Tous les vieux perdent la tête. Pourquoi je ferais exception à la règle? La loi est dure, mais c’est la loi. C’est-y pas mon voisin qui dit ça? L’autre fada qu’a jamais eu beaucoup de gingin, mais avec l’âge, bonjour le méchant con! Il savait plus ce qu’il disait. Et encore, il était moitié vieux comme moi quand les Archontes l’ont emmené pourrir. Et pas pour rire. On doit mourir pour les nourrir.
Tous les vieux, oui. Je sais bien que j’y couperai pas. Je me tiens peinard, je la ramène pas. Je fais celui qui se souvient. Quand on me demande quoi que ce soit, je dis Oui je me souviens très bien! Ben tiens! Tu crois quoi? Que je perds la boule? Une fois j’ai dit ça à un flic qui m’a jeté un sale œil. N’empêche qu’il avait vraiment une ‘tite tête de con çui-là. J’aime pas la flicaille. Attends? C’était-ty un flic? Tu m’embrouilles avec tes histoires! C’est pas que ça m’ennuie, non: tu m’embrouilles! Tu parles trop, voilà. T’es pas le mauvais gars, mais quel bavard! Tu causes, tu causes, c’est kek chose!
Quoi ?? Qu’est-ce tu dis? T’as qu’à parler plus fort. Ou bien tais-toi, ça vaut mieux. Je sais plus ce que je dis. C’est ta faute aussi! Faut que tu la ramènes. Laisse-moi causer, vu que t’as rien à dire. Où j’ai mis mon cachet pour la tête? Faut que j’en prenne un, sinon ils vont m’emmener les salopards.
Qu’est-ce que je disais? Ah ouais, tu parles trop. Ferme-la une bonne fois pour toute. Moi je cause et toi t’écoutes. C’est pourtant pas compliqué. Avant tu comprenais ce que je disais, maintenant je sais pas où tu t’en vas, mais quand je te cause t’es pas là. Jamais là quand j’ai besoin de toi.
T’as fait les courses? Qu’est-ce tu nous a ramené? Pas du poisson j’espère, tu ramènes toujours du poisson, tu sais bien que j’ai horreur de ça. C’est poisseux, ça glisse et ça pue. Je comprends pas pourquoi t’aime pêcher. Assis des heures sur un rocher! Si encore tu pêchais des cocos!
Ou des frites. Y a combien de temps que tu m’as fait des frites? J’sais même pu. Y a longtemps c’est sûr. Trop longtemps. Des fois je voudrais que tu sois une fée. Un coup de baguette et toc! Tu changes ton poisson qui pue en assiette de frites! Ça oui, ça me plairait vachement.
Macache! Encore du poisson.
C’est quoi comme poisson? Est-ce que je sais? On s’en fout, c’est du poisson violent. Pourquoi tu vas pas à la pêche aux frites?
Tu vas mal, change toit, qu’il dit comme ça. Bouge de là. Cherche le monde où tu vas bien. Vas-y mais sans t’y installer. Visite. Explore. L’astral est ton jardin. Le multivers t’attend, prospère. Va cueillir les fleurs d’hélianthe en Alicante, quelle infinie délicatesse, fragrance inouïe — polymélodie structurale à l’inépuisable beauté. Tout est à toi. Le nouveau, l’inédit, le possible et ce qui n’existe pas. Ne te satisfais pas de peu. Prends tout. Ce dont tu ne veux pas ne peut servir à nul autre.
Fais que passer. Mais vite. Armée de ta célérité, tu n’auras plus besoin des comètes. Quand tu te décides à vivre, les étoiles filantes filent moins vite que ton âme. Je t’en prie, ne prie plus. Ne te prosterne plus. Sois le dieu qui plane au-dessus. Il descendra du ciel pour s’asseoir à la droite de toi.
À ta gauche les morts en cohorte. Les déçus par la vie t’envient. Tu dévies la conversation. Rien à donner, pas une miette. Les oies les ont bouffées.
Où vont-ils ? Qui sont-ils ? Comme ils sont loin du sol !
Il n’y a personne là-haut qui tire les ficelles du pantin que tu es.
Tu es née l’année des lapins. Il y en avait partout sur l’île. Par les champs. Dans la ville. Ils n’étaient pas méchants, juste un peu malhabiles. Au sommet du volcan, charmants sous la charmille. Quand dans ton samovar bouillait la camomille et dans la rue du lit ruisselait tant de billes. Les crottes des lapins emplissaient tout sur terre. Quelle admirable aubaine ou bien la triste affaire !
L’homme descend du songe.
dix jours après te voici morte
où giclait le sang de l’aorte
quand ton cœur a claqué la porte
la veille à ce corps qu’on emporte
de la plus faible à la plus forte
l’avant-veille à l’hôtesse accorte
à la tempérance on t’exhorte
ne te punis pas de la sorte
on croirait que tu n’es plus morte
va-t’en viens-t’en le vent te porte
où le malheur te réconforte
se peut-il qu’un tel vide avorte
Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.
– Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, – mouche au rosier.
– Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : « Veux-tu finir ! »
– La première audace permise,
Le rire feignait de punir !
– Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
– Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : « Oh ! c’est encor mieux !
Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »
– Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…
– Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Arthur Rimbaud
Cahiers de Douai, 1870Arthur avait 16 ans
Ne reste pas posée là où ta vie t’a mise.
Que savons-nous de toi ? Le deuil n’est pas de mise.
Ta vie ne fera rien. C’est toi qui l’a fait vivre,
non l’inverse. Il te tue.
Sa lame est nue
qui s’en va comme elle est venue.
