La grève du Très Haut

 

Ouvrez bien les yeux, tirez les rideaux, roulez les volets de votre esprit. Les mots qui suivent pourront choquer. Ne m’en tenez pas rigueur. Ces mots ne sont pas de moi. Ils sont bien de ma main, mais je ne les ai pas conçus.

 

Envoyé mon cul !

N’allez pas tirer des conclusions hâtives. Je n’ai rien d’un prophète. Je ne me prends pas pour un envoyé. Prophète de qui ? Envoyé pour quoi faire ? Et pourquoi moi ? Matez-moi bien, vieux baba-cool, baroudeur intersidéral, chercheur de petite bête au creus des mythologies, allons donc! Envoyé, moi ? Je n’ai pas le profil.

Initile d’insister, je refuse tout net de faire un seul pas vers ce délire. Je n’ai plus l’âge de jouer au cachalot mégalo. Sitôt hors de l’eau, je fais du pédalo en mâchouillant mon marshmallow. On me verra sortir des flots au bout du quai près des ballots. Élu mon cul ! Envoyé de mes couilles ! Hé, réveillez-vous ! On est sorti du Moyen Âge !

Personne n’est missionné par le Très Haut. Si c’était le cas, pourquoi tous ceux qui ont cru l’être ont-ils causé tant de guerres, tant de martyres et de souffrances ? Le Très Haut n’est-il pas dieu d’amour ? Alors ? Pourquoi ce paradoxe ? Il se trouve que le Très Haut en question n’a jamais présenté sa carte d’identité à aucun de ceux qui s’est cru missionné par lui.

 

Croire aux miracles

Rien ne prouve qu’ils aient eu affaire au Très Haut, s’il existe ? Quelque sous-fifre a très bien pu se faire passer pour lui. Ou même un gugusse qui n’a rien à voir, mais qui a des pouvoirs. Comment exclure cette possibilité ? On a tous envie de voir les anges ou un simple ovni. Un truc qui nous pousse hors du nid. On veut si fort croire aux miracles !

Je ne crois pas que l’effort fasse vivre, mais je sais que le désir fait venir. L’intention du guerrier est son premier atout au cours du combat intérieur qu’il doit mener sa vie durant. On n’est jamais débarrassé de l’ego tout à fait. Sauf quand on est mort. Condamnés à vivre en tirant à la même chaîne, le moi et l’ego se font la gueule, mais se supportent. S’ils se font la guerre, tout le monde y perd. Et moi le premier. Perdre l’ego me va, mais me perdre moi !

On consacre la première moitié de sa vie à se forger un ego solide, et la seconde moitié à s’en débarrasser.

Carl Gustav Jung

 

Autant dire mourir. Sans rire et sans fossettes. Si c’est ça la mort, autant vivre tout de suite.

 

 

Dieu sans papiers

Vous m’objectez que le Très Haut n’a pas de carte d’identité. Mais il a mieux : à chaque fois il a donné des preuves de sa grandeur. Les prophètes ont témoigné, il n’y pas de raison de mettre leur parole en doute.
– Il n’y a pas de raison non plus de les croire sur parole. Quel genre de preuves ?
– Pardon ?
– Vous me dites que le très Haut a toujours donné des preuves de son identité. Je vous demande quelles preuves ?
– Il a fait des miracles.
– Un âne bâté peut faire des miracles si c’est un âne éveillé. L’éveil n’est pas un gage de moralité. Qui vous a dit qu’un éveillé ne peut pas mentir ?

– …
Pardon si je vous fait chier, c’est un peu mon métier…
– Vous faites quoi dans la vie ?
– Avocat du diable. Ça paye mal mais on se marre.

 

Big Boss du Big Bang

Le Très Haut, ou celui qui se fait passer pour lui, a fait des miracles pour prouver qu’il était. Mais ça ne prouve rien. N’importe quel esprit peut faire des miracles. Et puis, soyons sérieux cinq minutes. Peut-on imaginer une seconde que le Big Boss de tout le bazar se dérange en personne jusqu’à une galaxie lointaine, à la recherche d’un système stellaire perdu aux confins de ladite galaxie, pour y trouver une planète bleue, et sur ladite planète, dénicher le foutu prophète à qui il va confier le grand secret ? Il faut une bonne dose de naïveté ou d’orgueil pour avaler une telle foutaise. C’est tout bonnement incroyable.

Vous me répondrez que rien n’est impossible au Très Haut. Je vous répondrai :
– Oui, même pas de se faire aider. Lui qui peut tout, peut aussi déléguer.

