Mon nom est Homère l’aède. Vous me prenez pour un grand poète, mais je ne suis qu’un chansonnier de rue. Mon rôle est de faire rire et je dois à la vérité de dire que je ne suis pas l’auteur de l’Odyssée. Ni celui de l’Iliade, d’ailleurs. Ces contes sont l’un et l’autre des adaptations, des pastiches. J’ai imité un glorieux modèle, bien connu de mon temps, mais oublié du vôtre.

Certains pourront me faire grief de m’en être attribué la paternité. Je n’ai rien fait de tel. Les œuvres que j’ai signées sont bel et bien miennes. A l’époque, tout le monde connaissait la version originale, qui s’est perdue par la suite. Et vous autres, malheureux ignorants, vous avez pris le pastiche pour l’original et vous tenez Homère pour un grand poète. Mort de rire ! Je n’étais qu’un chansonnier, un fou du roi, et je battais la campagne avec ma lyre en quête de public.

A l’époque, j’étais surtout célèbre pour mon appétit et mes hôtes y regardaient à deux fois avant de m’inviter à leur table. Certes j’étais aveugle, mais je savais bien comment ils éloignaient les plats quand je m’approchais. « Homère, braillaient-ils, chante-nous ton Odyssée, celle du prince d’Ithaque qui nous fait tellement rire ! »  Les aventures de ce bouffon d’Ulysse, je les avais décalquées d’un célèbre modèle, pas drôle du tout celui-là, que même les enfants connaissaient par cœur. Pas drôle, la sanglante Odyssée de Ram le Bélier, car elle fut mortelle pour beaucoup.  A la tête de son armada terrible, dévastant et brûlant tout sur son passage, il commandait la flotte de guerre des Peuples de la Mer

Si Ram a vécu la véritable Odyssée, pour les armées qu’il battit sur sa route, ce furent autant d’effroyables Illiades. Ram était un redoutable chef de guerre, d’une force sans pareille grâce à sa très grande taille. Car les Peuples de la Mer étaient une armée de géants.

 

 

Outre leur grande force, ils disposaient d’armes destructrices, et leurs troupes avançaient dans la lueur des éclairs et les fracas de la foudre. Pour tous les peuples de la Méditerranée, Ram le Bélier atlante, semeur de mort et de désolation, a ouvert les portes de l’enfer. Dans certains pays, il a séjourné plus longtemps, et son occupation militaire fut certainement pire encore que la conquête. Les Hébreux en ont particulièrement souffert, si bien qu’ils ont repris cet affreux épisode dans leur livre sacré, pour lui retirer un peu de sa charge dramatique.

Ils ont changé un peu l’histoire, Ram est devenu prophète, ils en ont fait un juif comme eux. Ils l’ont appelé Moïse. Son Odyssée dans les sables du Golan n’est pas très crédible : quarante ans pour franchir trois cents kilomètres ! Ce Moïse était un sacré lambin. Oublions-le. Rama-la-mort, tous mes contemporains s’en souviennent. Tous les peuples en ont fait des pastiches, pour le rendre plus humain, moins diabolique. L’Empire de Rama fédéra tant de peuples ! Heureusement, il l’a fondé plus loin. Ce damné Bélier a bien failli nous annexer. Sans la ruse de nos chefs, et la beauté de la fille de Priam, la blonde Sita,et pas Hélène ! nous étions faits. Vainqueur par les armes, il succomba aux charmes de la belle Hellene. Oui, avec deux l, ce qui veut dire la Grecque.

J’ai tourné l’épisode de façon drôlatique : les Grecs parviennent à tirer la belle Hellene des griffes de Ram, dont je fais un assiégé. Soulagement dans l’assistance, ça rigole trop fort à chaque fois. Catharsis de l’audience, nettoyage d’un vieil engramme, voilà le rôle du chansonnier ambulant, voilà le sacerdoce de l’aède ! Les Gaëls ont repris cet épisode qu’ils attribuent à leur héros Cuchùlainn. Tandis que le géant assiégeait le Château des Péchés pour le détruire, il fut séduit par une belle blonde nue, ce qui le détourna de son désir de destruction. Et la ville assiégée fut sauvée par l’amour.

C’est ce qui est arrivé à nos ancêtres, grâce à Sita fille de Priam, que j’ai nommée Hélène dans mon pastiche, pour bien rappeler qu’elle était grecque et que c’est la Grèce qui a vous a tous débarrassés de Ram le fléau.

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Oyez, amis, oyez la suite de l’odyssée de Rama contée par son pasticheur, Homère l’aède grec, telle qu’il a bien voulu me la confier dans un salon privé des annales akashiques. Homère évoque deux des frères héritiers d’Atlantide, Ram qui fut Ra puis Rama, empereur d’Eurasie, et Setanta qui fut Cuchulainn puis Kukulkan empereur d’Amérique centrale. Pour des raisons qui lui appartiennent, l’illustre chansonnier grec omet le troisième frère, Enki, qui devint Tiki Viracocha empereur des Andes. Ils étaient tous les trois des enfants d’Hyperborée.

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Setanta et Ram étaient frères, deux des princes héritiers de la nouvelle Atlantide aussi nommée Terre du Milieu, qui, après l’engloutissement de la première, s’était établie sur les basses terres d’Europe du nord-ouest, des terres riches et grasses qui forment aujourd’hui le plateau sous-marin de Dogger Bank.

La deuxième Atlantide fut vraiment le chaînon manquant entre la civilisation des géants prédiluviens, la fameuse Civilisation des Pyramides, et notre civilisation de lilliputiens, l’âge de fer.

Setanta se battit contre les envahisseurs, chassés de leurs terres par la montée des eaux. Il devint Cuchulainn le dogue d’Ulster. Et puis il dût de replier sur Dogger Bank, qui fut à son tour engloutie par la mer. Cuchulainn le Dogue et son frère Ram le Bélier se sont alors partagés le monde : le Dogue partit vers l’ouest et s’établit au Mexique où il fonda un empire sous le nom de Kukulkan ou Quetzalcoatl. Le Bélier, lui, parti vers l’est. Il sema la désolation en Espagne en détruisant la première Tartessos.

Il soumit ensuite les Lybiens, les Carthaginois, les Maltais, les Chypriotes et les Egyptiens. Mais il épargna la Grèce grâce à la belle Hélène. Il partit avec elle et ses troupes pour envahir les Mèdes et les Perses. