Au Jardin d’énergie

En 1992, ce journal raconte mon premier contact avec l’autre monde… et ce qui s’en suivit.

 

– Chapitre 14 –

Nous avons encore assez d’énergie pour nous rendre sur un autre site. Devic ayant détecté de « sales » vibrations dans l’enclos du Jardin aux Moines, c’est là que nous décidons de finir la soirée. Sur place, une pancarte touristique nous apprend que ce site a été récemment dégagé de la terre et de la végétation qui le dissimulaient totalement il y a onze ans. Le Jardin aux Moines n’est donc accessible à la visite que depuis 1981.

 

Jeff trouve le point de résonance, sur le premier cercle autour de l’enclos, face à l’entrée. En tapant du pied droit, il cherche le rythme approprié. Je commence un tour lévogyretournant vers la gauche de l’enclos, à l’extérieur, sur le premier cercle.

– Cherche ta pierre ! me lance Jeff.

En terminant le tour du monument, je tombe en arrêt derrière une grosse pierre qui, dans la pénombre, me semble noire. En fait, il s’agit d’un schiste rouge. Ce qui est noir, indiscutablement, c’est l’énergie qui en émane ! A telle enseigne que je ne puis me résoudre à la toucher. Ma main reste bloquée à une trentaine de centimètres de la roche noire, comme si elle se heurtait à un écran invisible. Ce phénomène m’inquiète. Je reviens vers Jeff.

– Il y a une pierre, là-bas, qui ne me plaît pas beaucoup, lui dis-je sur un ton que je voudrais anodin.
– La grande pierre noire, au milieu ? me demande-t-il sans broncher.
– Oui, oui. Je suis incapable de la toucher.

Il fait trop noir pour que je distingue les traits de Jeff, mais je suis sûr de l’avoir entendu sourire. En effet, me dis-je. C’est trop idiot. Et d’un pas résolu, je retourne me camper derrière cette grande pierre noire. Alors la frayeur me saisit. Toutes sortes d’images accablantes se succèdent dans ma tête. Un étau de fer me broie le cœur. Quant à mes bras, ils sont paralysés. Impossible de tendre la main vers ce caillou ! Résigné, je lâche prise et je retourne près de Jeff.

Dès que j’ai parcouru les quelques pas qui séparent Jeff de la pierre noire, ma frayeur se transforme en colère. Contre moi-même. Comment ce malheureux caillou peut-il me contrôler ainsi ?
– C’est trop crétin. Je n’arrive pas à la toucher !

Si Jeff ne fait aucun commentaire, sa surprise n’en est pas moins palpable. L’énergie négative de cette pierre ne lui a pas échappé. Sans doute se demande-t-il comment je peux la ressentir au point d’en avoir peur. En tout cas, c’est la question que je me pose.

– Rentrons, me dit Jeff. Nous n’avons plus rien à faire ici ce soir.

 

 

– Alors, me dit-il le lendemain au petit-déjeuner. On retourne voir ce fameux caillou ?
Je suis d’accord. Impossible d’en rester à ma réaction de la veille. Voyons l’effet que me fera la grande pierre noire en plein jour…

Dans la douce lumière du levant, le grand schiste est d’un rouge de sang séché. Toujours aussi impressionnant que la veille, il ne me repousse plus. Je m’approche. Je le touche sans peine. Ses vibrations, hautement magnétiques, semblent attirer l’énergie hors de mes paumes. Toutes proportions gardées, cette sensation me rappelle l’effet du bouleau. Contrairement aux frênes, hêtres, chênes, châtaigniers qui donnent leur énergie, j’ai cru remarquer en effet que le bouleau est une sorte d’aspirateur émotionnel. Il semble tirer de celui qui l’approche le suc psychique dont il se nourrit. Une sorte de psychopompe végétale…

Ce schiste me pompe de la même manière, tout en suscitant une sourde inquiétude qui m’ôte l’envie de prolonger l’expérience. Jeff a la bonne idée de m’appeler sur ces entrefaites.
-Viens donc faire un tour par ici, me suggère-t-il d’une voix épanouie.

Le côté de l’enclos où je me trouve est encore plongé dans l’ombre. Jeff se tient en face, baigné de soleil matinal. Il est sur le premier cercle, derrière un gros quartz blanc. En faisant le tour de l’enclos pour le rejoindre, je vois que ce quartz est le pendant de ma roche noire. Ces deux bornes sont manifestement appariées. Dans les constructions mégalithiques, les paires et même les brelans de roches sont légions.