S’il gaspille sa précieuse éternité à régler des problèmes subalternes, on comprend que l’univers soit si dangereux. D’ange heureux. Mais ça c’est juste un jeu de mots, pas ma bonne vieille langue des oisons. Je vous ai dit combien on doit se méfier des anges, qui n’ont rien d’angélique la plupart du temps.

 

 

Le Très Haut sous le préau

Et si le Très Haut était en grève d’ici-bas, tout simplement ? S’il avait décidé de se mettre au vert pour oublier un peu la planète bleue ? Où jadis son fils se terra. Terra.

Imaginez juste un instant le Tout-Puissant qui se dit : Terra y en a marre. Je reste au plumard.

Attends, on l’a tous fait, je ne vois pas pourquoi il n’aurait pas le droit sous prétexte qu’il est Très Haut ? Le Tout-Puissant fait ce qu’il veut. Donc il passe une journée sous la couette. Ça c’est chouette ! Il remet ça le lendemain, point. Deux jours c’est rien. Presque rien. Parce que deux jours dans l’éternité du Très Haut ça fait genre 111 111 ans chez nous.

 

Cent mille ans de malheur

Une grève qui dure cent onze mille cent onze ans, ça fait des dégâts, ça laisse des traces et ça marque les esprits. Vous remarquerez que depuis ce temps-là sur Terra ça merde grave. Dernier âge glaciaire. Cent mille ans sous terre. Les gens comme des taupes consomment de la dope et font des dessins d’animaux rêvés tels qu’on les vit avant. Aux temps chauds. Cent mille ans à creuser des galeries, explorer les entrailles sonores de la planète creuse, tester les miracles du son qui fait sortir du corps en jouant des musiques de transe dans des cavernes aménagées pour ça. Cent mille ans à trouver le temps long, ça dure… D’Ur.

Cent Mille Ans sans le Très Haut, on s’est terré tout en bas. Certains y sont encore.

De temps en temps, le Très Haut redescend de son perchoir. Il laisse la place à plus noble que lui. Il s’agenouille humblement devant l’Ancienne. Quand elle n’est pas là, le Très Haut crâne. Frime. Se la pète. Fait celui qui sait. Juge et condamne. Zigouille des millions d’humains, de sauterelles ou de moules. C’est bon les moules. Il ferait mieux de les sucer. À la crème avec des échalotes.

 

 

Et si le ciel était vide ?

Et si le ciel était vide ? chante Alain Souchon. Et si en plus, y a personne ? Question radicale. Il y a du monde là-haut, vous le savez, je le sais. Mais du monde comme nous, vraiment. Pas du tout divin. Ils ont beau vivre des milliers d’années, on trouve chez eux la même proportion de grognasses et de connards qu’ici-bas. Ici-même. Chez moi.

Le Très Haut pourrait bien n’être qu’un mythe et ne pas exister du tout. Pour nous, ici et maintenant, ça ne changerait rien. Pas un seul mouvement d’aile du papillon de Manille. Pas un souffle du plus ténu zéphyr. Savoir si la Source existe ou non dépasse de beaucoup les capacités humaines. Je tiens la chose pour inconnaissable. Il est illusoire d’espérer une réponse, et dangereux de le tenter.

Chacun peut croire ce qui lui chante dans son for intérieur, mais s’il veut la paix, qu’il garde cette conviction pour lui. Moins on parle de religion, mieux on se porte. C’est la grande sagesse des Amérindiens. Wakan Tanka, chaque guerrier lui parle dans le secret de son cœur. Mais aucun n’en parle à ses frères. Moins on parle de politique, plus on vit vieux. Et tellement mieux !

Mais non, Souchon. Le ciel n’est pas vide. Il grouille de vie, il est bondé d’invisibles, il est plein de super-humains en super-forme qui s’uppercutent superbement. Mais rien d’autre.

Désolé pour nos amis requins,américains ? c’est en vain qu’on y cherche Dieu. Le Très Haut. Son nom indique un lieu. Ne le cherche pas à la cave, monte plutôt sur le toit de chez toi. Vois s’il est là. Voici Leila. Faut que j’y aille.

 

 

L’enfance de l’art

Quand vous invoquez le Très Haut, il y a bien peu de chances qu’il vous réponde en personne. Bien peu de chances ? C’est à dire ? C’est à dire aucune. Le ciel est plein de profiteurs sans scrupule, puissants en diable, fort capables de vous rouler dans la farine en vous faisant croire ce qu’ils veulent. Il suffit de décaler comme il faut votre point d’assemblage. Pour eux, l’enfance de l’art.

Je vais vous donner un bon exemple de profiteurs sans scrupule. Quand j’ai commencé les émissions scalaires avec le groupe du même nom, certaines personnes se sont plaintes d’intrusions désagréables, voire effrayantes, qui se manifestaient soudain en pleine séance.

