Mon corps est une machine. Il dépend du mécano qu’elle soit huilée, graissée, nettoyée, vérifiée, réparée… Il dépend du pilote qu’elle soit convenablement utilisée. Je suis le mécano, enfin j’essaye. Il y a deux autres entités en moi, mon corps que je crois connaître et son mystérieux pilote dont je ne sais rien. Si ce n’est moi, qui est-il ? Que me veut-il ? Là est la question.

 

Je suis habité

Je ne suis pas seul dans mon corps. Quelqu’un ou quelque chose intervient malgré moi pour changer mon parcours. Et je laisse faire, car je sais que c’est pour mon bien. Après ce que j’ai raconté sur les archontes et sur Marduk, mon ennemi intime, je ne manque pas de culot. Ce pilote, c’est Marduk. Facile! Eh bien non. Pas forcément.

J’ai lu il y a quelques années que nous sommes dirigés par des aliens qui agissent en fait pour notre bien. La thèse m’a séduit, je l’ai presque adoptée. Depuis lors, j’ai analysé finement les interventions intérieures qui ne venaient pas de moi. Et le résultat m’a estomaqué, comme vous allez le voir.

L’autre jour j’ai eu une fièvre express. Ça m’a d’abord contrarié, moi qui pourtant ne risque rien. Mais en pleine pandémie, bercé par le chant des sirènes alarmistes, toute poussée de fièvre est aussitôt suspecte. Mais non, que tchi ! Beaucoup de bruit pour rien. Je n’ai pas appelé les urgences ni couru chez mon toubib, d’ailleurs je n’en ai pas. Un guérisseur n’est jamais malade. Sinon ça craint question guérison.

Chaque fois que mon taux vibratoire augmente, je me paye une crise comme ça. Plus la marche est haute, plus la crise est violente. Ça me prend dans la journée. Tremblements, sensation fébrile, étrangeté du monde, dépaysement dans mon propre corps que je ne reconnais plus pour mien. Pas de fièvre pourtant. Juste ces symptômes avant-coureurs. Je suis rôdé. J’accepte.

 

Carabinée

Mais plus récemment, je me suis payé une crève carabinée. Rhinite, toux, symptômes de bronchite, ça pourrait même être un covid, et ça dure, et ça n’en finit pas. Surprise, je n’ai pas fait de cirque pareil depuis 20 ans. Qu’est-ce que je dis? Trente? Quarante? Cette fois ce n’est pas juste une alerte, mais une vraie maladie. J’imagine que pendant ce temps-là mon guérisseur intérieur est en vacances. Si ça se trouve, finies les guérisons. Je suis redevenu un gus normal, malade l’hiver, souffreteux vu son grand âge, quinteux, mouchant, même pas touchant.

Et au milieu de cette vilaine maladie mortelle, je me chope un énième AVC — Archontes Veuillez Crever. Un truc bien flippant, tous mes neurones débranchent d’un seul leurs synapses et après un vide angoissant, terriblement flippant, ça redémarre n’importe comment. On dirait que les neurones se sont rebranchés n’importe comment. En tout cas pas comme avant, c’est certain. J’en mettrais mon pain à couper, comme dit Karadoc.Merci Astier!

Flottement qui peut durer quelques minutes ou quelques jours, je suis tellement paumé dans la vie ordinaire que je n’ai aucun moyen d’évaluer la durée de ces interruptions complètes de l’image et du son. Comme si on m’avait coupé le wifi. Bref, la crève à mourir, l’AVC, le super flottement, tout ça chamboule même un sorcier, et panique presque un guérisseur.

Je me doute bien qu’il ne faut pas tirer de conclusion avant la fin du cirque. Après l’exploit sans précédent que je viens d’accomplir, je me suis libéré un tsunami d’énergie, ça grille mes vieux circuits, faut le temps que je digère. Et je me répète cette comptine qui est le leitmotiv approprié: « Tu comprendras quand tu seras grand. » On n’est jamais grand dans cette vie-ci. On vieillit avant.

 

 

Ce coup-ci

J’en étais là, à me demander pour quelle excellente raison j’étais tombé malade, quand je débusque cette belle phrase de Jim dans son roman graphique Détox: « La maladie entre quand tu n’es pas dans ton corps. Quand tu visites trop le passé ou le futur. » Pas tombé dans l’oreille d’un sourd! Sauf que moi, pour visiter le passé comme le futur, je ne sors pas de mon corps. Je le trimballe toujours avec moi. Sous sa forme astrale, bien entendu, mais c’est la partie qui empêche les maladies. Cherche encore, Xavier.

