Apollon et la tierce oreille

 

Aujourd’hui je voudrais vous parler de la magie des sons. Ils peuvent charmer notre oreille, nous émouvoir, nous effrayer même, pourtant l’aspect le plus impressionnant des sonorités n’est pas dans la musique. En tout cas, pas dans la musique que nous connaissons.

 

Pour cette visite, j’ai choisi pour guide le dieu Apollon. Fils de Zeus, il prend la succession de son père à la mort de ce dernier. Eh oui, Dieu est mort, un autre dieu est appelé araignée. Pardon, à régner. Désolé. Contrairement à son père, Apollon n’a aucun goût pour la politique. Porté au pouvoir par le vouloir paternel, il cherche à fuir les devoirs de sa charge royale.

D’une beauté légendaire, amoureux du raffinement et des arts, Apollon est le prince des musiciens. Les mélodies envoûtantes qu’il tire de sa lyre font des merveilles et des enchantements. Il possède aussi un autre don : guérir. Son attribut divin, la lyre qui ne le quitte jamais, joue un rôle majeur dans ses guérisons. Sous les doigts experts du dieu, cette lyre est beaucoup plus qu’un instrument de musique. 

Apollon est le fils de Zeus et de Léto. Pour Héra, femme légitime de Zeus, Apollon est un bâtard et sa mère Léto une chienne qui ne mérite aucune pitié. Poursuivie par Héra, Léto se réfugie sur l’île de Délos. Zeus son père apprend sa naissance. Il lui donne une lyre, un char tiré par des cygnes et une mitre d’or. (source)mythologie.ca

Les cadeaux d’un dieu tel que Zeus sont plus que précieux. Entre les mains d’Apollon puis de son fils Orphée, la lyre fera des merveilles, guérissant les maladies, dissipant la folie, éveillant les endormis, illuminant les abrutis. Mais il y a deux autres cadeaux à considérer : le char volant et la mitre d’or.

 

 

Le char tiré par des cygnes est une métaphore qui désigne un engin volant, avion ou navette spatiale. Métaphore involontaire : les rédacteurs de cette légende n’ont pas été des témoins directs. Ils interprètent des faits déjà très anciens. On a vu que la Toison d’Or désignait, de la même façon et pour les mêmes raisons, non pas une vulgaire peau de bélier, fut-elle en or, mais bien l’avion supersonique personnel de Rama le dieu bélier.

La mitre est un cadeau bien significatif. Avant d’être la coiffe de cérémonie des évêques catholiques, la mitre fut l’attribut de Mithra. Le christ Mithra, véritable fondateur du christianisme archaïque, était coiffé du bonnet phrygien, anciennement nommé « mitre » en référence à Mithra.

Offrir une mitre d’or  et non une couronne à son fils nouveau-né était un moyen pour Zeus de lui faire passer un message.  « Tu ne seras pas dieu des dieux comme ton père, mais christ bienfaiteur et sauveur des hommes. » Comme le sera Mithra à son heure. C’est pourquoi il portait la mitre d’Apollon, qui fut le premier christ, à égalité avec son oncle Prométhée qui lui succédera et régnera sur l’Olympe.

La mitre est un signe de reconnaissance qui affirme : je suis un christ, je suis chrétien. Ce christianisme-là n’est pas la religion de Jésus qui n’a de chrétienne que le nom. Je vous parle du christ précédent qui prônait l’éveil des adeptes au lieu du sommeil des fidèles. La mitre d’or affirme haut et clair que celui qui la porte est une porte vers l’ailleurs.

Apollon est un dieu qui guérit. Un dieu mortel, comme tous les dieux d’avant. Pour éviter la confusion, il vaudrait mieux dire un surhomme. Oui, un surhomme au sens nietzschéen. Übermensch.

Nietzsche a beaucoup parlé d’Apollon. Il n’a retenu en lui que le musicien qu’il imagine froid, géométrique, désincarné. Il oppose à cet Apollon cartésien un dieu de la démesure, de l’ivresse et de la fesse : Dionysos. Bacchus chez les Romains. Le jeune Nietzsche consacre un de ses premiers ouvrages à la rivalité supposée entre Dionysos et Apollon. Cet ouvrage, La naissance de la tragédie a marqué la fin de mon adolescence. Le grand prêtre qui en lisait des extraits à haute voix s’appelait Jean-Claude Devictor. Nous avions 19 ans. Nous étions amis depuis déjà 15 ans. Nous le sommes restés pendant 64 ans, jusqu’à son départ. Et encore, où qu’il soit, il est toujours mon frère bien-aimé.

On sait combien j’apprécie Nietzsche. Qu’il me soit permis cependant de ne pas partager sa vision d’Apollon. Si l’on doit opposer ce dieu à quelque autre, Prométhée me semble un rival plus crédible. Ils se ressemblent, ils sont christs l’un et l’autre, des bienfaiteurs du genre humain.

