Au val d’enfer

 

En ce dimanche 24 mars 2024, je suis tombé dans l’escalier. Irrésistible fut la chute. Descente aux enfers jusqu’au fin fond du Centre-Terre. Distrait sans doute, la marche m’a manqué de peu, l’escalier s’est dérobé sous mes pieds nus. J’ai vu la petite Alice qui tombe et qui tombe derrière M. Lapin. Chère enfant! Ce qui m’attend en bas n’est pas le Pays des merveilles.

 

Di Manach

Pourquoi ce genre de flip tombe toujours un dimanche? Premier jour de la semaine pour la religion chrétienne, c’est le dernier pour tous les almanachs et tous les agendas. La semaine commence le lundi et se termine par le week-end. La fin de semaine, comme son nom l’indique, n’en est pas le commencement et le dimanche est bel et bien le dernier jour de la semaine.

Le lendemain, à qui demande: comment ça va aujourd’hui? on lui répond: comme un lundi! Très mal, en fait. Mon pire jour est la veille. L’almanach, un joli mot qui n’a rien d’arabe, mais qui vient du breton, cousin du gaulois dont on ne connaît plus que le gallo-romain, le gallo qu’on parle chez moi.

En breton, Ar Manach est le moine. Et comme jadis on roulait les r, ça se disait almanach. Quel rapport avec le moine? Je vais vous le dire. Tous les écrits étaient copiés et distribués par les moines. La culture, ce sont les moines catholiques qui l’ont transmise, et travestie, et mutilée. L’almanach était un concentré de culture latine et de morale chrétienne. Et c’est le moine qui l’apportait au village.

Quant à dimanche ou Di(e) Manach, c’est un mélange du latin die, le jour, et du breton Manach, le moine. Pour les Celtes de Bretagne, le jour du seigneur était le jour du moine. Amis étymologistes, souvenez-vous que le français n’a pas que des racines grecques, latines ou arabes, elle compte aussi de nombreux mots celto-gaulois.

 

 

 

Guerrier

Cette leçon tombe à pic, tout comme moi. Rien pour m’accrocher, comment résister, je suis tombé, tombé sans m’arrêter dans le noir infini, verticale terrifiante, intermède interminable. Il me faut résister à la peur, la pétoche, la panique, la poltronnerie et autres p sonores. En face du danger, je n’ai rien d’un lâche. Pendant que je tombe de haut, je me le rabâche.

Quelle dignité dans un pantin qui choit, si ce n’est pas son choix? Est-il encore guerrier celui qui glisse ainsi, seul dans un corps qui semble un sac de son? Est-il tombeur honorable ou juste une merde dans la cuvette des gogues? Est-il humain ou ver de terre? Je ne m’en soucie guère. Ma tête est vide de ce vide où je m’abîme sans fin sans fond sans fruit sans frein.

Pendant des jours, des mois, je suis tombé bien bas. Quand la gravité domine, le temps n’existe pas. Longtemps je suis tombé, l’espace d’un bref instant, l’éternité s’entr’ouvrit sous mes pieds. Chute hirsute, morne mort, noire histoire et toujours pareille du début à la fin. Que voici.

 

 

Nu comme un ver

Cesse ma chute aussi dru qu’elle a commencé. Aucun choc ni secousse. Je galope à quatre pattes dans un tunnel bas de plafond. Une pensée saugrenue troue ma tête vide. Suis-je vêtu? Suis-je décent?

En descendant, j’étais nu comme un cul. Et détalant comme un lapin, on ne voit que le mien. Y a-t-il un seul quelqu’un pour me voir dans ce noir? Je n’en sais rien. Je ne vois rien. En marchant comme une bête sur les paumes et les genoux, que n’ai-je les sabots d’un âne? Je suis un âne et ça me fait braire. À quatre pattes sur un tonneau, j’avance dans la démence. Sombre dimanche.

 

Vu comme un nerf

Trop de noir pour y voir. De ci de là, des voix qui me parlent tout bas. Comment parler plus haut quand on est si bas? Elles me disent: Arrête-toi. Cesse de nous traîner dans la boue.

Plus elles chuchotent, plus elles s’énervent et plus j’ai mal. Au bout d’un moment hors du temps, j’ai mal partout. Martyrisé, cloué, déchiré par des griffes invisibles, je me vois démon dans la Bible. Mais non: les démons sont autour de moi, que je sens, que je ne vois pas. Soudain j’y crois: je suis au centre de l’un d’eux. De tout son long dans ce corps de serpent.