Jeff me fait tenir à la place qu’il occupait : vingt centimètres derrière la pierre blanche, dans l’axe qu’elle forme avec sa sœur, le schiste rouge sombre. À cet endroit, je sens une irrésistible montée d’énergie, incontestablement de mode solaire. Elle se manifeste sous forme de jaillissement qui monte de la plante des pieds jusqu’au cœur. Et je comprends le mécanisme qui me profite. Ces deux pierres forment un arc énergétique, une sorte de voûte vibratoire au dessus de l’enclos. Cette onde courbe est orientée. Elle sort du sol par la roche blanche et y rentre par la rouge. Je me tiens à la source du rayonnement ; c’est pourquoi l’énergie issue de la terre me nettoie de bas en haut.

Les déchets psychiques indésirables sont aspirés le long de l’arc d’énergie. Ils sont « mis à la terre » par la borne de schiste rouge. C’est donc la borne négative. Tandis que la roche blanche est la borne positive. Avec l’aide de Jeff, je viens de mettre à jour le premier mécanisme vibratoire du Jardin. Il y en a beaucoup d’autres. Lors d’un prochain voyage, je découvrirai une autre paire de bornes au rôle comparable : on les observe à l’entrée de l’enclos.

Le jardin aux moines est un enclos de pierres qui comprend trois parties alignées : un rectangle, un cercle et un carré. Ce dernier, recouvert de terre, forme un tumulus. C’est un endroit où il fait bon se tenir. Contrairement au  reste de l’enclos, il y circule des énergies tout à fait positives. Ou, pour mieux dire, l’enclos s’apparente à un traitement d’acupuncture terrestre, détournant certains réseaux pour concentrer les flux bénéfiques sur le tumulus.

À la lumière du jour; une autre particularité m’éblouit : l’alternance irrégulière des quartz et des schistes, des pierres blanches et des pierres sombres. Cette disposition intentionnelle a plus qu’une signification symbolique. Elle a aussi une fonction énergétique. Je vois soudain fonctionner ce lieu et, une fois de plus, je suis émerveillé devant l’élévation des connaissances sacrées que je découvre en œuvre dans ces pierres. Le premier mécanisme vibratoire du Jardin, les couples électriques schiste/quartz, se confirme ici dans l’alternance des schistes sombres et des quartz clairs. De l’ombre à la lumière, circulent les énergies invisibles, comme l’électricité entre bornes positives et négatives.

Ces pierres forment le support,la condition d’un réseau énergétique qui fonctionne encore. On le sent dans son corps quand on se tient sur le tumulus. L’énergie circule de pierres blanches en pierres rouges, sur tout le pourtour de l’enclos. Son circuit affecte la forme du caducée. L’énergie tellurique issue de l’entrée (côté gauche) monte au sommet (côté supérieur du carré-tumulus) en changeant deux fois de voie.

 

 

Ces points de croisement sont :
– le point de contact entre le rectangle et le cercle, qui correspond au chakra du cœur,
– le point de contact entre le cercle et le carré-tumulus, qui représente le chakra de la gorge ou vishudi.

Puis elle redescend vers l’entrée en changeant encore de sens au sommet du carré-tumulus, qui représente le chakra ultime, la fontanelle. A ce point maximum, l’énergie ne jaillit pas pour se disperser dans la nature : elle est recyclée, elle redescend vers sa source en suivant le chemin inverse. De même, dans un être humain, l’énergie de la kundalini circule de bas en haut par trois canaux, l’un à droite, l’autre à gauche, le troisième au centre. Ce dernier n’est pas figuré par les pierres, ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas…

Faut-il en conclure que ce monument avait une fonction d’éveil, d’illumination,comme l’arcane Maison-Dieu du Tarot ? Je ne saurais l’affirmer. Ce que j’ai vu à coup sûr, c’est la fonction thérapeutique d’un rituel qui se déroulait ici. Le rectangle principal servait comme aire de danse. S’y tenaient les bénéficiaires de la cérémonie, des personnes ayant besoin, pour une raison ou pour une autre, d’un recentrage énergétique. Cet édifice ne pouvait pas traiter un grand nombre de patients. J’en ai vu deux, puis trois, ce qui me semble être un maximum. Parfois, il n’y en avait qu’un.

Le cercle intermédiaire abritait des musiciens. Ces bardes exécutaient une roue musicale qui agissait de deux façons :
– sur les patients en les ouvrant, par la transe, aux influences telluriques
– sur l’énergie du lieu, en activant son flux et en régulant sa circulation.

