Gwenwed le monde blanc

 

Gwenwed ou Gwenved signifie le monde blanc. Pour les anciens Celtes, c’est le monde intérieur, cercle de lumière blanche, aboutissement et centre de trois cercles concentriques : Keugant le cercle extérieur accessible à Dieu seul, Abred le cercle intermédiaire que les hommes doivent traverser, et enfin Gwenwed le cercle intérieur, le monde blanc de la béatitude et de la félicité éternelle.

 

Généralement admise, cette tradition n’est que déformation de la vérité première, comme je l’ai expliqué dans le symbolisme de la croix. La vérité de l’origine que nul n’imagine plus. Trop de générations l’ont oubliée. Elle semble imaginaire parce qu’elle ne cadre avec rien de connu. Alors un premier ignorant a inventé un baratin à son propos, le baratin a plu, on y a cru, on l’a répété, il est devenu vérité. Coupés leur racine et de leur lointains ancêtres, les gens préfèrent l’idiotie à l’insupportable. D’où le symbolisme ! Le symbolisme n’apprend rien. Enténébrant le sens et déformant les faits, l’obscur triture, lance en l’air et ça retombe à terre en miettes. Sans queue ni tête.

Les symbolistes comme les ritualistes adorent par-dessus tout couper les cheveux en quatre dans le sens de l’épaisseur. Tâche inutile mais si difficile qu’ils ont l’impression d’être habiles et de faire œuvre utile. Ce ne sont que des empoisonneurs publics. Je l’ai dit, écrit, chanté et répété à tout va : le symbole est ce qui reste quand on a tout oublié. Avatar bâtard de la réalité.

Les hommes ont oublié. Ils décorent les places et les murs de symboles vides et de signes creux. Leur sang coule sur la foule. Mille ersatz dans un seul moule. Ils dansent sur les ruines glorieuses de leur passé. Les hommes sont nés des dieux noirs de la préhistoire. Blancs comme un linge, les surhumains deviennent des singes. La roue tourne et nous broie. Pitié ! Qui d’assez pur pour résister ? Quoi d’assez dur pour hésiter ? Elle tourne, y retourne, se détourne et j’y crois. La croix broie les cœurs et les doigts. Moisi le roi boit, moi j’y crois pas.

La lumière de l’éveil veille à l’éveil de la lumière. L’hiver d’hier a l’air sévère. Verre en main, gamins de Samain. C’est pas demain la veille de l’éveil. Demande-toi ceci : qu’en est-il de Gwenwed ? Qu’en est-il du Cercle de Lumière Blanche ? Qu’en est-il du monde blanc ? On a vu souvent des explications d’ordre symbolique, mais il faut dépasser le symbole. Dépasser cette voie de garage. Tout ce qui nous est donné peut s’expliquer simplement. Un enfant doit pouvoir comprendre.

Or le charabia néo-mystique qu’on nous bonitverbe transitif direct, argot — vient de boniment, bonimenter sur les trois cercles des Celtes, à savoir Keugant-Abred-Gwenwed, est totalement indigeste. Un enfant n’y pige nib. Un adulte non plus. Seuls s’y complaisent les universitaires, même s’ils ne comprennent pas davantage. Est-il possible d’être totalement sincère, ne serait-ce qu’avec sa propre conscience, et d’affronter toute la vérité ? Résolument je pose la question.

 

 

Le cercle de l’éveil

Pour mon benefactor, la lumière blanche était celle de l’éveil. Quand il m’a fait passer mon arcane XIII, la catharsis m’a fait grimper si haut que j’ai traversé l’arcane XIIII Tempérance à la vitesse de la lumière pour accoster les rivages bénis de l’arcane XVI La Maison-Dieu. Selon lui, la lumière blanche de l’éveil m’a roussi les cheveux.

Un instant j’ai flotté dans le blanc, une ineffable sensation de blancheur douce et cruelle, avant de retomber en Tempérance. L’heure de mes retrouvailles avec l’éveil n’avait pas sonné. J’en ai gardé le goût sur les lèvres, paradis perdu de l’enfance, fruit défendu. Attendre encore. La patience est mère du succès. Elle m’a enseigné le sens du timing.

Longuement il nous parlait de Gwenwed. Je ne sais s’il avait tiré ses récits de lectures ou de son propre fonds. Il était captivant. Une mémoire celte avait pris renaissance en un coin de son âme, flamme vacillante d’une antique chandelle, et il soufflait doucement pour l’attiser. Parfois c’était une mémoire sioux lakota qu’il réactivait pour nous. Parfois une mémoire basque, soufi, tibétaine. Les mots coulaient trop rapides et trop fluides pour avoir été d’abord pensés. Son rythme envoûtant, son tempo fermement tenu, son flow nous grisait. Il ne pouvait aborder un sujet quel qu’il soit sans l’habiller à neuf, étincelant sous la lumière blanche. Je l’écoutais bouche bée, cœur battant, l’esprit avide. Noël tous les jours.

Il a très peu écrit, trop peu. Conteur disert, il préférait l’hypnose orgasmique de son auditoire au plaisir solitaire de l’écriture. Je n’ai pas cette pudeur. J’essaie de le ressusciter par mes histoires. Beaucoup d’entre elles parlent de lui. Quand il est mort, c’est bien plus qu’une bibliothèque qui a disparu. Mais voilà. Les meilleurs comme les pires ont une fin. C’est la loi de ce monde, sa honte et sa vertu. Pour lui, indiscutablement, Gwenwed était l’éveil. Non pas en tant que symbole, mais comme description de la réalité. Sa réalité.