Là-dessus je reviens à mes symptômes sans maladie déclarée. Je suis spécialiste. Un soir je me dis « ce coup-ci, je suis bon. C’est pour moi. » Le lendemain au réveil il y a plus rien. Il y a toujours une bonne raison énergétique derrière ces faux problèmes de santé.  Un événement déclencheur. Cette fois-là, ç’avait été la dernière édition des Rencontres d’Erquy, il y a trois ans déjà.

Il faut dire que mon taux vibratoire avait grave augmenté après les dernières Rencontres. Chaque fois la même chose. Le vivant me lâche une bonne dose d’énergie divine. Dieu que c’est bon ! Aucune plaisir terrestre ne s’en approche.

Quand même, cette étrange maladie -qui n’en est pas une- m’avait déstabilisé. Mais puisque ça s’était passé sans bobo, je n’y pensais plus. Sur ces entrefaites, je reçois deux visiteurs pour la 9ème édition des Rencontres, qui sera sans doute la dernière. L’un des deux Rencontrés m’interroge sur le tarot initiatique et plus précisément sur la vision de mon benefactor Jean-Claude Flornoy, qui fut certainement un des tout premiers spécialistes du Tarot de Marseille. Et qui le restera longtemps, pour autant que ses amis se souviennent de lui.

 

L’apothéose du tarot de Flornoy

Avec la patience et la méticulosité des maîtres cartiers d’autrefois, Flornoy est entré en tarot comme on entre en religion. Des années durant, il en a scruté les origines, examiné la structure, reproduit fidèlement les jeux les plus initiatiques, ceux de Nicolas Conver, Jacques de Viéville ou Jean Dodal, mon préféré. Flornoy a surtout découvert la signification intime des arcanes, qui constitue la carte au trésor ultime, le trésor de l’or intérieur. Il a aussi établi comment il convient d’effectuer un tirage, avec le tirage en croix d’Hyperborée.

Du coup j’ai ressorti un classique, le livre de Flornoy sur le tarot.Jean-Claude Flornoy, Le pèlerinage des bateleurs, éditions letarot.com 2007. Pour l’édification de mon visiteur, nous avons étudié quelques pages. Ça m’a remis en marche, j’ai senti toutes mes connexions subtiles se rétablir, j’étais redevenu le disciple de Flornoy, je pensais comme lui, je sentais comme lui, et je suis tombé -comme par hasard qui n’existe pas – sur un passage qui m’a cloué le tru. L’inconscient! Flornoy n’avait qu’un seul nom pour ce maître intérieur. J’ai trouvé ça plutôt rafraîchissant.

 

Silver Screen

Oui, rafraîchissant. Un voyage express, aller-retour, au doux paradis de mes trente ans. J’étais junguien, j’idolâtrais Nietzsche, je révérais Bergson, Apollinaire, Baudelaire, Ferré, Dylan. Je kiffais Reed et Bowie, je rêvais de la Factory, sa faune déglingue et son maître de cérémonie Andy Ecran d’Argent Warhol. Je croyais encore à la psychanalyse et à son inconscient dévorant. Maintenant que tchi. C’est le conscient, le mental, le fruit du cerveau logique que je juge aujourd’hui le plus vorace.

 

 

Le corps cet allié

L’inconscient, c’est mon corps. Je gagne sur lui et ses mystères un tout petit peu tous les jours. Le corps est mon allié, il sait des choses qu’on n’apprend pas à l’école. Ceux qui connaissent leur corps ne sont pas allés à l’école. Ou s’ils y sont allés, c’est contraints et forcés. Dès que l’occasion s’est présentée, ils ont filé au grand air faire quelque chose d’utile.

Moi aussi j’ai filé hors de l’école du tarot. J’ai quitté mon ami. Mon benefactor, même mort, m’a retenu trop longtemps. Il a lâché ma laisse, je peux marcher sans béquilles. J’ai grandi. Grâce à lui, qui fut aussi utile en me montrant la Voie qu’en lui tournant le dos. Maintenant je marche seul. Dans les rues, plus personne.

Le tarot était son allié. Il a rejoint ses autres alliés dans le piège infernal du Val sans retour en Brocéliande. Certains s’en souviendront sans doute, mais j’estime qu’il faut passer à autre chose. J’écris ces lignes en 2023, Flornoy nous a quitté il y a longtemps déjà. Il avait conçu sa méthode tarologique il y a plus longtemps encore, voici près d’un demi siècle. Au train où vont les choses et au rythme des éruptions solaires, le taux vibratoire de la planète est radicalement différent de ce qu’il a pu être il y a quarante ans.

 

50,1 %

En relisant le bouquin de Flornoy donc, je tombe sur ce texte qui décrit le passage de l’ombre à la lumière. Le moment où l’impétrant, exténué et exaucé, atteint enfin le seuil de l’éveil, cet instant où la conscience claire devient dominante, à cinquante pour cent et un dixième, précise-t-il.

