On appelle planète aménagée une planète sauvage rendue habitable. Toute planète aménagée est prise en charge à long terme par une lignée de Terraformeurs. La Terre en est une. Elle est très loin d’être la seule. Toutes les planètes sauvages sont aménageables. Celles qui sont situées à la bonne distance de leur étoile et qui disposent d’une atmosphère sont aménagées en premier.
Aménager une planète sauvage est un gros contrat, qui va mobiliser des millions de dieux et d’anges pendant des milliards d’années. Les bonnes planètes sauvages se font rare. Les aménageurs se les disputent. Il y en a très peu qui restent disponibles. Partout dans l’univers, la chasse aux gros contrats fait rage. Toutes les planètes du centre galactique ont été aménagées dans la nuit des temps.
Depuis deux milliards d’années, ce qui est tout récent à l’échelle divine, les aménageurs traquent les systèmes stellaires beaucoup plus lointains, voire carrément excentriques, comme notre minuscule système solaire. Ils ont même élargi les critères d’admissibilité. Ils se sentent de taille à aménager la pire des planètes poubelles. Avec ses océans envahis de plastique et de couches de bébé. Ça serait pas mal qu’ils reviennent nous donner un coup de pogne pour nettoyer la Terre qui remplit leurs critères.
Quand ils débarquent sur une planète vierge, ils viennent pour gagner. Peu importe que l’atmosphère ne soit pas respirable, les Terraformeurs peuvent la changer. Peu importe que les volcans soient trop nombreux, les Terraformeurs vont arranger ça. Peu importe que les marécages envahissent la quasi totalité des plaines. Ou que des failles insondables cisaillent la croûte planétaire. Ou que la température présente de trop grands écarts. Ou que les montagnes soient trop élevées. Ou que la surface soient dépourvue d’océans. Quel que soit le foutu problème, soyez tranquilles. Les Terraformeurs y mettront bon ordre. C’est leur métier.
En bons professionnels, les Terraformeurs ne s’embarquent pas sans biscuits. Ils emportent un échantillon complet de leur vertigineuse civilisation. Ceux qui ont terraformé la Terre viennent du système d’Alcor, dans la Grande Ourse. L’histoire humaine couvre à peine dix mille ans, que penser de la leur ? Les archives d’Alcor occupent une examega, giga, tera, peta, exa mémoire de plusieurs milliards d’années. Accessible à tous les Alcoriens, l’Exarchive contient toute la science, toute la puissance et tout le savoir-faire des dieux d’avant.
Les géants d’alors sont venus à bord d’un giga transport. Un vaisseau-mère pouvant accueillir 20 millions de passagers, dont plusieurs races de géants. Croyez-moi, ces gens-là prennent de la place. Et de la place, il n’en manque pas.
Une planète vagabonde, c’est ainsi que les archives sumériennes décrivent ce vaisseau-mère. Nibiru, tel est le nom qu’on lui donne. Il s’y trouve quatre îles, chacune peuplée par une catégorie de dieux. Le patriarche Hénoch a pu s’y rendre, il a visité les quatre îles, découvert leurs coutumes, revêtu leurs costumes et vécu l’amertume. Sur la montagne centrale Olympe, Hénoch fut aimé par la Grande Déesse. Il m’a conté son merveilleux voyage, j’ai donné le récit de ses péripéties.
On l’a compris, les dieux d’avant n’ont rien d’un dieu unique, ils sont très nombreux. Les religions monothéistes ne reconnaissent qu’un seul dieu, mais les faits sont têtus. Innombrables sont les hiérarchies célestes. Les religions du dieu unique sont bien forcées d’admettre une infinité d’anges. Ainsi que des êtres au statut mal défini par la Bible, comme le Serpent. Bref, même dans les religions d’un seul dieu, il y a beaucoup de monde autour de lui. Tout ça, on l’imagine, dans un cadre somptueux.
Le vaisseau-mère Hyperborée, Nibiru, Eden, Paradis, ou quelque soit le nom qu’on lui donne a fourni ce cadre paradisiaque. Il est resté très longtemps l’unique habitat des dieux d’avant. La Terre sauvage n’offre pas encore la sécurité et le confort auxquels les Seigneurs sont accoutumés.
Seuls quelques teigneux y élisent domicile, des dieux pionniers, des aventuriers, des meneurs, souvent des têtes brulées, en tout cas des hommes d’action. Ils veulent être au plus près des Anges, des Géants, des Cyclopes, des Titans et autres travailleurs de force qui œuvrent à façonner la face du globe telle que nous la connaissons. Seigneur Enki a fait partie de ces dieux pionniers.
Il donnait des ordres ici ou là, d’une voix forte qui dominait le bruit des moteurs et le fracas des rocs brisés. Pour un spectateur ignorant, sa voix semblait le vrai moteur de toute cette activité créatrice. La foi nous dit que le monde a été formé par la parole de Dieu. L’intelligence nous dit que la Terre a été aménagée grâce aux coups de gueule d’Enki.
Combien sont-ils vraiment ? Les dieux et tous leurs aides, combien ? Les évangiles évoquent des légions d’anges. Attention cependant, il y a ange et ange. Plusieurs spécialistes des textes rabbiniques pensent que les anges ne sont pas tous des guerriers. Certains pourraient être des engins volants.
Les kérubim / chérubins seraient des supersoniques sophistiqués. Intelligents, redoutables, mortels, les Chérubins machines tueuses sèment la mort et la désolation. On est loin des angelots tout nus, ces bébés volants fessus et potelés qui ont fait rosir nos grands mères et leurs confesseurs.