Nous émettions de l’amour tous azimuts, de l’amour inconditionnel en direction de la terre et des vivants. Ces profiteurs goulus se sont interposés. Les invisibles se nourrissent de nos émotions. Vous pensez bien que ces émissions d’amour gratuit les ont intéressés au plus haut point. Ils ont mangé les ondes d’amour, se sont approchés des émetteurs et leur ont flanqué la trouille. C’est une émotion qui les régale plus encore que l’amour qu’ils trouvent mièvre, sans consistance. Alors qu’une bonne tranche de terreur, ça, c’est autre chose !

Pour couper court à ce détournement, j’ai sécurisé les émissions scalaires à l’aide de photos des participants. C’est ce que je continue à faire pour les Loups Volants. Depuis lors, plus aucun souci de ce genre. Et c’est tant mieux.

 

 

Chacun est seul ?

N’invoquez personne. Ne faites jamais confiance aux invisibles. Ceux qui sont tellement plus puissants que vous sont-ils bienveillants ? Non. La plupart ne le sont pas. À vrai dire, ils n’en ont rien à foutre de nous autres. Ils peuvent nous mentir, ils ne s’en privent pas. Nous, nous ne pouvons pas. La vérité sort de notre bouche dès qu’ils nous interrogent. Leur puissance psychique est telle qu’ils arrachent nos moindres secrets comme une étoile arrache les secrets d’un météorite.

Le Très Haut est en nous. Je le sens et j’y crois. Sans y croire, c’est vrai, mais tout de même. Personne n’a besoin d’une aide extérieure quelconque pour progresser sur son propre chemin. Ou plus exactement, nous avons tous envie qu’on nous aide, mais c’est inutile, car nous avons en nous-mêmes tout ce qu’il faut pour grandir et nous élever.

Si tu laisses quelqu’un prendre en main ton destin C’est la fin. La fin.

Jean-Louis Aubert

 

Quelle foule est en chacun !

Le Très Haut est en moi. Je le sens et j’y crois. Je le sens quand par grâce il descend. Il m’inonde et me noie. Je grimpe vers sa surface comme une bulle dans l’océan. « Des profondeurs je crie vers toi Seigneur. Écoute ma prière. » chantent les chrétiens. Ne pas les imiter : c’est une invocation. Pourquoi invoquer une aide extérieure, alors que le Très Haut est en nous ?

Méfiage ! Il n’y a pas que lui qui t’entend. Des tas de salopards t’écoutent. L’un d’eux peut se brancher sur toi. Fourbe et retors, traître et chafouin, il te manipule à son gré. Quoi qu’il te dise, son but n’est pas de t’aider mais de tirer profit de toi. « Cet univers est prédateur, » répète Don Juan Matus. Tu t’adresses à l’infiniment bon, c’est l’infiniment pourri qui intercepte ta prière. Il réclame ton amour. Sans méfiance, tu lui donnes. Il s’en repait, il s’en gave, se bourre d’amour à s’en faire péter la sous-ventrière. Écoute ma prière

Il est tout ouïe. Ainsi va sa rouerie. Tu l’adores et il jouit. Ne lui dit jamais oui.

 

 

Croire

Je ne vous recommande pas d’être méfiant ni d’être méchant. Je vous suggère de croire à ce que vous voulez, croire en qui vous voulez, car croire est la clé du monde et le sel de la vie. Il ouvre les portes du cœur. Il panse les blessures et guérit les déceptions. Je vous supplie de croire. Sans limite. Croire à fond, croire à la folie. Avec passion. Plain d’émotion. La froideur pseudo-scientifique est un maquillage pour les cœurs morts. Il faut croire. Il est indispensable de croire. Il est vital de croire.

Mais tandis que vous croyez sans plafond, sans mur, sans borne et sans horizon, au fin fond de vous-même, et avec la même force, vous n’y croyez absolument pas. Telle est la sainte protection des explorateurs intérieurs. Tout est possible à l’esprit qui est en nous. Il suffit d’y croire assez fort. Et tous les miracles sont possibles. Mais le risque est grand de se prendre pour super-puissant. Pour surhomme. Pour dieu.

D’où l’antidote : croire sans y croire. Un vrai nectar. Mise à la terre. Concilier l’inconciliable. Arc électrique format galaxie. La puissance est en toi. L’entends-tu gronder ?

 

Quelque soit le bruit, ne te prends pas pour Lui. Fais-toi tout petit. Reste ici. Dis merci.

Sincère humilité assure la survie.

 

 

Quelle mâle gaîté, si triste et si profonde / Que, lorsqu’on vient d’en rire, on devrait en pleurer!
Alfred de Musset