Quelle vérité ?

 

Face à la vérité, méfie-toi de deux sortes de gens. Ceux qui font passer la courtoisie avant la vérité paraissent faibles et peu fiables. Ceux qui font passer la vérité avant tout sont programmés donc fragiles. Si tu n’es ni faible ni fragile, tu es un guerrier. Cet article s’adresse à toi.

 

Les gens trop polis sont des galets polis. Lisses, sans aspérité, roulés par les vagues, mouillés par les pluies, pouillés par les vents, ils n’ont pas de direction propre. Comment leur faire confiance ? Même s’ils tiennent bien en main… Certes ils sont très appréciés sur le plan social. Ces gens-là ne font pas de vague, ils sont faciles à manier, et les manieurs ne s’en privent pas. Dans les dictatures, seul existe ce groupe. Ceux qui disent la vérité sont exécutés. Quant aux guerriers, ils ont renoncé à la révolution. Ils se battent avec leurs petits tyrans.

Les obstacles

Du point de vue du guerrier, les polis n’ont aucun intérêt. Le guerrier ne place pas la politesse ou la courtoisie très haut sur son échelle de valeurs. S’il lui arrive d’en user, ce n’est jamais conventionnel, c’est toujours intentionnel. Le guerrier veut progresser. Il cherche la vérité. L’intention est sa loi. Les conventions l’emmerde. Les obstacles naturels et personnels lui suffisent, sans que s’y rajoutent des obstacles sociétaux qui fluctuent au gré des modes.

Si tu veux progresser, recherche toujours la vérité. Que seule la vérité sorte de ta bouche, de tes gestes et de tes actes. La vérité très bien, diras-tu, mais laquelle choisir ? Il y a autant de vérités que de grains de sable. Chaque étoile a les siennes. Chaque être est une étoile. Quelle étoile suivras-tu ?

Le guerrier sait qu’il doit confronter des milliers de vérités s’il marche sur la voie de la pure raison logique. C’est pourquoi il préfère la voie du milieu. La route est plus droite, mais la pente est plus forte. Ça revigore et ça réconforte. La vérité n’arrive pas sur le traîneau du raisonnement. La vérité n’entrera pas dans ton cerveau. Ce n’est pas sa place.

La vérité n’est pas en quelque lieu lointain, elle est dans l’acte de regarder ce qui est. Se voir soi-même tel que l’on est est le commencement et la fin de toute recherche. (Jiddu Krishnamurti)

Les portes

Je me suis nourri de cette planète. Je l’ai traversée en tous sens au temps de ma jeunesse folle. J’ai dévoré tout ce qui se mange. Bu tout ce qui se boit. Fumé aussi, beaucoup. Du bon, utile, et vrai. Mais le chemin n’a rien à voir avec tout ça. Le chemin se monte à jeûn. La vérité se passe d’expédients, de potions et de rites. Elle est nue, comme chacun sait.

Des portes se sont ouvertes dans ma tête, dès l’enfance, sans effort de ma part. Et ça continue. Ça n’a jamais fini. Je me suis assis au bord du chemin qui monte. Je me suis posé pour regarder la mer. Après tant d’émois, après tant d’errances, un brin de rien m’est récompense. Je me suis assis pour digérer. Serpent las, lent boa, je somnole, fragile et fort.

Celui qui est conscient de sa force et qui garde la douceur de la femme a le Tao entre les mains. (Lao-Tseu)

La vérité, oui. Toujours. Quelle vérité ? Celle de l’instant. Sincère dans l’instant. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Le guerrier en change comme de chemise. Il vit dans l’instant et conchie les principes. Rien n’est immuable. Rien n’est gravé dans le marbre de l’histoire. Rien n’est écrit, rien n’est prédit, rien n’est prévu. Seule une précaution s’impose : mesurer l’impact. Avant de parler, tourne sept fois ta langue dans ta bouche. Si les héros du passé l’avaient fait, bien des drames auraient été évités. Toute vérité est-elle toujours bonne à dire ? Question. Mesure l’impact. Précaution.

 

 

Pour qu’une chose mérite d’être dite, il faut qu’elle soit bonne, utile et vraie. Les trois, et dans cet ordre. (Marie Bénazet)

 

Jihad G.I.

Voilà la vérité. Le guerrier n’est pas un robot fou. Le guerrier se contrôle. Se musèle lui-même. Il porte la guerre en lui, il se bat contre la mauvaise part de lui-même. Il terrasse les obstacles du guerrier. Le vrai jihad est la guerre contre nos défauts, nos faiblesses, nos manques. C’est un combat cathartique.Qui purifie, libère des éléments considérés comme impurs. Il a pour but de récupérer l’énergie bloquée par les engrammes. Un grand nettoyage de printemps qui peut durer longtemps. Genre arcane XIII. Façon Mystères d’Isis. Acquérir la maîtrise de soi. Tâche prioritaire. Self-control. Encore un élément majeur de la Règle non écrite.

