Je l’apprends

20 juin 2006

 
je l’apprends
 
dans mes bras
je la tiens tendrement
je lui sussure des mélodies
penché sur son long col de cygne
et sur ses hanches rondes pianotent mes doigts doux
 

je l’emmène avec moi
dans ce monde à mi-chemin
dont nous rirons demain
mais qui pour l’instant est l’eden de mon cœur
l’aube à mes yeux
le walhalla et ses splendeurs guerrières
ses apothéoses festives ses éclairs d’ombre

 
je l’emmène avec moi aux confins du suprasensible
dans le sensible encore
au sens anglais du terme

si souvent si fervent
dès le début des jours d’avant
je l’ai tenue comme on porte un enfant
orphelin de grands yeux de faon
autour sonnaient des oliphants
triomphants
dans la pénombre
ils*

 
et je la gratte tendrement
je la sonne
je l’apostrophe
et la fais vibrer jusqu’à l’âme
je la djembé je la tamtam
je l’accompagne
elle ma compagne
 
galbées tes formes fauves
rehaussées de nacre et d’ivoire
tant de flamme est en toi
ton cœur dur est de bois
 
du bois précieux dont on fait les guitares
 
*…se dénombrent ?
 
 
 
 

L’abeille

15 décembre 1994
 
à la flamme de la chandelle
le souci s’en va l’instant s’éveille
à la flamme de la chandelle
sale temps pour les mouches — à moi l’abeille !

elle était jeune elle était fragile elle avait le regard perdu
ya pas d’histoire secoue-toi c’est gagné !
elle a connu un homme de la ville qui n’aimait pas la jungle et vivait à côté
à la flamme de la chandelle le souci s’en va l’instant s’éveille
à la flamme de la chandelle sale temps pour les mouches — à moi l’abeille !

ils ont vécu quelques moments tendres
et certains n’en finissaient plus
ya pas d’histoire secoue-toi c’est gagné !
mais un beau jour elle s’est lassée d’attendre
elle a pris la tangente et partit butiner
à la flamme de la chandelle le souci s’en va l’instant s’éveille
à la flamme de la chandelle sale temps pour les mouches — à moi l’abeille !

vingt ans plus tard toujours aussi fragile
le regard un peu plus perdu
ya pas d’histoire secoue-toi c’est gagné !
sans trop y croire elle revint le voir
elle est tombée par terre il n’avait pas changé
à la flamme de la chandelle le souci s’en va l’instant s’éveille
à la flamme de la chandelle sale temps pour les mouches — à moi l’abeille !

 
dans les campagnes où ceux de la ville
ont des maisons pour quelques jours
ya pas d’histoire secoue-toi c’est gagné !
on peut encore adorer le soleil
faire l’amour à la terre
se baigner
sous
la
pluie
 
 
 

Colombine

4 décembre 2001

 

il plane ici comme
un relent de pomme
que je connais bien
le vent de la brune
devance la lune
je la vois qui poind

le bruit des lumières
fait lever les pierres
où frisent les foins
le ciel en déroute
me prend sous sa voûte
et me jette au coin

au ciel du non-être
s’ouvre une fenêtre
comme un coup de poing
sur un champ d’étoiles
vibrantes cigales
qu’on entend de loin

on y voit des mondes
aux ondes profondes
qu’on saute à pieds joints
Pierrot j’hallucine
ici Colombine
fait tourner le joint

adieu crépuscule
la folie recule
sous les doigts coquins
au clair de la lune
chacun sa chacune
chacune à chacun 

 

Retrouvailles

21 mai 2013

 

va cri du cœur
vole au midi
il est 5 h
ce samedi

douceur de plume
au vent s’effrange
les champs qui fument
les gens qui changent

dans un blanc cri
l’oiseau se penche
sur ton envie
sur ton enfance

déjà dimanche
il est midi
en bord de Manche
en bord d’oubli

reviens veux-tu
ma délivrance
ta mort me tue
tout seul en France

je n’avais rien
vaille que vaille
j’étais Indien
passe muraille

amis humains
si vous saviez
secouer la main
du vieux Xavier

 

 

Baisers de ta bouche

19 mai 1999

 

aux cailloux sous ma fenêtre
crissant sous la canicule
aux oiseaux fous qui modulent
oui oui oui mieux que peut-être

aux compagnons d’avanie
qui seront nos pairs de gloire
aux délicat fumet des poires
et du Balkan Sobranie

aux souvenirs malhabiles
aux échappées souvent belles
aux retours de manivelle
aux tentacules des villes

aux marsouins circonstanciels
éclaboussant nos bécots
aux intangibles échos
d’une ordalie de plein ciel

aux cristallines sirènes
qui dévident la bobine
des fomenteurs de combines
aux trois sœurs toujours sereines

aux inénarrables scores
emportés par plus d’un maître
au seul héros qui puisse être
victime et vainqueur encore

à l’agate à l’or à l’ambre
à tes parures
aux merveilles semées d’ombre
aux indénombrables nombres
ma déchirure

osons conjuger nos corps septembre

 

 

Le Pays du Dedans

22 mai 1995

À l’enfant qui s’avance au Pays du Dedans
Je dédie ce chant
La douleur qui commence à la première dent
C’est déjà Dedans
Habitants de l’azur, invisibles amis,
Priez pour lui !
Soutenez ses efforts, illuminez ses nuits,
Ainsi soit-il !

 

Toi qui marches et qui pleures et qui saignes du cœur
N’aie donc pas peur
Chaque pas, chaque pleur, chaque jour de douleur
A l’odeur des fleurs
Tu verras des automnes et des hivers glorieux
Des étés radieux
Tu verras des printemps illuminant des cieux
Toujours plus bleus

Le soleil qui se lève aujourd’hui de l’orient
N’est qu’un enfant
Qui fit ses premiers pas dans le jardin des grands
Il y a cent mille ans
Je peux mourir demain, dans une heure ; à l’instant
Je suis vivant
La planète est petite mais le monde est si grand
Vu du dedans

 

À l’enfant qui s’avance au Pays du Dedans
Je dédie ce chant
La douleur qui commence à la première dent
C’est déjà Dedans
Habitants de l’azur, invisibles amis,
Priez pour lui !
Soutenez ses efforts, illuminez ses nuits,
Ainsi soit-il !

 

 

L’auteur

 

 

Xavier Séguin

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Xavier Séguin

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