L’inconscient agissait jusqu’alors en pilotage automatique et réparait de lui-même les erreurs du conscient. Il n’a plus ce rôle à jouer. Voilà qu’il devient un allié, pas toujours bien compris, mais fiable. Une confiance totale s’instaure entre l’inconscient aux agissements imprévisibles et le conscient, qui accepte enfin ce nouveau collaborateur jusqu’alors vécu comme une gêne. Cette confiance transforme le quotidien et donne une sécurité inconnue, une sérénité nouvelle dans les agissements, y compris les plus étonnants, les plus douteux ou aléatoires d’entre eux. (source)J-Cl Flornoy, Le pélerinage des bateleurs

Cinglé je suis ! Merci pour cette confondante description qui traduit exactement ce que je vis depuis dix ans. Cet inconnu dans ma maison, ce pantin dans ma raison, ce pilote de ma saison n’est pas un extra-terrestre ni un terrestre extra, c’est MOI ! Mon double qui s’exprime enfin, portait autrefois le nom incompris d’inconscient. La belle équation !

 

 

Double ou dieu?

Vous savez à quel point j’adore réduire plusieurs dieux mythologiques à une seule personne, ou plusieurs événements à un seul fait originel, ou plusieurs étiquettes à un seul flacon. Eh bien il me semble aujourd’hui que le double et l’inconscient ne sont deux noms pour une même parole, celle qui me parle, celle de mon double qui me conduit. Ce double que j’ai précédemment identifié au dieu intérieur ne fait qu’un avec l’inconscient des psychanalystes.

Je n’y avais pas songé. Merci à toi, Jean-Claude Flornoy, de remettre sur le tapis les notions empruntées à la psychanalyse, une pratique qui me débecte et me hérisse, mais qui existe encore et racole toujours quelques adeptes. Tonton Freud est un triste sire, mais j’avoue une faiblesse pour le géant Jung.

Ce qui donne l’équation : DOUBLE = MOI SUPÉRIEUR = DIEU INTÉRIEUR = INCONSCIENT = CORPS. Pour moi, ça envoie du bois. Cette réduction bien mitonnée à feu doux bouleverse déjà le paysage intérieur. Les implications sont nombreuses, certaines décoiffent. Aaaah, ça fait du bien ! On en reparlera.

Ou alors le double est le dieu, et le dieu est Marduk. Ou Mammon. Ou un autre archonte du même tonneau. Mais quelque chose me retient. Comme un vieux doute. Rien n’est simple, et les archontes sont foutrement compliqués. Tout se mélange, les extrêmes se confondent, les doubles s’emmêlent. Et le cerveau s’en mêle.

 

 Court-circuit

Nos connaissances générales sont pleines de doublons, d’erreurs de classement, de phénomènes identiques jugés différents, de manifestations sujettes à interprétations contradictoires, et de flacons identiques aux étiquettes variables. Voilà pourquoi j’ai entrepris voici douze ans le nettoyage systématique de ces élucubrations mentales. Leur masse m’accable. Vampires de l’intellect, elles fonctionnent surtout comme des handicaps. Ce sont des pancartes vaines qui masquent le paysage intérieur. Leur multiplication génère un brouillard d’incompréhension tout à fait dissuasif.

 

 

Ici, nous avons l’analyse psychanalytique qui recoupe exactement le vécu de l’éveillé. Court-circuit. Fusion confusion du double et de l’inconscient. Avec un avantage au double. Les deux domaines décrivent les mêmes faits, mais la psychanalyse en tire des conclusions tronquées. L’inconscient psychanalytique ignore largement la lumière intérieure, la puissance irrésistible du double.

La raison en est simple : à part l’immense Carl Gustav Jung, quel autre père fondateur de la psychanalyse a connu l’éveil ? Sigmund Freud ? Oh que non ! Wilhelm Reich ? Allumé, c’est sûr ; éveillé, qui sait ? Alfred Adler ? Qui peut le croire ? S’il a pu leur arriver d’analyser des individus éveillés, s’en sont-ils seulement rendu compte ? Se pose la question.

 

Mourir en mourant

Il faut donc recourir à la philosophie pratique pour dépasser l’apparent antagonisme des deux visions précitées. L’enjeu de l’éveil, je le rappelle, n’est pas moins que l’unification des trois composantes de l’être, le corps, le cœur et l’esprit. Inévitable, cette fusion s’annonce. Pour le guerrier égaré, hors du monde, va-t-elle changer la donne ?

Retour à l’exposé de Jean-Claude Flornoy. Il n’est plus possible de continuer comme avant, car la vision intérieure est là qui dirige l’être en processus d’unification. Tous les métaux dont il était composé se sont fondus et confondus pour former un alliage neuf.

