me lire, c’est parce que j’en ai tant à écrire. Sans le plaisir, d’où viendrait le désir ? Sans le désir, je ne peux prendre de plaisir. Les deux faces d’une même pièce de cent sous. Sans dessus dessous.

Arteur plutôt qu’artiste. Arteur comme un bon artisan, dépourvu de gloriole et non de talent, arteur de l’ombre, écriveur, gratteur, mateur, tâteur, rateur. Pas celui qui rate -quoique?- celui qui rature. Chose rare chez moi. Je supprime, je ne corrige pas. Faut que ça vienne comme ça va, sinon ce n’est plus moi.

D’ailleurs est-ce moi qui gratte, j’en doute. Est-ce ma vie qui se déroule, ou un film qu’on projette dans ma tête ? Quand bien même ? Ça change quoi ? Écrire m’embarque tellement que j’y perds mon lapin. Latin. Matin. Et soir aussi, tout le temps. Si bien que tout se brouille et que j’en oublie mon propos. Est-ce important ? Pas tellement. Pas tout le temps. Ce qu’on n’a pas prévu est toujours bienvenu. C’est la vie qui déboule au cœur du jeu de boules. Faut que ça coule, que ça s’écoule. Cool ma poule.

 

 

On attend de moi que je tienne la barre que je garde le cap que je borde la voile que je hisse le foc du grand bâtiment où voguent vos vies. Comme un blot qu’on m’assigne, comme un lourd fardeau qu’on m’assène. Je dois trouver ma cime, ça m’assomme et j’assume. Ah ! Dériver sur les flots bleus sans but, sans route ni relevé !

Comme je descendais des Fleuves impassibles
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs
Des peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleur. (source)

Je peux si tu veux entrouvrir la porte qui te porte, tu pourras avec moi gravir la marche qui marche et qui te fait marcher. Demain si tu veux bien nous tenterons l’impossible rencontre, celle qui passe par les chemins ailés de l’astral, sous les rideaux blancs du sommeil éveillé, dans le brouillard amical des terres ignorées.

Dieu que j’aurais aimé connaître Rimbaud quelque part en Mer Rouge trafiquant d’armes et d’opium ! Ce type était bondé. Bourré. Complet. Complètement cuit, génialissime, venu d’ailleurs où il est retourné, d’ailleurs.

Voici mon offre. Rishi qui s’en dédit. L’astral se visite, j’y suis guide assermenté. Ah sers mon thé, veux-je dire. Seule la peur te fait peur. Au four, ton cœur de beurre. Fonds d’amour pour toi-même. Toi m’aime. Dis : je m’aime. Pends-toi et meurs. Repends-toi et vis. Laisse le gâteux te gâter, si tu peux tâter la folie contrôlée. Sois rassuré. L’Océan des Trois Parques ne noie que les énarques. Embarque. Ici carte au trésor.

 

L’enfant est le père de l’homme
Friedrich Nietzsche