Le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam sont héritières d’Abraham, premier patriarche du proche orient. Avant lui, quelles pouvaient être les religions? Le Druidisme remonte au cœur de la protohistoire. Les religions animistes d’Afrique sont très anciennes aussi. Pourtant si l’on veut trouver une base où fonder nos pratiques religieuses, il faut remonter encore plus loin. Quelle était donc la religion d’Adam?
Ernest Renan, philosophe et penseur français né au 19e siècle, a formulé cette problématique d’une façon qui aujourd’hui peut paraître choquante. Que mes lecteurs n’y voient aucun manque de respect de ma part. Ils seront capables d’apprécier la justesse du raisonnement de Renan en oubliant ce qui n’est plus admissible dans ses propos.
« Un homme qui saurait assez bien l’arabe pour écrire en beau style un livre ayant la prétention de représenter la religion d’Adam, pourrait le voir adopté des peuplades voisines de la Syrie. On ferait très facilement accepter à ces tribus que Mahomet fut un grand homme pour avoir retrouvé la religion d’Abraham, mais que la religion d’Adam est chose bien supérieure, puisqu’elle s’applique à toute la postérité d’Adam, c’est à dire à l’humanité toute entière. » (source)Ernest Renan, La méthode expérimentale en religion, in Nouvelles études d’histoire religieuse
Bien entendu, la Syrie de l’époque était très différente du pays qu’elle est devenue.
Renan estime qu’il serait fort possible de fabriquer cette nouvelle religion à partir de rien, ou de pas grand chose. « La religion nouvelle aurait-elle besoin d’une grande originalité doctrinale? Mon Dieu, non! Un Persan de mes amis, qui a longtemps résidé en France, me racontait qu’à son retour en Perse, il faillit malgré lui devenir fondateur de religion. Sa légende courait en quelque sorte devant lui, il essayait vainement de l’arrêter ; le bruit des miracles qu’il avait faits le troublait parfois à un tel point, qu’il se demandait si ce n’était pas vrai. Son symbole était Liberté, Égalité, Fraternité ; les gens à qui il communiquait ces trois mots sacramentels tombaient frappés d’étonnement. Ils disaient que c’était beaucoup plus beau que le Coran, et qu’il n’y avait que l’esprit divin qui fut capable de révéler des choses si sublimes. » (source)Ernest Renan, La méthode expérimentale en religion, in Nouvelles études d’histoire religieuse
Ce qui ne m’étonne pas. Les gens sont si peu capables de se conduire par eux-mêmes et de progresser par leur seul secours, ils ont un tel besoin de guides, de commandements, de prophètes, de coachs de vie que je crains fort, après ma mort, de devenir malgré moi le fondateur d’une nouvelle religion, alors que je n’ai de cesse de mettre en garde contre toutes les religions. Croire c’est bien. Mais croire sans y croire est bien meilleur.
La religion est pour ceux qui ont peur de l’enfer. La spiritualité, pour ceux qui y sont déjà allés.
De nombreuses confirmations de mes hypothèses sont venues d’autres textes sacrés, comme la Torah ou le Coran. Je me suis aussi abreuvé à d’autres sources, les écrits sacrés de l’Inde, de la Chine, du Japon, des Mayas, les légendes de nombreux peuples d’Afrique, de Sibérie et d’Océanie, ainsi que toutes les mythologies du monde. La plupart d’entre elles ne sont guère plus explicites que la Genèse biblique. Mais le fait de les rapprocher, travail patient du mythologue, permet d’en faire jaillir un éclairage nouveau.
C’est la mythologie qui survivra à la science si la science doit décliner.
Les fictions m’ont aidé aussi. La littérature, le cinéma, la bande-dessinée y compris les comics et les mangas, que de modèles ne proposent-ils pas! Quand George Lukas sort, non sans mal, les trois volets initiaux de sa Guerre des Etoilesqui devrait s’intituler Les Guerres de l’Étoile, Star Wars! il donne un sérieux coup de canif dans le voile d’Isis. L’action se passe il y a des millions d’années, dans les lointaines périodes qui ont précédé la terraformation de notre planète. Grâce à lui, le monde comprend soudain que le très lointain passé fut technologique. Et celui de la Terre aussi. En d’autres temps, Lukas aurait été un prophète.