 

 

L’oracle d’Apollon

Pour moi, Apollon est moins un musicien qu’un sonologue, ou sonothérapeute. Il soigne avec les sons. Voilà son talent, son savoir-faire et son sacerdoce. Sa vie durant, il a poursuivi son œuvre de guérison et d’éveil parmi les hommes. Les récits mythologiques demandent une relecture du cœur, non des yeux. Sentir, revivre, comprendre, interpréter. Telle est ma tâche jubilatoire. Et la saga émerge en majesté des ruines vaporeuses que le vent efface.

Dans l’antique ville de Delphes, en Grèce, se trouvait un sanctuaire d’Apollon. Une prophétesse y disait l’avenir, inspirée par le dieu. Et mise en condition par les émanations psychotropes qui montaient vers elle à travers une fente du sol, comme on peut le voir sur l’image. Au niveau inférieur, on brûlait un mélange de stupéfiants, sans doute cannabis et opium, comme le mélange indien appelé Bombay Black.

Apollon était visionnaire. Il voyait l’avenir. Ses talents divinatoires complétaient ceux de sa prêtresse, qu’on appelait la Pythie. Des pèlerins venaient de toute la Grèce pour entendre ses oracles. Le sanctuaire d’Apollon à Delphes était un des plus célèbres de la Méditerranée.

Longtemps avant la Pythie et l’oracle du dieu, Apollon a exercé ses talents de guérisseur et disons-le, de magicien. Par la grâce de sa lyre magique et de sa maîtrise des airs et des rythmes, le dieu magicien enclenchait une transe musicale pour décaler le point d’assemblage de toute l’assistance. Sur ce point Nietzsche s’est trompé. Il y a un véritable maître de transe dans la personne d’Apollon. L’apollinien, du coup, se teinte de dionysiaque. Ou plutôt Apollon et Dionysos apparaissent comme les deux faces d’une même monnaie.

La lyre magique réaligne les chakras externes et répare le guérisseur intérieur qui permet de guérir les maladies, de corriger les déséquilibres et de protéger le sujet contre toute nouvelle atteinte. Le guérisseur intérieur est l’autre nom d’un système immunitaire ultra performant, tel que nous devrions tous en posséder. C’est ainsi qu’Apollon guérisseur a eu pour émules les deux plus célèbres médecins de l’antiquité grecque : Esculape et Hippocrate.

 

Toutefois l’influence d’Apollon guérisseur s’est étendue bien au-delà de la Méditerranée. Les druides guérisseurs celtes et normands doivent beaucoup au dieu grec. D’ailleurs Apollon était-il Grec ? Si l’on en croit sa légende, il venait d’Hyperborée comme tous les dieux d’avant. Il était d’origine extra-terrestre, au moins par son père.

Apollon est un maître de la tierce oreille. Les spécialistes de la sonologie savent combien l’ouverture de la tierce oreille est déterminante sur le chemin intérieur. Certains sons et certains rythmes modifient l’ADN. Ils donnent la longévité et la jouvence. Ils peuvent modifier l’apparence physique et changer la polarisation sexuelle. Ils entraînent l’accroissement des pouvoirs par l’exaltation des sens. Homme, accroît tes besoins…

Le besoin fait naître de nouveaux organes de perceptions. Homme, accrois donc ton besoin afin de pouvoir accroître ta perception. (Rumi)

 

En parlant de modifier le sexe, voyez plutôt ceci. Sur ce bas-relief, Apollon est représenté sous une forme féminine, ce qui est rare. Mais ça existe. Il semblerait que le dieu Apollon fut capable de changer de sexe à volonté.

La chose n’est pas unique. Elle est citée par Castaneda comme faisant partie du savoir-faire magique des anciens voyants. Ce changement de sexe leur permettait de faire l’amour avec tel ou tel nagual pour des raisons énergétiques.

On sait que les dieux d’avant étaient transformistes. Ils pouvaient changer d’apparence, de taille et de sexe aussi facilement que vous changez de chemise. Quand le désir s’en faisait sentir, ils n’hésitaient pas à se transformer pour leur bon plaisir.

Contemplant ce bas-relief, j’ai l’impression qu’Apollinette meurt d’envie de se faire croquer par Marsyas, dont la flûte érigée ne laisse aucun doute sur les intentions. D’ailleurs son genou gauche dressé vers la gamine n’est-il pas ithyphallique ?

 

La vérité n’est pas en quelque lieu lointain, elle est dans l’acte de regarder ce qui est. Se voir soi-même tel que l’on est est le commencement et la fin de toute recherche.
Jiddu Krishnamurti