Dix ans déjà

 

Il y a tout juste dix ans le 24 mai 2011 mon vieil ami et benefactor JeffJCl Flornoy a choisi de quitter ce monde. Je ne sais où il est allé, je ne sais s’il a réussi son passage de l’autre côté, je ne sais même pas ce qu’il souhaitait après cette vie. « Papy est mort comme un écureuil, sans dire un mot. » (source)un élève de CM2 sur le plateau corrézien Le maestro est parti ainsi…

Cycles de dix ans

Dix ans aux scouts ensemble, puis au groupe théâtral que dirigeait l’ami Devic. Vingt ans chacun de son côté. Retrouvailles stupéfaites : il a tellement changé. Tellement grandi. J’en demeure interdit. Dix années durant je fus son apprenti. Brouille. On ne se voit plus pendant dix ans. Peu avant son départ, retrouvailles amères, inachevées, larvées. On n’a échangé que du pré-digéré. Puis il est parti. 

Et nous voilà ce soir. Dix années écoulées depuis son départ. Cinq ans plus tard, son autre apprenti, mon meilleur ami J-Cl Devictor dit Devic, écrase sa voiture contre le seul platane du secteur, le long d’une route déserte, droite et sèche. Le guerrier est responsable de tout ce qui lui arrive, se plaisaient-ils à dire. Moi aussi. Ils ont choisi.

Mais pas moi. Je n’ai pas choisi de vivre sans eux tout seul. Le départ définitif est-il léger pour ceux qui partent ? Il ne l’est pas pour ceux qui restent. Sur les deux Jean-Claude, d’une façon différente, j’ai construit un bon bout de mon chemin de vie. Avec le souvenir des épopées d’enfance on a bâti dans le secret du cœur l’avenir de ce monde avant de le quitter. Cassé lassé harassé. Et je le porte en moi comme un oiseau blessé. De l’autre côté du fossé du passé, mes chers amis m’appellent. Doucement mon enfance me prend par la main, mon adolescence me tire entre deux règnes, ma jeunesse brûle et me consume, les héros que nous fûmes, cet éclat que nous eûmes, enfin ce chagrin que j’assume. Le bourdon qui m’assomme.

 

Le pire à venir

Les meilleurs s’en vont de bonne heure, entend-on. Moi qui suis toujours là, je vous plains. Vous allez devoir supporter le pire. Consolez-vous, jamais l’élève ne choisit son maître. C’est toujours le maître qui choisit son élève. Les choses se font sans s’en faire, comme elles se défont. À la rivière. Changer d’hier. Respirer à plein. N’oublier rien. Tout va très bien.

Changer d’hier. Quand hier était aujourd’hui, tu en as bien profité, pas vrai ? Quand hier était aujourd’hui, tu en as chié aussi, faut dire. Mais aujourd’hui n’est pas hier. Et pour pleurer, on verra ça demain. Demain est le moyen de rester dans l’instant. Mon instant. Je suis seul, sans projo sur la face. Ma scène est un écran. Je ne suis pas dedans mais devant. Vous aussi. Je peux vous voir d’ici. Et vous, vous me voyez ? Tapant sur mon clavier ?  Rien ne pourra dévier la peur que vous aviez : ça rime avec Xavier. Mais ça vous le saviez.

Le temps de l’apprentissage a glissé doucement vers celui de la maîtrise. Et les rouges-gorges sont venus. Ils picorent et pépient dans ma cour d’amour. Chaque année vient un nouveau couple, qui s’en ira bientôt conquérir un nouveau jardin. Mais des jardins comme le mien sont rares. Les oiseaux familiers le savent. Ils volettent, ils sautillent, ils font les joyeux drilles, bambins qui s’émoustillent au grand soleil qui brille. Certains, peu nombreux, seront apprentis. Deviendront compagnons. Et maîtres peut-être, si leur vie dure assez.

 

Le trio infernal

Quand j’ai retrouvé ce copain d’enfance, le timide Jean-Claude était mort. Jeff avait pris sa place. Nous avons passé plusieurs années ensemble, Devic, Jeff et moi ; le trio infernal de Rochefort. Autour de ce noyau dur tournait la roue magique. C’est Jeff, bien sûr, qui en était l’axe immobile. Tout prenait place autour de lui pour se mettre à tourner. Jeff modulait la vitesse et l’intensité. (écouter)

Quelles journées, quelles semaines ! La belle saison apportait son flot quotidien de visiteurs, tous attirés par l’aura du maître de céans. Le village privé connaissait alors une animation qui rejaillissait sur l’autre rive de la Mayenne, commune de Montflours, où un pirate repentià peine tenait auberge à l’enseigne de La Gargotte. C’en était une belle. Goualant, guinchant, pétunant. Les soirées enfumées se finissaient à point d’heure, quand les croissants chauds arrivaient de la boulangerie.

Ce temps a fui. L’émotion palpable qui se dégageait du domaine est impossible à comprendre aujourd’hui. La magie de ce coin de France a disparu derrière les barbelés. Le lieu existe encore, sous cloche. Les points vibrants sont devenus inaccessibles par décision préfectorale. Le moulin qui servait d’hôtel enjambait alors la rivière. Il a été rasé. La dernière sweatlodge s’effrange et se meurt au pied du Rocher Bleu. Le camping de l’étang, au bord de la rivière, n’est qu’un magma de ronces et de boue. Le paradis des vieux babas n’est plus que celui des ragondins. Mon passé n’est plus, oublié par ceux qui l’ont vécu. Ceux qui s’en souvenaient sont morts. Et moi je rêve encore.

Quoique jeune sur la terre
Je suis déjà solitaire
Parmi ceux de ma saison
Et quand je dis en moi-même
Où sont ceux que ton cœur aime ?
Je regarde le gazon.

(écouter)

 

 

Fermons les persiennes sur cette peine qui est mienne. Comptez sur le conteur. Les sanglots n’ont rien d’enchanteur. Simplement en passant que je suis qu’ils étaient rendre hommage à mes amis de cœur et d’esprit en vous orientant vers les articles où ils apparaissent.

 

Jeff

Benefactor

Premier chapitre : Le Rocher Bleu  –  Chapitre 2 : Leçon de tarot  –  Chapitre 3 : Chez les Fées  –  Chapitre 4 : Le rituel de Féline  –  Chapitre 5 : Le troisième cercle  –  Chapitre 6 : La Belle ArrivéeChapitre 7 : L’autre côté du MiroirChapitre 8 : Le Tombeau et la JouvenceChapitre 9 : Envol sans retourChapitre 10 : Le chêne de l’éveilChapitre 11 : Solstice d’étéChapitre 12 : La fée gardienneChapitre 13 : La route du selChapitre 14 : Au jardin d’énergie

Le Nagual m’a dit

La transe de la chenilleLa grève des cathédralesEnchanteurL’océan bleu des mondes possiblesFusion confusionLa chevalerie céleste – Louise Labé l’éveillée

Autres citations

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Devic

In Memoriam Devic

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On a tort de dire que l’argent n’a pas d’odeur. Il sent toujours la merde.
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