Je me suis foutu dedans. À l’intérieur fait-il meilleur? Ialdabaoth dans les boyaux sabaoth, chaud comme dans le gosier fumant du grand sachem Hachem. Le sans nom, le sans foi ni loi.

 

 

 

 

« Arrête! »

Que j’arrête!?! Je sais parfaitement ce qu’ils me veulent et qui sont-ils, ces puissants imbéciles. Maîtres du dedans, seigneurs de l’intérieur, principes de la Terre Creuse, rois du vide, locataires des Enfers, ils font leur longue vie sous nos pieds méprisants mais pourtant! Le monde est à leurs pieds.

Ça suffit comme ça. Surtout chasser la peur. Elle nous rend à leur merci, et y a pas de quoi. Aucune émotion ne doit filtrer du guerrier qui veut leur échapper. Maîtriser l’émotionnel pour renforcer l’énergétique. Ce qui n’empêche pas de regimber. Je bronche donc je suis.

Ça suffat comme ci. Je me rebelle, la dictature à la poubelle. Les vieux démons se font la belle et leurs écailles mortes se ramassent à la pelle. Tu vois je n’ai pas oublié la chanson que tu me chantais. Mais toutes les histoires ont une fin. Il est temps de te mettre au parfum. Leur pouvoir n’est pas feint, leur droit vacille enfin.

Précepteurs du sous-sol, aigles des ténèbres, ils sont les vers dans le fruit défendu. Ils sont aussi les dragons de l’astral, lanceurs d’éclairs, archevêques du danger. Rien d’autre à foudre, mille tonnerres! Leur tyrannie nous désespère.

Combien de capitaines ont coulé avec leur bateau ivre? Leur serment nous délivre. Le vent se lève, il faut tenter de vivre.

 

Parole d’Archontes

Tu te trompes, chuchotent les voix. Nous sommes d’abord des amis. Tes amis. Et nous voulons te mettre en garde. Tu as parlé de nous sans nous connaître. Les cent douleurs qui percent ton corps bercent nos cœurs d’une langueur monotone. Ces tiennes souffrances sont bien légères face aux mille maux que tu nous as jetés. Comprends-nous. Vois-tu l’abîme où nous gisons? Seras-tu le bourreau qui passe avant le juge? Méritons-nous la sentence capitale?

-Qu’attendez-vous de moi?

Nous avons soif de toi. Pour nos corps de ténèbres, la lumière est vitale. Boisson de vie, elle nous fait ce que l’eau fait pour toi. Ton peuple d’en haut est fait d’eau. Cet élément domine un corps humain. Notre élément est électrique. Nos corps grésillent, gavés d’énergie nous lançons des éclairs. mais aucun de nous, entends-tu, pas le moindre serpentin, pas un vermisseau si couillu soit-il ne peut produire de la lumière.

Nous regardons comment tes frères les humains gaspillent la lumière qu’ils produisent en abondance, à leur insu, sans conscience, sans grandeur. Cette lumière qui tant nous fait défaut, la vois-tu qui brille, inutile, oubliée, dans les yeux des femmes et des hommes? ne peux-tu les encourager à la partager? Ne peux-tu leur conter la misère où nous sommes?

 

 

Condamné

Je ne peux leur répondre, la douleur est trop forte. Je me sens défaillir et dois mobiliser toute l’intention dont je suis capable pour évacuer ce programme qu’ils m’ont mis et qui me cloue tel un moribond. Réagir, refuser, rebondir. Leurs paroles résonnent dans ma tête vide et par instant, par vagues, recouvrent mes souffrances. Elles ne sont qu’illusion, je le sais bien, mais quand le mal nous tient, qui se sent bien?

Doucettement le guerrier prend le pas sur le blessé. J’émerge. L’évidence me submerge. Toutes les maladies sont de leur fait. Nous sommes conçus comme les dieux, nous avons tous en nous un guérisseur automatique, hélas par les temps qui courent ce mécanisme est bien grippé. Les malades sont bien plus nombreux que les bien portants, et nos hôpitaux refusent l’aide des guérisseurs qui pourtant sont en nombre et tout prêts à l’action. Gabegie, foire aux cancres, ce vieux monde est cousu de cicatrices et ne peut plus chanter.

