Tel est le titre d’un poème que j’ai commis il a une soixantaine d’années. Ce poème est un œuf qui a éclos trente ans plus tard, quand j’ai publié en 1989 un petit livre noir regroupant 89 dessinateurs sur le thème de l’œuf. D’où est extraite cette illustration due au talent de Michel Crespin qui illustre parfaitement cet article. Les sens sont l’essence même de l’existence. Quoi que j’ai pu apprendre depuis, je n’ai pas changé d’avis.
Nos cinq sens basiques, prolongés par nos sens subtils, voilà ce qui pour moi constitue l’essentiel. Le cerveau interprète les signaux des sens, mais son interprétation est un filtre chargé de tous nos préjugés. Ce filtre brouille le message brut en l’interprétant. Ainsi le cerveau nous trompe plus sûrement que nos sens, mon cher Descartes. Ce cerveau qui vous a bien trompé vous aussi, le traître. Ce n’est pas « je pense donc je suis » qu’il fallait piger, c’est plutôt « je pense donc ne suis pas ». Le cerveau change le réel en virtuel, mon bon René. Te v’là remort.
Ça veut dire aussi que ce sont nos sens qui permettent d’accéder à l’essence du monde, à l’essence de la vie, à l’essence de l’être. À condition que l’on parvienne à déconnecter le cerveau, résultat que l’on peut obtenir en décalant d’un poil la position du point d’assemblage. Quand nous parviennent sans brouillage les messages bruts de nos sens, y compris nos mille sens subtils, la véritable essence du monde nous apparaît dans sa splendeur terrifiante.
Drôle d’affaire. Dire que j’avais compris ça au plus profond de mes fibres il y a si longtemps ! Après une longue parenthèse qu’on appelle la vie active, je retrouve cette période comme si rien n’avait changé ni en moi, ni à mes côtés. J’oublie la ronde des années. Je suis le même, idem, et je me reconnais comme si j’étais hier. Ellipse narrative ou saut temporel, j’arrive. Me voilà.
Mes gribouillis de jeunesse ont fini par prendre sens des années plus tard. Tout se passe comme si ma voyance enfantine faisait passer des messages au vieux bonhomme que je suis. J’ai écrit et composé à cette époque un opéra pop qui mettait en scène la jeunesse new age, son aspiration à une autre vie, un autre monde, plus naturel, plus humain, plus sain. Un monde où le culte de l’argent laisserait place à celui de l’éveil. Un monde de chaleur et de sérénité. Un grand ciel pur où chacun puisse planer comme un avion sans ailes.
Il n’y a pas que nos préjugés qui brouillent le pur message des sens. D’autres a priori interfèrent. Notre cerveau reçoit les messages d’entités dont certains ordres desquels il est difficile de s’affranchir. Voilà pourquoi les sens sont le plus sûr véhicule vers l’essence du monde et de notre être. Disons que ma représentation du monde inclut une part de sensualisme.
Sensualisme : doctrine philosophique du 18e siècle d’après laquelle toute connaissance provient des sensations. Principaux représentants : Locke, Condillac.
Quand je dis les sens, j’inclus les nombreuses perceptions subtiles, ainsi que ces pouvoirs sur la matière que nous appelons des dons, car c’est ce qu’ils sont. Qui donne ? Je n’en sais rien. Mais je sais bien qui reçoit.
Je parle de sensation, et pas de sensationnel.voir plus loin Je parle de sentiment, pas de sentimentalisme. Je parle de sensualité, pas de sens interdit. La jeunesse de 68 avait écrit sur les murs de Nanterre Il est interdit d’interdire. Un grand vent libertaire a soufflé sur ces années-là. J’avais juste le bon âge, j’ai gonflé ma toile pour capter cette risée. Mais avant de m’envoler pour un tour du monde au long cours, j’ai dû affronter les épreuves du bac 68.
Et devinez quel fut le sujet que j’ai tiré lors de l’oral de philo, coefficient 8 ? Sensation, sentiment, émotion. Pour un mec qui n’avait rien révisé, tomber sur mon sujet de prédilection, à cheval entre la philo et la psycho, bonjour l’aubaine ! Résultat : j’ai eu 20 sur 20. Ce qui m’a orienté aussitôt vers une licence, puis une maîtrise de philo. Le titre en poche, je ne savais toujours pas quoi en faire. Seul débouché : l’enseignement. Beurk. J’ai choisi la route avec un sac à dos.
Sensation, pas comme la recherche du sensationnel, pas comme la presse à sensation.voir plus loin Non. Sensation comme le message de nos sens : une sensation de froid, de bien-être…
Émotion, ce qui nous étreint, ce qui nous touche, ce qui fait battre le cœur, ce qui envoie de l’adrénaline : le désir, la peur, l’envie, l’euphorie, la dépression, l’indifférence… Une ou plusieurs sensations sont à l’origine de nos émotions.
