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L’effet Mad Max

Les premières civilisations connues sont loin d’être primitives. Au contraire, elles ont en commun un degré de développement artistique, scientifique et technologique qui laisse songeur.

Ces civilisations spontanées surgissent sans trace d’évolution antérieure, comme si elles avaient atteint d’un seul coup un degré de technicité très élevé. De quelles antiques civilisations étaient-elles les héritières ? Peu de scientifiques osent répondre à cette question, qui les défrise. Il n’y a pas eu de civilisations développées au néolithique, récitent-ils en se signant d’une main tremblante. Un tel blasphème les terrifie ou les met en rage, selon qu’ils sont dominés ou dominants dans la meute. 

Bon. Mais il y a un autre fait troublant : plus les civilisations sont anciennes, plus leur degré de raffinement et de technicité est élevé. Alors quoi ? Faut-il supposer que des visiteurs de l’espace les aient créées de toutes pièces ? Le chœur des scientifiques, horrifié, nous jette de l’eau bénite. 

Va-t-on enfin admettre que la très haute antiquité a connu un paquet de civilisations hyper-développées ? Va-t-on enfin piger que les déluges successifs, ou autres catastrophes pires encore, ont réduit à rien toutes ces gloires ? Ce qui pourrait bien nous arriver un de ces quatre. Pourquoi pas ?

Tu verras bien qu’un beau matin fatigué J’irais m’asseoir sur le trottoir d’à côté Et tu verras qu’il n’y aura pas que moi Assis par terre comme ça.

Alain Souchon
 

Il suffit de peu de temps pour transformer un civilisé en sauvage. Appelons ça l’effet Mad Max. Hier vautré devant la télé dans un sofa douillet ; aujourd’hui à poil dans la luzerne en lutte pour la survie. Et d’après les Anciens, c’est arrivé plus d’une fois.

Le déluge, tenez : c’est un maëlstrom de feu, d’eau et de poussière qui a plongé la planète dans un terrible hiver nucléaire pendant près de cent mille ans. Les survivants, les Mad Max du néolithique, ont laissé leur tablette et leur écran plat pour se convertir fissa au camping sauvage.

Vu d’ici, on dirait qu’ils sortent tout juste du statut bestial, mais pas du tout. Pure illusion d’optique ! Ils viennent d’un monde policé, brillant, trop sans doute ; un monde d’orgueil que son orgueil a tué. Ils viennent d’un empire planétaire dont l’ancienneté se mesurait en dizaines de millénaires… sinon bien davantage. La Chine peut toujours la ramener avec ses 5000 ans d’histoire ! 

La civilisation des pyramides aurait duré plus de 120.000 ans, selon Childress, Mouny et Slosman. Et l’Ecclésiaste dit que ça s’est déjà produit bien des fois. Au vent en emporte le  temps.

Les nouveaux venus se croient les premiers, victimes de la loi d’oubli. Les astrophysiciens pensent que le Big Bang est un mur au-delà duquel on ne peut rien découvrir, car son effroyable chaleur a détruit les traces antérieures : « Les archives ont brûlé » explique Hubert Reeves. Le déluge est le Big Bang de l’Histoire des civilisations.

Car il forme un écran très opaque aux yeux des historiens. C’est pourquoi, malgré l’étendue des connaissances dont on se pique, on ne sait rien du tout des géants d’autrefois. 

La munificence et l’élévation des civilisations prédiluviennes ont de quoi surprendre. Leurs travaux ramènent la Grande Muraille de Chine à l’échelle d’un jouet d’enfant. Ils nous surclassent de très loin. Et pourtant, nos élites de crotte continuent à se redresser comme des poux sur une pelle chaude. Sombre dimanche.

Nains que nous sommes sur les épaules de géants. Auprès d’eux, nous faisons si piètre figure que c’en est pitié. Pourquoi décrire leur stature, qui mesure notre infirmité ? Parfois, l’un de nous rêve qu’il rencontre l’un d’eux. Nous sommes peut-être des millions à avoir fait ce rêve – sans parler des faux gourous qui confondent le rêve et l’envie d’avoir le rêve. Pour tous les autres, honnêtes rêveurs d’oreiller, la rencontre du troisième type commence toujours pareil. Une silhouette se matérialise, très lumineuse, aérienne. 

On dirait qu’elle flotte dans une brume de chaleur ; d’abord un sourire sans visage comme celui du chat du Cheshire. Dans un halo bleu, ses traits se précisent, toujours les mêmes.

Le dieu d’avant paraît, son nom est Ellil : « Ah bravo, dit Ellil, toutes vos inventions, vos bagnoles, vos avions, c’est super, vraiment. On a joué à ça, aussi.  On avait un seul engin qui faisait bagnole, avion, fusée, bateau et sous-marin. Vos ordinateurs, vos écrans plats, c’est très cool. Nous, on avait des crânes de cristal et des miroirs d’obsidienne, c’est la même chose. »

Ellil, le dieu d’avant, continue sa tirade : « Et pourtant, à nos yeux, vous êtes très surprenant. Vous ignorez tout des pouvoirs de l’esprit. Nous, c’est le contraire. L’esprit était notre principal sujet d’étude, et développer ses pouvoirs immenses était notre principale activité.

Vous croyez que l’esprit humain se limite au mental. Quelle drôle d’idée ! Avec le mental, vous avez fait de grandes choses ; mais sans le mental, vous auriez fait bien davantage. » Puis le silence. Un crépitement ténu, fuligineux. 

Ellil s’éteint doucement, comme une bougie quand la flamme danse et grésille. Les pouvoirs de l’esprit ! Elle-il a raison. Comment avons-nous pu faire l’impasse là-dessus ? Comment avons-nous pu oublier à ce point qui nous sommes ? Et d’où nous venons ?

Quand on pense à la somme d’énergie, de travail et d’inventions que notre civilisation a investi dans la matière, ça fout le bourdon. Les mâchoires de la raison se sont refermées sur nous comme un piège mortel. La faute à Descartes, Kant et Darwin. Animaux raisonnables ! Bonjour la décadence ! Nous étions des dieux ivres.

La raison n’est pas une mauvaise chose, c’est juste un cul-de-sac. L’Esprit vaut mille fois mieux qu’elle. Comme la jeune fée à qui l’on donne sa première baguette magique et qui s’en servirait pour tirer des traits. Aucune vie n’est en vain.

Tant de dévouement, de sacrifices, d’efforts et de souffrance pour en arriver là : un monde égoïste et froid, où une énorme sous-population affamée et malade distrait les riches à la téloche et leur rapporte des dividendes.

Ellil doit se dire qu’une bonne fin du monde, ça nous ferait les pieds. Heureusement? ça ne dépend pas de lui.Elle ? La fin du monde, on va se la faire tout seuls. 

« Si seulement vous saviez combien de fois la fin du monde nous a frôlés »… En réalité, on est tous morts. On croit vivre, faire ses petites affaires, bouffer, baiser, je t’en fous. C’est tout dans la tête.

En vrai, on est couché dans des tiroirs, on roupille, pendant que les « dieux d’avant » nous bouffent la tête. Haha ! Comme dans Matrix. On se réveille, on comprend tout, on se retrousse les manches. Si ça se trouve…

Peut-être que les Olympiens sont encore parmi nous ? Comme les Templiers ?? Ou comme Hitler ?????

Xavier Séguin

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Xavier Séguin

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