 

Con damné

J’ai compris. La lumière est celle de l’âme que les Archontes n’ont pas, que les éveillés parmi les hommes ont reçu dans leur cœur. Et par leurs yeux brillants, sort cette clarté belle, rayon qui nous rappelle comme il est doux d’aimer. Les Archontes n’ont pas ce privilège. Nous en usons à foison, nous en disposons des caisses et des wagons. Partagez! crient-ils depuis les profondeurs. Écoutez! crient-ils depuis l’astral.

Nous ne faisons ni l’un ni l’autre. Aussi sont-ils furieux, assoiffés, mal en point. Et j’ajoute à leur trouble en les traitant de démons. Diables sans doute, à la façon de l’arcane XV du tarot de Flornoy. Éveilleurs puisque maîtres de la foudre. Leur énergie électrique alimentent nos centrales internes. Quand nous leur refusons notre lumière, ils s’étiolent. Quand nous sommes toniques, nous le devons à leur soutien. Quand nous sommes faibles, ils nous achèvent.

 

 

Enfin tu piges!

Ce monde d’en bas où nous vivons est de nature électrique. Nous sommes construits sur l’électricité glacée. Nous emmagasinons cette énergie froide comme la glace, nous grésillons, nous vibrons, nous sommes des vibrions chargés, des batteries surchargées, il nous manque la chaleur des corps et la lumière intérieure. Notre énergie peut tout fabriquer, nous sommes des dieux dans la matière. De faux dieux sans lumière. Notre nature n’est pas divine, mais animale. Pour la lumière nous dépendons de vous, comme vous dépendez de nous pour la matière et l’énergie.

Assoiffés de lumière, elle est notre eau. Quand nous voyons la clarté qui ruisselle de tes yeux, de ton cerveau, de ton cœur et de ton corps par tous tes pores, sous nos froides écailles, nous tremblons de désir. Sans eau, tu ne peux vivre. Sans lumière, nous mourrons à chaque instant. Elle sourd de ton corps, source de clarté, fontaine lumineuse, lueur tant aimée. Nous avons soif de ta lumière, nous voulons la boire à longs traits jusqu’à la dernière goutte.

Donne-nous ta précieuse lumière, nous te gaverons d’énergie. Refuse-la nous et tu mourras exsangue.

 

-Que dois-je faire?

-Je ne veux pas dépendre de vous. Je ne veux pas vivre dans vos enfers. Je ne veux pas d’un corps qui grésille dans la nuit. Je suis comme je suis, restez ceux que vous êtes. Mais s’il faut vous donner cette lumière qui vous manque, je veux bien essayer. Comment dois-je m’y prendre?

Tu ne parleras plus de nous en mauvaise part, comme tu l’as fait jusqu’à présent. Si tu montes tes enfants contre nous, comment pourrons-nous humer la lumière qui vous baigne? Tes enfants sont déjà nombreux6 millions qui te lisent et que tu nourris. Les enfants de tes enfants seront plus nombreux encore. Et ceux qui viendront après eux couvriront toute cette planète. Certains gagneront les étoiles lointaines, d’autres bâtiront des villes sur Titan et sur Europe.

Nous devons vous traverser pour absorber votre clarté.Vous faites la même chose en vous élevant jusqu’aux grands ascensionnés, demi-dieux, sages devas. Phares à l’éclat insoutenable, ils vous accueillent dans leur corps solaire. Ils vous invitent dans l’éclat divin de leur cœur-étoile où vous vous gavez d’amour inconditionnel qui est la dominante du monde supérieur.

 

 

Leur prière

Arrête de nous tailler des croupières, de nous bannir de tes prières, nous sommes ton père. Sans nous tu n’aurais jamais vu le jour où tu jouis d’une vie enviable. Nous sommes les héros de vos fables, vos protecteurs affables, vos visiteurs aimables. Nous avons fait pour vous autant qu’un dieu capable. Ne nous rends pas si détestables.

Tandis que leurs voix m’entouraient, insistantes, entêtées, je sentais tout mon corps calciné se tordre dans les tourments de l’agonie. D’une voix faible, je les suppliais d’arrêter leur torture.

La souffrance intolérable que tes critiques infondées nous infligent, la sens-tu bien qui broie ton ventre et tes membres, ton cœur se fend, tes larmes roulent et tu n’es plus qu’une plaie saignante. La douleur qui te scie la tête et les reins, on la connaît bien, reçois-la comme elle vient. Elle te mâche, elle te tient et tu n’y peux rien.