Il semble que tout le monde n’ait pas compris la puissante leçon de ce visionnaire. La science continue de ricaner, incrédule. Les savants n’aiment guère la science fiction, préférant de loin la science friction. Laissons-les se crêper le chignon jusqu’à la calvitie. L’inconscience de ces doctes ignares est leur marque de fabrique.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.
Ils peuvent bien se battre comme des chiffonniers, je ne lèverai pas le petit doigt pour ramener un semblant de concorde. Ce qui n’empêchera pas ma désolation sincère devant le triste spectacle que donnent ces scientifiques et leur étroitesse d’esprit.
De nos jours il ne subsiste pas le moindre vestige de la science sacrée, c’est le règne du savoir profane, de l’ignorance qui se prend pour science et se complaît dans son néant.
Ils font étalage d’un tel manque de sensibilité. De clairvoyance. De lucidité. Le peu de raison qu’ils ont a détruit chez eux tout plaisir des sens.
La lucidité est le point de rencontre de la conscience et de la sensualité.
Il n’y a pas eu de premier homme, mais une première population. Des clones droit sortis d’une matrice de métal et de cristal qui produit des dizaines d’unités par jour. Tous sur le même modèle, tous destinés au dur labeur dans les mines ou ailleurs. Non sexués, ils n’ont qu’un mental réactif bêtement analytique. Des robots humanoïdes sans foi mais non sans lois. Des êtres obtus, imbéciles, juste bons à remplir des tâches répétitives ne demandant ni initiative, ni inventivité.
Destinés au travail à la chaîne, les premiers Adams sont nés à la chaîne. Leur matrice est une chaîne de montage. Ils n’ont ni racines, ni parents. Leur psychologie est à peine celle d’un primate. Ils sont dénués d’affects: pas de sentiments, des émotions très frustres, uniquement des sensations basiques. Pour être productifs, ils accusent une absence de sensibilité au chaud, au froid, à la douleur, etc. Rien ne les atteint, rien ne les touche, rien ne les arrête.
La matrice qui les a fabriqué, les brujossorciers latinos s’en souviennent parfaitement. Carlos Castaneda l’appelle le moule de l’homme. La description qu’en fait son benefactor est déformée par l’oubli et l’habillage, mais elle reste explicite.
Matus le matois décrit une bande passante où défilent de vagues formes humanoïdes, ou quelque autre pâte humaine. Elles se suivent, inanimées, quand un moule au bout d’un bras mécanique s’abat sur l’une d’elles, puis sur une autre et une autre, formant à chaque fois un être humain tout neuf.
Cette vision est exacte, même si les sorciers ont remplacé la technologie antique par de la magie surnaturelle. Ce qui peut très bien se comprendre.
Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie.
Au terme de cette présentation, le lecteur aura une idée plus juste de nos origines. Aucun dieu d’amour ne s’est penché sur notre berceau. Certes, une bonne fée nous a donné l’intelligence, mais à quoi nous sert-elle sans la sagesse? N’en déplaise aux mânes de Renan, s’il s’agit d’inventer une religion qu’Adam aurait pu pratiquer, je sèche. Dites-moi un peu, quelle religion pour ces semi-robots? Leurs dieux n’en pratiquaient aucune. Les robots avaient des réflexes, des désirs latents, enfouis au fond de leur cerveau électronique. Ils avaient aussi une sorte de pulsion continuelle, un leitmotiv, une constante: fuir l’esclavage. Ils n’ont pas réussi, machines verrouillées qu’ils étaient.
Adam est resté prisonnier de sa bêtise, comme nous. Il n’a pas pu se libérer des contraintes imbéciles, comme nous. Il n’a pas réussi à dépasser sa condition insignifiante, comme nous. Il n’a pas entrevu un avenir radieux, comme nous. Il ne se faisait aucune illusion sur la cruauté des dieux, comme nous. Il n’a pas pu supporter la dureté de son sort, comme nous. Il était révolté par les crimes des puissants, comme nous. Il n’avait pas le courage de les massacrer, comme nous. Quelque chose dans son programme le forçait à leur obéir, comme nous. Pour ne plus voir la vilénie des puissants, il regardait ailleurs, comme nous. Il s’abrutissait dans un travail exténuant, comme nous. Quand il tombait en panne, les puissants le faisaient réparer, comme nous. Quand il était tout à fait hors service, on le mettait au rebut, comme nous.
Pauvres de nous!
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