Sentiment, ce qu’on ressent pour quelqu’un, pour un lieu, un décor, un objet : le sentiment amoureux, un sentiment de fierté, le sentiment patriotique, un sentiment de doute… Le sentiment est plus construit que l’émotion. Il peut se composer de plusieurs émotions associées, mais ne se limite pas à elles. Il est plus vaste, il mobilise une plus grande part de l’être, il est aussi plus durable… en règle générale.
sensationnel, adjectif :
1. Qui produit une impression de surprise, d’intérêt, d’admiration : nouvelle sensationnelle.
2. Familier. Qui est remarquable, d’une valeur exceptionnelle : un exploit sportif sensationnel.
nom :
Tout ce qui peut produire une forte impression de surprise, d’intérêt ou d’émotion. Exemple : la presse à la recherche du sensationnel.
sensitif -ive, adjectif :
1. Qui transmet les sensations. Exemple : les nerfs sensitifs.
2. littéraire : Qui est particulièrement sensible, qu’un rien peut blesser. Synonyme : hypersensible
nom :
Dans l’acception new age, un sensitif perçoit les ondes subtiles, le ki, le schéma énergétique. Le sensitif est particulièrement sensible, un rien peut le blesser. Il a vocation à guérir, il peut voir les auras. Il est le lecteur idéal d’Eden Saga. J’en connais un que je n’ai pas reconnu lors de sa dernière visite et qui m’a promis de revenir. Je l’attends.
Ce qui m’intrigue à présent concerne mon enfance coupée en deux, le vrai Xavier et le leurre social. Je vivais deux vies parallèles dans ma vie quotidienne. Celle d’un petit garçon de mon âge et celle d’un faiseur de miracles. Ce qui me frappe le plus, c’est l’étrange indifférence que j’avais face à mes dons, nombreux et parfois spectaculaires. Il m’arrivait de barrer le feu, d’effacer les plaies, d’ôter les douleurs, de lire les pensées, d’influencer les gens à distance, et des trucs dans le genre. Personne ne semblait s’en étonner. Mes copains écoliers, collégiens, scouts, tous en étaient témoins. Pourtant aucun d’entre eux ne m’a pris pour un monstre ou pour un diable. Ils auraient pu. J’ai ce curieux don de passer inaperçu du plus grand nombre. Je n’intéresse que les sensitifs. Eux, par contre, je les intéresse grave.
Il semble que mon énergie soit agréable et tonique. Depuis toujours, on se colle à moi, garçons ou filles, je n’ai qu’à faire mon choix. Le plus singulier là-dedans, je n’avais rien remarqué de spécial. Sauf que ça me gonflait. Alors, pour protéger mon intimité, j’ai dû forcer les gens à garder leurs distances. Je ne suis pas un bonbon qu’on suce à son gré, d’un coup de langue en passant, comme ces pains de sel qu’on pendait dans les étables.
La lèche, justement ! On m’en a fait de la lèche, moi qui ne suis personne ! J’aurais dû soupçonner quelque chose. Pourquoi tous ces gens s’empressent à exaucer le moindre de mes désirs ? Qui suis-je pour eux, à part un inconnu ? Et pourquoi les gens qui viennent me voir me regardent avec des yeux émerveillés ? Je ne suis pas le petit Jésus ni mère Térésa. Je suis un putain d’ours mal léché qui a développé des piquants pour éloigner les importuns. Mais je sais replier mes piquants pour faire peau de velours. Chacun reçoit ce qui convient et récolte ce qu’il a semé.
Pourquoi moi ? Pourquoi tout ça ? Pourquoi quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi faire ? Pourquoi la vie ? Pourquoi la connaissance ? Pourquoi l’illusion ? Pourquoi la vérité est-elle inaccessible ? Ne jugez pas ces questions trop naïves. Elles répondent au moins à cette très ancienne énigme, celle de mon poème d’enfance Les sens, l’essence. Je le sentais avec mon bide, maintenant je le comprends en conscience. Si les sens sont aptes à capter l’essentiel c’est qu’ils captent sans distorsion. Les données brutes qu’ils nous envoient représentent le monde, et les modifications que notre cerveau leur fait subir représente l’illusion, la maya.
Ces modifications affectent l’ensemble de la connaissance et altère le jugement, la conscience et même la mémoire. Il y a donc deux mémoires, celle du cerveau et celle du corps qui vient des perceptions brutes, non remaniées par le cerveau et les catégories de l’entendement, pour parler comme Kant.
La mémoire du corps diffère ainsi de celle du cerveau. Ce dernier ne se souvient que de ce qu’il a interprété. Seules subsistent pour lui les données qu »il a modifiées. Le corps, par contre, ne modifie rien. Il livre tout, à toi de t’en démerder. Voilà pourquoi la mémoire du corps est celle qui importe le plus au guerrier.
Dans la tâche qu’il entreprend, valeureuse entre toutes, partir à la découverte de lui-même jusqu’à visiter le plus petit recoin de son inconscient. Il y sèmera la lumière qui dissipe les terreurs enfantines. Il comprendra que l’enfant est voyant extra-lucide. Rien ne lui échappe, pourtant tout lui est étranger. La réalité brute est souvent insupportable et peut causer un trauma émotionnel.
La mémoire doit être purgée de ces écueils avant que le guerrier obtienne la fluidité astrale pour voyager dans le temps, pour voler dans l’espace, transpercer les murailles, écouter la musique des sphères, voir avec le troisième œil et autres dons que peut recevoir l’éveillé.
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Je vous demande un ultime effort pour sauver Eden Saga. C'est maintenant !!
L’aventure Eden Saga aura duré dix huit années. Reste encore UNE chance, la toute dernière.
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L'histoire humaine commence en Afrique avec les australopithèques, des Noirs.