Certains anges ont des savoir-faire précieux, non guerriers. Il y a parmi eux des voyants, des guérisseurs, des sages, mais tous ne le sont pas. Les Anges sont secondés par des robots. Plus tard, ils seront secondés par des sous-espèces intelligents, comme la nôtre. Mais il faudra patienter encore plusieurs milliards d’années.
Alors combien sont-ils ? La tradition hindoue mentionne le chiffre de 13 millions. Ce chiffre peut paraître élevé, pourtant il ne s’applique qu’aux dieux principaux. Je pense que les Terraformeurs étaient plus nombreux encore sur Hyperborée Nibiru.
Les grands dieux, déjà très nombreux, sont accompagnés par des armées d’anges, innombrables cohortes qui leur font escorte.
Il y a des forgerons, des vignerons, des généticiens, des médecins, des fermiers, des épiciers, des cuisiniers, des agronomes, astronomes, architectes, atomistes, des sismologues, géologues, virologues, astrologues, il y a des géographes, cartographes, épigraphes, polygraphes, des ingénieurs, des docteurs, plongeurs, guérisseurs, polisseurs, fournisseurs et tasseurs. Toutes les spécialités imaginables pour aménager une planète sauvage.
Ce qui est arrivé ici-bas est ce qui se passe sur toutes les planètes aménagées. Comme notre planète s’appelle Terre, nous avons appelé terraformation le processus de transformation d’une planète sauvage pour la rendre habitable. Ailleurs, bien sûr, on ne parle pas de terraformation mais tout simplement d’aménagement.
Il s’agit d’un processus extrêmement long à notre échelle de temps. Il se chiffre en milliards d’années. Il se décompose en plusieurs phases de travail, j’en ai dénombré sept, qui correspondent aux sept jours de la création biblique.
L’aménagement de notre planète a commencé quand elle était encore très jeune. Elle avait tout du chaos primordial quand les dieux terraformeurs y ont posé le pied. Ce qu’ils ont fait avec précaution. Tout n’y était que désordre affreux, tourbillons mortels, vortex océaniques, marécages de vases et de sables mouvants, volcans innombrables, séismes réguliers, orages incessants, pluies diluviennes, ou sécheresses infernales. Le moins qu’on puisse dire, il y avait du boulot. Des graines à semer, des éons pour qu’elles poussent.
La première graine semée concerne l’énergie. Pour tous ces chantiers démesurés, il en faut des quantités. La plus rentable est l’énergie nucléaire. Les Terraformeurs ont procédé à l’extraction d’uranium en Afrique. Les premiers réacteurs nucléaires, datés de 1,8 milliards d’années, enfouis profondément sous la terre de l’actuel Gabon, ont produit de l’électricité durant des lustres. Un de ces réacteurs aurait fonctionné plus de 500.000 ans !
Tandis que les géologues transforment le chaos originel en quelque chose qui ressemble à un paysage, les chimistes modifient et purifient l’atmosphère du biotope, et les biologistes peaufinent les conditions propices à la vie. Croissez et multipliez, dit le Terraformeur de la Bible. Le désir sexuel remplit cette fonction à la perfection. C’est pourquoi les généticiens d’avant ont implanté le désir sexuel dans tout ce qui vit, y compris les plantes. Regardez-les s’éclater dans un nuage de pollen avec ces paillards d’insectes ! Un ballet d’or qui fait plaisir à voir.
Il y avait du plaisir à voir proliférer les espèces animales les plus incroyables, à les voir atteindre leur apogée et péricliter, jusqu’à disparaître de la surface de la terre, pour enfin s’effacer des mémoires. Plaisir encore, ces êtres sans pareil, supérieurs par la force et par l’intelligence, voir se mouvoir ces êtres exquis aux mains énormes, aux jambes d’airain, aux épaules d’or fin. Plaisir aussi, ces fées myriades étincelles beautés des ondes, des crêtes, des fonds, des sylves et pâtures.
Les Terraformeurs sont venus sept fois. Ils ont stoppé à sept reprises leur grand vaisseau au-dessus du pôle nord. Leurs pompes géantes ont aspiré tout l’or, tout l’uranium, tout le mercure, toutes les perles, les gemmes, les géodes, les pépites – mais aucun artefact humain. Ils ne semblent guère apprécier nos talents artistiques.
Depuis leur départ, nous avons quelques peu reconstitué nos réserves d’or, d’uranium, de mercure, de métaux fins, de gemmes et de matières précieuses. Mais elles ne nous appartiennent pas. Tout ce que la terre produit appartient aux dieux. Ils l’ont fait, c’est pour eux. Ils nous ont conçus pour les servir. Et le cycle éternel recommencera. Les dieux font toujours la même chose. Ils dérouleront exactement le même scénario que toutes les autres fois. Si tu veux connaître le futur, regarde le passé.
Pour le confort de leur vaisseau-mère, leurs pompes géantes ont aspiré toute la chaleur de la terre qui est entrée chaque fois dans un nouvel âge de glace. Il y eut sept grandes périodes glaciaires dans le passé de la Terre, sept périodes glaciaires qui correspondent à leurs sept visites.
Elles sont les sept matins des sept jours de la création biblique. Nous sommes au soir du dernier jour. Ils vont revenir pour qu’un nouveau cycle commence. Sans eux. Enfin libres ! Croire sans y croire.
Les Terraformeurs ont abattu un travail considérable dont on profite aujourd’hui. Pensez-y. Même si vous y trouvez à redire, même si vous pensez que beaucoup de choses pourraient être améliorées, retroussez vos manches ou fermez-la. Regardez le travail accompli, chapeau bas camarades. On admire en silence. Et on remercie. On se méfie, ça oui, mais on remercie.
Qui a creusé ces galeries et ces villes souterraines, et pourquoi tout ce travail ?
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