Il était une fois un homme qui distribuait ses biens avec générosité et méthode. Chaque jour, il recevait une catégorie de population, les indigents, puis les malades, les veuves, etc. Chacun se voit donner une pièce d’or, à condition qu’il n’ouvre pas la bouche pour prononcer le moindre mot. Un juriste veut profiter de l’aubaine, mais il ne peut retenir un long plaidoyer en guise de remerciements. Le généreux donateur ne lui donne rien, puisqu’il a parlé.
Le juriste ne se tient pas pour battu. Le lendemain, jour des pauvres, il revient en haillons et le visage couvert de cendres. Mais l’homme riche le reconnait et ne lui donne rien. Le juriste revient encore, déguisé en caravanier, puis en portefaix et même en femme pour le jour des veuves. Chaque fois, on le démasque, il est vidé comme un malpropre.
Sans se décourager, il recommence cent fois son manège, toujours sans succès. À la fin, il se fait passer pour mort, s’enveloppe d’un linceul, et son cercueil défile devant le donateur qui fait tomber une pièce d’or sur le corps. Le juriste s’en saisit et dit : « Tu m’as refusé ton don cent fois mais tu vois, j’ai réussi à l’avoir !
– Tu ne peux rien recevoir de moi, répliqua l’homme généreux, tant que tu ne meurs pas. »
C’est là le sens de la formule énigmatique : « L’homme doit mourir avant de mourir ». Le don vient après la « mort » et pas avant. Et même cette « mort » est impossible sans aide. (source)Idries Shah, Contes Derviches, Le Courrier du livre
Comme les templiers, les soufis ont une réputation de mystère insondable. Comme les templiers, ils refusent la morale ordinaire pour obéir à la règle intérieure, plus puissante, moins liée à une époque, à une société ou une religion. Leur but est la quête de la vérité.
Ceux qui ont développé certaines qualités intérieures ont un effet bien plus important sur la société que ceux qui tentent de s’appuyer sur les seuls principes moraux. On appelle les premiers « les véritables hommes d’action » — et les seconds : « ceux qui ne savent pas mais qui jouent à savoir. » (source)Idries Shah, Apprendre à apprendre, éd. Le Courrier du livre
C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre la maxime orientale : « Ceux qui parlent ne savent pas, ceux qui savent ne parlent pas. » Moi qui vous parle, est-ce que je sais ? Vous qui m’écoutez, est-ce que vous comprenez ?
« Personne ne peut vous barrer le chemin de la connaissance si vous êtes en état de connaître. N’importe qui ou n’importe quoi peut vous barrer le chemin de la connaissance si vous n’êtes pas en état de connaître. » (source)Idries Shah, Contes Derviches, Le Courrier du livre
Vous savez déjà tout ce qu’on peut vous apprendre. Êtes-vous prêt à le redécouvrir ? Ce que j’enseigne ne s’adresse qu’à celles et ceux qui sont prêts à l’entendre. Les autres ne remarqueront pas les ouvertures offertes, ne comprendront pas les chemins fléchés, ne garderont aucun souvenir de ce qu’ils ont lu sans comprendre.
La tradition chrétienne ésotérique parle de la mort du vieil Adam. La tradition soufie, on vient de le voir, parle de mourir avant de mourir. De quoi s’agit-il ? Castaneda et le nagualisme décrivent ainsi cette phase de l’évolution intérieure : stopper le monde. D’après la description qu’ils en donnent, quand le monde ordinaire s’arrête, on n’est pas loin de la mort.
Et pourtant, ça n’a rien à voir avec la mort véritable. Le personnage qui figure sur l’arcane sans nom, le squelette de l’arcane XIII, est-ce la mort ? Que non ! C’est l’autre mort, celle qu’on expérimente de son vivant. C’est la mort initiatique. Ce n’est pas une fin, c’est un début. Le vrai commencement. Tout ce qu’on a fait jusqu’alors n’était qu’une mise en bouche. Le vrai festin commence avec la renaissance du phénix.