Non, elle n’a jamais été écrite, et ne le sera jamais. La parole libère, l’écrit fige et tue. Chacun la sait, la Règle. On peut la lire en soi. Le criminel sous-informé qui prétend la mettre en mots éternels la dénature et en précipite la chute. Prends sur toi. Répète la phrase magique :

« Il y a un temps pour prendre ses aises et un temps pour prendre sur soi. » (Anémone)

 

Pour t’aider dans ta guerre sainte, tu disposes d’atouts. Ces emmerdeurs que tu as tant de mal à supporter, au boulot, les boulets, les zinzins, les voisins. Ta meuf. Les keufs. Les profs. Les beaufs. Bénis-les au contraire. Ce sont des petits tyrans que la providence a placé sur ta route. Chacun d’eux t’aide à combattre un de tes défauts.

Bénis soient les petits tyrans ! Ils sont les alliés du G.I. que tu es, les atouts secrets du combattant de la liberté intérieure. Sois tranquille ; les emmerdeurs sont la majorité, tu en trouveras toujours une bonne pincée sur ta route. Ménage-les, ils font le ménage.

 

Mille mensonges

La lumière éclaire le chemin. Faut-il lui faire confiance ? Parfois le chemin de la vérité est dans la pénombre, tandis que brillent les projecteurs sur le chemin du mensonge. Écoute en toi. Rien n’est simple. Rien ne peut se mettre en équation dans la vie, ça ne marche que dans l’abstrait. En face de la vie brute, le mental est d’un piètre conseil. La peur est pire. Il faut rester calme, d’où le travail urgent sur la maîtrise de soi. Juguler la peur. Apprendre à vivre avec. La dépasser. Se sublimer dans le danger.

Le mensonge a tous les culots, toutes les formes, et tous les droits. Il est partout sans qu’on le voie. Il se sent tellement impuni qu’il parade en gros caractères, en slogans pervers, en pensées mortifères. D’un côté je crie sur tous les toits qu’il faut se couper la tête, mais d’un autre le vivant nous demande sans cesse de faire preuve de jugeote. C’est du mental ? Ou c’est de l’instinct ? Je n’en sais rien.

La jugeote, on peut aussi y reconnaître cette voix du dedans qui te guide quand tu es près de la fin. Quand la maison brûle et que tu es dedans. Calfeutre-toi si tu ne peux fuir. Un drap mouillé sur une porte augmente sa résistance au feu. Quand tu es enseveli sous une avalanche, tellement sonné que tu ne sais pas où est le haut, où est le bas… Par où creuser dans ce cas ? Pisse. La gravité montrera le bas. Creuse à l’opposé.

Click sur pause

En cas d’extrême urgence, le temps s’arrête. Le film s’arrête. Tout se passe comme si on te sortait de la fiction que tu appelles vivre, ce récit virtuel auquel tu crois si fort en temps normal. En temps banal.

Là est le piège. Rien n’est banal dans cette immensité là-dehors. Dans cet univers prédateur. Il faut se méfier de l’apparence banale d’un lieu, maison ou paysage. Le banal est souvent le masque de l’impensable. Un masque fabriqué à la va-vite par ton mental pour t’éviter un choc. C’est l’habillage. Le mental fait ça tout le temps.

Si jamais tu t’en défais, c’est gagné. Rien ne peut t’arrêter.

Ton allié le plus sûr est en toi. C’est Super Toi. Il se manifeste quand tu ne peux plus assurer. Combien de fois déjà t’a-t-il sauvé la mise ?

Tu as vu tant de films, ta mémoire porte la trace de tant de situations dangereuses, il se peut que l’urgence vitale fasse surgir le souvenir qui peut t’aider à t’en sortir. Il se peut aussi qu’un sorcier t’ai fait jadis un don de pouvoir qui se manifeste fort à propos pour te sauver la mise. Ce genre de don précieux s’appelle une option de sorcier. Tu ne sais pas quand tu l’as reçu, parfois même tu ignores qui te l’a donné.

Cette position du point d’assemblage t’a été montrée jadis, quand tu étais en conscience accrue. Elle est restée inscrite au plus profond de toi pour qu’un jour, pressé par la nécessité, tu te découvres un talent précieux dont tu ignorais l’existence. Il se peut qu’à cet instant, tandis que tu te bats pour ta vie, un visage apparaisse en surimpression, tout droit sorti de ta mémoire inconsciente. Le visage du sorcier qui t’a offert ce don de pouvoir.

 

Deux hommes regardaient par les barreaux de leur prison. L’un vit la boue, l’autre les étoiles.
Idries Shah