Aller au-delà de la mort, remonter le fil de cette vie et la totalité de ses vies passées puis plonger dans la lumière blanche, anéantit la peur de la mort. Ce n’est pas une accoutumance, comme celle d’un vieillard qui accepte l’idée qu’il va mourir, ce n’est pas non plus savoir que l’on va mourir. C’est la certitude que la conscience unifiée, a le pouvoir d’échapper à la dissolution dans cette lumière blanche, source et origine de tout. La certitude d’y conserver un je, individué, malgré la grande lessive qu’est la mort. Elle nous laissera passer vers d’autres mondes. (source)J-Cl Flornoy, Le pélerinage des bateleurs

On voit combien cette expérience vécue a été influencée, du moins dans le récit qu’il en fait, par ses lectures et sa pratique de Castaneda. En bon nagual, Flornoy croit comme Don Matus qu’on peut échapper à l’Aigle sous certaines conditions. C’est ainsi qu’il interprète la fière devise des Chevaliers Teutoniques : « Si tu ne meurs pas de ton vivant, tu mourras en mourant. » Je la cite au moins pour la vingtième fois, je la citerai encore. Elle est maîtresse, comme on dit de la poutre qui maintient la toiture.

 

Au moment de sa mort

Mais y a-t-il une autre vie, plus juste et plus vraie, après la mort du corps? Je crois bien. Mais peut-on en être certain? Non, puisque très peu de morts sont revenus pour en parler. Flornoy l’a fait. Il m’est apparu sous l’apparence d’un corbeau au moment précis de sa mort. Mon fils l’a vu aussi. Le corbeau n’a rien dit. Il nous a fixé, puis s’est envolé. Depuis, rien.

 

 

Devic est venu me voir plusieurs fois juste après sa mort. Dix jours plus tard, fini. Ma mère m’est apparue quelques temps après sa mort. Elle traversait la rue devant ma voiture. Une amie près de moi l’a vue aussi. Maman m’a lancé un long regard. Ses yeux étaient vides. Voilà tout ce que je peux dire là-dessus. Si l’on peut connaître une autre vie après le passage de vie à trépas, il semble que le monde des morts ne communique pas beaucoup avec celui des vivants. Surtout au bout d’un certain temps… À part quelques rares exceptions, qui mériteraient d’ailleurs une analyse plus approfondie.

La seule chose dont je sois sûr et certain, c’est l’existence d’un brouillage mental que les anciens ont appelé le voile d’Isis. La compréhension de notre véritable nature, de nos origines divines et du sens final de l’incarnation est quasi impossible tant les messages originels ont été pollués. Plus personne n’y comprend rien. Ce qui est, hélas, une des tristes caractéristiques du kali yuga, ce terrible âge de fer qui n’en finit pas de finir.

La mort est de l’autre côté, comme les deux faces d’une même médaille? Pile ou face? Ton double te parlera, ton inconscient s’ouvrira, tes secrets lointains se confieront à toi, tu seras un autre qui te ressemble comme un frère. Il était temps. Tu touches à ta vérité ultime. De toute éternité tu t’es donné ce rendez-vous avec toi-même. Les temps sont venus. Réjouis-toi.

Tu es enfin devenu celui que tu es.

Il est l’heure de jubiler.

Hubert Reeves

 

Nez au vent

Si je ne suis pas archonté à cœur, s’il y a en moi de la place pour d’autres que ces crapules, qui tient la barre? Certainement pas moi, j’en suis bien incapable.

J’ai longtemps cru que le pilote de mon corps et de ma vie était Flornoy. Mort ou vif, conscient ou non, je le sentais battre dans mes veines. Il était engrammé dans mes fibres lumineuses. Tant que ses leçons n’ont pas été totalement digérées et mises en pratique, j’ai gardé une dette d’honneur et toute ma reconnaissance envers celui qui m’a ouvert les portes de l’ailleurs. Si ce n’est pas lui, c’est Marduk.

Je ne veux pas continuer dans cette voie. Inutile de promouvoir une si piètre habitude. Il ne manquerait plus que mes suiveurs, si j’en ai, viennent déposer un bouquet sur ma tombe, religieusement, pieusement — pensant m’honorer, moi qui hait les religions et leur intolérance.

Si tu veux me suivre, tiens compte de ce contre-exemple. Libère-toi des chaînes que ma seule présence impose. Sois vraiment toi, sans modèle ni saint patron, sans carte ni GPS. Nez au vent dorénavant.

C’est la vérité qui libère, et non les efforts qu’on fait pour être libre.

Jiddu Krishnamurti

 

 

 

Xavier Séguin

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