N’attends pas la mue,
ne t’attarde sous la nue
de peur que ciel se venge.
Voilà le vent qui te mange.
Le temps change.
Il s’effrange,
dans un coin te range.
Ce coin de toi qui démange.
Tu te vois faible, fragile. Tu te sais peureuse, trompeuse, malheureuse. Cesse. Progresse. Oublie ces bassesses. Tu es princesse et vengeresse. Te crois-tu synonyme ? Tu es tout le contraire. Je le sais, je l’ai vu. Dans ta nuit le soleil peut briller durant des jours entiers. Noir banni, au rancart les nuages. Vois le soleil vengeur, sa gloire, il est vainqueur. Il éblouit les nuits. Près du Pôle on l’appelle haut soleil de minuit. Depuis quand ? Sais-tu qui ?
Voudrais-tu y aller ? Mais sans t’y installer. Et surtout sans caler. Qui s’arrête a perdu. On lui prendra son dû. Ses biens seront vendus et son doux corps dodu finira en fondue.
Vivons chaque jour comme si c’était le dernier. Parce qu’un jour ça sera vrai.
Je vais plutôt mal. Je souffre aussi. Je gamberge à la nuit. « Où donc as-tu merdé ? Quel aiguillage as-tu manqué ? L’ignorance est mère de mes vices. Elle se trompe et moi saucisse. » Le moment est passé. L’instance est dépassée. Actionne un clignotant. Cherche un lien. Parcours ce monde où tu vas bien. C’est facile. Les ondes sont ductiles, écoute-les. Suis-les. Le multivers encore, ses remous dans ton corps, ton chapeau mou sur les genoux, ton champ de petits choux.
Tout est à toi. Prends tout. Ce dont tu ne veux pas ne lui servira pas. Sois gourmand. Vif et drôle. Remue ton vieux cul qui n’en a rien à chier. Tu ne pourras guérir qu’en revenant d’enfer. Jusqu’au fin fond du bout du mal il faut aller. Où va la mort du corps et la vie de l’Esprit.
La religion est pour ceux qui ont peur de l’enfer. La spiritualité, pour ceux qui y sont déjà allés.
Armé de sa célérité, il court. Il court comme un vieux dératé quand son moteur a des ratés. Que n’a-t-il besoin de comète, ce Johnny qui sait pas où smet. Qui s’émousse à tes trousses. Qui tousse. L’orgueil se traîne à ses genoux. Sa lumière est moins prompte. Et toi, tu n’as pas honte. Tu files. Il se défile et ne sait rien de toi. De tes doigts. De tes choix. Son inconnue c’est toi.
Je suis un chien. Je me décolliérise.ce néologisme est signé Léo Ferré Et je n’ai rien contre l’idée qu’on laisse venir à moi les chiennes, puisqu’elles sont faites pour ça. (source)Toujours Ferré, ou presque… Ce que tu nommes aimer je le nomme attendre. Cœur à vendre. Âme à prendre. Bile à rendre. La solution n’est pas unique. Le problème est lubrique. Ludique et lunatique. Érotique. Frénétique. C’est du grand dard. On dirait lard pour lard. Aurais-tu perdu tes fossettes ? Elles ont quitté tes joues pour le creux de tes reins. Migration de satin sur la soie des matins. Ça te va bien. Ça n’est pas rien. C’est bien.
Réveille-toi, tu as besoin du monde. Et la ronde envie tes bras lents, ta jambe allante, ton pied dansant.La belle est-elle unijambiste ? Ton œil d’encens.Et borgne ? L’hymne qui t’as semée, le ciel qui t’as paumée, l’argent est sur la table, take the money and run. Tous les chiens mènent à Rome. Un dernier verre de rhum avant le grand départ. Si tu n’es plus ma femme, tâche au moins d’être un homme. (source) Jolie pomme.
Fleur trop tôt fanée, d’une indolence innée, ses épis sont glanés, les souvenirs damnés ne l’ont pas ramenée. Ne reste pas muré où l’ennui l’a menée. Va ta route, coûte que coûte, sois beau, ne te tais pas. Mange la viande. Chie dans la lande. Mets le sexe à l’amende.
S’il le faut tu iras sur les pas de Merlin défaire à Croquelien ce qui te tient le cœur encore. Le dragon d’Or te mord les chairs. Qu’il te déchire et le lien périra.
Oh ! La voilà partie ! T’es tout con t’es tout seul.
On a tort de dire que l’argent n’a pas d’odeur. Il sent toujours la merde.
Longue agonie d’un sans-abri à l’hôpital de Brive-la-Gaillarde. Il délirait depuis des semaines dans son monde intérieur plein de trous et de bosses. Il revivait des scènes en vrac, bagarres de ses vieux parents, délires de lectures, moments qu’il n’a jamais vécu. Une fin de vie pénible, nous confie l’aide-soignante.
Le 25 mai 1949 à 5h de l’après-midi, le vieux Gueugueu dit Ficelle nous a quitté pour un monde meilleur.
Quatre jours plus tôt, à la même heure, par la porte étroite, je suis entré ici.
"J'en ai haussé des femmes ! J'en ai osé des flammes !" (Cahiers Ficelle, idédit)
En 1312, l'empereur du Mali regagne l'Amérique, le continent de ses lointains ancêtres.
Le symbole suggère, l'image montre. Que montre le caducée, arme d'Hermès ?
Ils viennent de la littérature, de la bd, de la pop, de ce qui court,…
Leur mouvement permet la vie, leur ouverture permet la clarté, leur vigueur permet l'éveil.
La richesse de la gnose antique fait ressortir la pauvreté de la pensée unique contemporaine.