Le carré-tumulus, enfin, était le siège du maître de cérémonie, chaman ou druide, qui jouait le rôle de chorégraphe, de chef d’orchestre et de maître de transe. Son intervention est particulièrement sensible sur les deux arcs énergétiques décrits plus haut. Il semblerait que ces arcs, dont les effets sont considérables, soient d’autant plus actifs que la circulation énergétique horizontale est puissante et rythmée.

Car il ne s’agit pas d’un flux continu. L’énergie circule par paquets, comme les ondes du système D2MAC paquet.souvenir de l’informatique des années 90 Les intervalles neutres entre les paquets organisent un rythme, des séquences, qui jouent leur rôle sur le vivant.

 

 

Croire sans y croire

Mais le temps passe et nous sommes attendus à Rochefort. Ce soir, nous avons rendez-vous avec le premier cercle. Vic, Lama et Koala descendent de Paris en voiture. Ainsi ce fameux cercle sera-t-il pour la première fois réuni. J’avoue que tout cela reste pour moi très théorique. Et que je ne suis pas sans appréhension…Quels énergumènes vais-je découvrir ? Pourrons-nous vraiment fonctionner ensemble ? Ne suis-je pas trop inexpérimenté pour ces initiés de longue date ?

En fait, j’avais surtout la trouille des femmes : Lama que j’avais perdue de vue depuis des années, Koala que je ne connaissais pas. J’avais peur des femmes et c’est Devic qui s’est montré redoutable. Retranché derrière son physique imposant (je lui rends une trentaine de kilos… dont il n’a que faire), il énonça d’un ton péremptoire sa philosophie du vivant et de l’autre monde. J’émis une objection. Le ton de sa répartie me fit rentrer sous terre.

Plus tard, nous prenions l’apéritif tous les cinq sur une table de jardin à la fraîche, je me laissais emporter par mon enthousiasme et l’extrême douceur de cette soirée.
– Ce corps que nous chérissons n’est qu’un habit, c’est seulement le véhicule de notre âme…

– Je n’aime pas du tout ce mot-là, coupa Devic.
– Je veux dire, repris-je, nous pouvons bien habiter n’importe quel corps, nous restons le même être sur le plan spirituel…
Encore un concept douteux, persifla-t-il.
D’ailleurs, qui nous dit que nous n’avons pas été des dinosaures avant d’investir l’apparence humaine? Des dinosaures évolués, contraints d’abandonner leur corps devenu inadapté aux besoins de notre évolution…

J’avais conscience de jouer la provocation, mais son attitude de refus systématique me devenait tout à fait insupportable. Heureusement, Lama accourut à mon secours. Les femmes furent adorables avec moi. À tel point que je me suis demandé si Jeff leur avait fait la leçon. Ou l’article ?
– Il paraît que tu vois, me dit Lama avec un peu trop de respect.
– Oui, oui… Enfin… Tout comme toi, bredouillai-je.
– Détrompe-toi, reprit-elle. Je ne vois rien du tout. Tout ce que je peux faire,c’est mesurer les énergies, relever les réseaux
– Tu ne vas pas me dire que tu ne sens rien, fis-je abasourdi.

Décidément, je n’y comprenais pas grand chose. Avec Lama, je n’étais pas au bout de mes surprises. J’allais vite découvrir son goût immodéré pour le rationnel scientifique, et l’indiscutable ascendant que les diplômes officiels exerçaient sur elle. Cette fascination la protège mieux que moi contre les dérapages de l’imaginaire. Et peut-être contre l’inflation de l’ego ? En ce domaine, chacun ses ruses. L’ego nous berne de toute façon. Moi qui vous parle… Vous voyez ? Pas la peine d’en rajouter…

Tu sais, dans ce domaine, je suis prudente. J’ai constaté des phénomènes que je ne m’explique pas. Alors j’y crois… sans y croire.

 

 

Bien des fois, dans les mois qui vont suivre, Jeff me citera cette phrase parfaite : « croire sans y croire« . Lama nous a tous énormément aidé, lors de passages difficiles, avec cette trouvaille que nous nous répétons comme un mantra. Aucun de nous ne savait alors que cette phrase était tirée de Castaneda. Et surtout pas Lama qui a toujours pensé en être l’auteure. Quelle importance ? Personne n’invente jamais rien. Ce qui compte, c’est l’efficacité du mantra. Pas son inventeur.

Croire sans y croire, et l’impossible se manifeste. Et je le laisse m’emporter dans son délire. Je le vis jusqu’au bout, jouissant de la magie de l’instant, tout en gardant mes distances. Et ma raison. Croire sans y croire

 

FIN

 

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L’humanisme du 18e siècle a défini l’être humain de façon beaucoup trop restrictive : il l’a défini comme être pensant au lieu d’être vivant.
Claude Lévi-Strauss