Pour lui, l’éveil a une couleur, le blanc. A son enterrement, qu’il avait intégralement programmé, ceux qui tenaient les cordons du poêle étaient vêtus du costume traditionnel basque, chemise et pantalon blanc, ceinture de drap rouge. Ainsi Jean-Claude devait-il se figurer les couleurs des trois cercles de l’âme.

Oui, j’ai employé une expression désuète et surannée qui vous échappe, ce qui vous empêche de saisir la suite. Veuillez me pardonner. Naguère, « les cordons du poêle  » étaient les cordons du drap funéraire qui recouvrait le cercueil. Ces cordons étaient tenus par les proches du défunt pendant la marche funèbre. A l’heure actuelle, il n’y a plus de drap funéraire. « Tenir les cordons du poêle » signifie porter le cercueil, ou tout simplement marcher près de celui-ci. 

Je ne me souviens plus de tout ce qu’il a dit au sujet de l’éveil et du monde blanc. Il se trouve que j’y suis allé souvent. Pour moi ce monde est incolore. Toutefois, sans doute sous son influence, je peux me le représenter en blanc. Quand j’y suis, je ne vois pas de blanc, mais de la lumière. Beaucoup de lumière. Si je devais donner le fond de ma pensée, ou plutôt de mon ressenti à ces moments-là, je dirais que cette lumière n’est pas dans un ciel inaccessible, mais en moi-même, bel et bien. Castaneda dirait que c’est juste une position du point d’assemblage. J’adore sa façon de voir les choses, qui était souvent celle de mon benefactor.  Maintenant je pose une autre question, brûlante, lancinante. Le troisième cercle, le monde blanc, Gwenwed représente-t-il l’éveil pour les Celtes… ou un paradis artificiel ?

 

La terre promise

Libre à chacun de suivre la description de Flornoy, le monde blanc de l’éveil. Libre à tous de se cantonner à l’interprétation traditionnelle des trois cercles, à savoir trois mondes dont l’extérieur n’appartient qu’à Dieu seul, l’intermédiaire étant celui des humains et l’intérieur celui de la félicité éternelle. Libre à toi de lire la mienne. Dans ces trois cercles, je vois une description de l’univers tel que nos très lointains ancêtres ont pu se le représenter. 

Vous l’avez compris, je n’ai jamais été satisfait de la description celtique. Que signifie ce cercle extérieur accessible à Dieu seul ? La félicité de Gwenwed n’y règne-t-elle pas ? Si, bien sûr. Dieu, s’il existe, se doit d’être partout, et partout sa félicité l’accompagne. Il est dans Keugant, mais aussi dans Abred et bien sûr dans Gwenwed. L’ordre des cercles aussi me déplaît. Pourquoi Dieu serait-il dans le cercle extérieur ? N’est-il pas à l’intérieur de toutes choses, à commencer par nous-même ? D’autres détails me chagrinent. Cette description est d’ordre strictement symbolique. Et le symbole, je l’ai dit, est ce qui reste quand on a tout oublié

On a oublié, entre autres, la situation des humains quand les terraformeurs –les dieux si vous voulez– régnaient en maîtres sur cette planète. Ils étaient venus dans leur gigantesque vaisseau-mère, Hyperborée ou Nibiru, que les humains prenaient pour le paradis. Ils n’avaient qu’un seul désir, être admis dans la compagnie des dieux sur cette planète paradis qu’ils l’appelaient Eden. Les dieux astronautes avaient la totale maîtrise de l’espace. Les humains n’y pouvaient aller. Voilà selon moi l’origine de ce cercle extérieur, Keugant, réservé à Dieu seul. Les humains, eux, devaient se contenter du cercle terrestre, et voilà l’origine d’Abred. Quant à Gwenwed, c’est la planète blanche, Eden, Hyperborée, Nibiru, cet endroit magnifique que tous les humains appelaient de leurs vœux.

 

 

Gwenwed est la terre promise. Le paradis tant espéré. Il est tout près de la terre, Hyperborée est en vol stationnaire au-dessus de pôle nord. Il est accessible par un vol de navette, cette navette qu’utilise Adapa, et qui devient un cheval volant dans le récit de Mahomet. Par un vol de navette ou par le moyen d’abductions, les humains sont hissés au paradis où ils séjournent beaucoup plus longtemps qu’une vie humaine normale, grâce aux élixirs que leur donnent les dieux : soma, hydromel, etc. De nombreuses légendes y font allusion.

Ce que je raconte là n’a rien de symbolique. Rien de fumeux dans cette interprétation qui est corroborée par tous les faits que j’ai pris soin d’énumérer dans les pages d’Eden Saga. La terraformation terrestre, le vrai visage de l’Eden, l’espace où les dieux seuls s’aventurent — exception faite de quelques rarissimes humains tel Hénoch… d’ailleurs quasi divin lui-même. Cette histoire s’est transmise de génération en génération, puis son origine véritable s’est perdue, le conte est devenu mythe, il s’est vidé de sa substance. De ce mythe, comme toujours, les élucubrations des pseudo-savants ont fait une sorte de bouillie indigeste.

Chacun sur ce sujet choisira sa vérité. Car elle n’est pas unique. La vérité dépend de beaucoup de paramètres. Mais d’abord, et surtout, du degré de connaissance de l’humain qui la cherche. A défaut de posséder toutes les informations, les mythes ont l’air de fables. Mais les fables, les fariboles, les billevesées sont plutôt contenues dans l’interprétation que nous donnent à présent les universitaires. Leur ignorance et leur refus d’ouvrir les yeux sont sans excuse. Ils nous entraînent jour après jour dans leur décadence. Si nous ne réagissons pas, au lieu de l’éveil salvateur, c’est le sommeil de tous qui entraînera la fin du monde.

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Rome n’est plus dans Rome, elle est toute où je suis.
Pierre Corneille