« Je ne savais pas ce que c’était qu’être vivant avant que je te rencontre. Tu as déverrouillé quelque chose en moi ce jour-là, quelque chose dont je ne connaissais même pas l’existence. Et à ce moment-là, j’ai su que rien dans ma vie ne serait jamais plus pareil. J’ai été transformé à jamais. Et c’est toi qui as fait ça.«
La marche vers l’envol, vers l’éveil. On a tous en nous quelque chose de ce temps-ci. Quand on y arrive, on se croit arrivé. On se croit hors du monde, hors du temps, hors des gens. C’est bien ce qui se passe. L’homme qui est né à nouveau s’appelle René, deux fois né. C’est un prénom, c’est aussi un titre. Comme Hadj est le titre du musulman qui a fait son pèlerinage à la Mecque, René est le titre du chercheur de lumière qui a passé l’arcane XIII.
René a bon espoir de ne pas mourir en mourant. Que signifie cette expression ? Eh bien de même que le corps perd son individualité, devient cadavre et retourne à la terre, l’esprit retourne à l’Esprit en se dissolvant dans la conscience universelle. Le nagualisme dit que les consciences des morts s’envolent vers le bec de l’Aigle qui s’en repaît. On peut supposer que le bec de l’Aigle est une façon traditionnelle de désigner le trou noir géant qui occupe le centre de notre galaxie.
Mourir de son vivant, c’est connaître l’envers du monde ordinaire, ou plutôt son endroit. C’est choisir d’habiter le côté ensoleillé de la vie. C’est gravir un à un les degrés de l’éveil. C’est rester au monde, mais ne plus être du monde. C’est refuser le credo qui répète à l’envi : « Tu n’es rien en dehors de la société qui te porte. Si tu la quittes, si tu veux vivre en marge, tu finiras sdf, malade, perdant, drogué, alcoolique ou les cinq ensemble. »
Mais quant à toi, initié aux mystères sacrés, prends confiance car divine est d’origine la race des mortels et à ceux qui savent éveiller en leur âme le divin qui y sommeille, la nature dévoile toutes choses.
Pourquoi Idries Shah écrit-il que la mort initiatique ne peut s’obtenir sans aide ? Parce que son livre est sorti en 1967. J’ai été moi-même initié à l’arcane XIII en 1992 où cette règle s’appliquait encore. Il fallait un passeur pour franchir la rude épreuve de la mort initiatique. Ensuite, pendant plus de quinze ans, j’ai fait moi-même le passeur pour celles et ceux qui étaient prêts à cette grande aventure.
J’utilisais la transe profonde, par des techniques de régression j’amenais l’impétrant à revivre ses engrammes. Un à un, il déverrouillait ses blocages, pour finir par faire la paix avec lui-même. Mais celui qu’il avait découvert en lui, jamais il n’aurait pu l’imaginer. Je est un autre, a écrit Arthur Rimbaud. La mort initiatique est le plus court chemin pour se connaître soi-même.
Depuis sept ans, j’ai constaté que ces techniques anciennes, qu’on appelait jadis les Mystères d’Isis, ne sont plus adapté à l’époque. Le monde a changé. Profondément. À présent l’arcane XIII se franchit sans douleur, en tout cas de manière moins pénible que ce que j’ai pu vivre en 1992. Le passeur, dans la plupart des cas, n’est plus nécessaire. La remémoration parfaite des engrammes n’est plus indispensable à leur évacuation. Ils s’effacent tout seuls au fil des épreuves de la vie, et des aléas du chemin montant.
Il est vrai que la route vers soi-même est longue et rude, les épreuves nombreuses, les échecs fréquents. Si tu tombes, relève-toi aussitôt. Ne perds jamais de vue ton but, ta raison d’être. Guerrier de lumière, tu sais où est ton destin, tu le sais depuis ta naissance, tu veux pourfendre ce règne d’illusions et de faux-semblants, c’est pourquoi tu dois stopper le monde, mourir de ton vivant.
Comme disent les Soufis, « tu dois frapper à la porte du rien jusqu’à ce que l’être te vienne » (source)Saadi, poète et soufi persan
Tu t’inscriras ainsi dans le cercle des Renés, j’aurais le plus grand plaisir et la plus grande joie à t’accueillir dans la douce cohorte des éveillés. Tu vivras, mon ami. Paix sur toi et sur les tiens.
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