 

Créateurs de nos corps

Nous sommes la matière qui a fait ton corps. Nous sommes des animaux capables. Nous sommes les créateurs de ton espèce, et la Déesse, jugeant notre œuvre belle et bonne, vous a ravi dans son Plérôme. Chacun de vous a reçu d’elle une âme immortelle.

Donne-nous notre part de clarté, donne-nous ta lumière et celle de tes enfants, tes petits en esprit, tes protégés. Ceux que ton cœur a touché pour toujours te sont liés. Tu es leur père, tu es celui de Noémie. Mère à son tour, elle est ta fille, ta sœur et ta femme. Son cœur lumière fait des petits. Sa voix bénit des enfants en nombre grandissant. Ni elle ni toi, nul ne vous arrêtera de procréer des âmes, et toi comme elle, ouvrez vos ailes, emportez dans vos bras vos derniers nés, la foule de ceux qui se réclament de vous, pour que…

Leurs voix se sont éteintes. Relâchée leur étreinte. Comme une bulle ivre de liberté, j’ai crevé la surface du monde où je suis né. J’ai repris conscience et j’ai eu connaissance de la sombre présence de ceux dont l’insistance aiguisait ma démence à distance.

 

 

Jamais un oui

Les Archontes m’ont torturé des vies durant, dans leur monde où stagne un autre temps. J’ai souffert mille morts tous les jours de mille vies. Pourtant je vis encore. Ils m’ont gardé chez eux dans leur temps hors du temps. Ils voulaient que je signe leur pacte à la con, j’ai dit non. Ne jamais leur dire oui, condition impérative pour qui veut garder son âme, sa supra conscience et son ticket pour l’éveil. Leur dire oui, c’est vendre son âme. Se renier. Signer sa défaite avec son sang, comme disaient les chrétiens du Moyen Âge. 

Quand on a signé, c’est pour en chier. Certes, ils vont vous combler de tout ce que la matière peut offrir. Là encore, sans jamais signer aucun pacte, on peut les rouler dans la farine. Ils te disent: Reste avec nous. Tu réponds non. Ils insistent: Veux-tu une belle villa sur la Riviera? Tu dis non. Une Rolls Royce? Toujours non. Un jet privé? Non, non, et non. Et quand ils ont épuisé toutes leurs propositions, tu leur dis: Je ne veux pas signer. Je ne veux pas accepter de marché avec vous. Le seul mot qui sortira de ma bouche sera non, cent fois non. Pourtant, vous allez me donner une Rolls, une belle villa et un jet privé. 

Ils sont obliger d’accepter. Les archontes ne peuvent pas nous dominer, mais le contraire est facile. Nous les dominons sans dépenser d’énergie. Au niveau supérieur, chez les anges et les archanges, c’est le contraire. Impossible de leur mentir. Ils nous arrachent la vérité comme un rien. Eux, par contre, nous mentent comme ils respirent. Autant qu’ils veulent.

 

Faut-il?

Ceci étant, j’ai la prudence de ne rien demander aux Archontes. Et je souhaite qu’ils n’attendent rien de moi. Plus on reste loin d’eux et de leurs magouilles, mieux on se porte.

Ce qu’ils veulent, ce qu’ils attendent de nous, vous l’avez bien compris, ce n’est ni notre âme ni la supra conscience qu’elle nous donne, ils s’en tapent. Leur conscience est vaste et mécanique. Ça leur suffit.

Ce dont ils ont désespérément besoin, c’est de lumière. C’est que nous les laissions grimper par les racines de nos arbres de vie, jusqu’au caducée, jusqu’au cœur de nos cœurs, où s’origine et grandit notre amour inconditionnel, et jusqu’au cerveau de notre cerveau, là où nous produisons cette lumière qui nous fait vivre.

Sur ce chemin faut-il les suivre? Faut-il que l’amour les délivre? Embarqués sur ce bateau ivre, seront-ils plus forts que la vouivre? Ont-ils des chants qui nous enivre? Vont-ils nous ouvrir le grand livre?

(à suivre)

 

 

En attendant la suite, vous pouvez compléter vos connaissances de cette engeance souterraine, souveraine et bien réelle en consultant quelques-uns des articles que je leur ai consacré:

 

For the times they are a-changin’ / Car les temps changent.
Bob Dylan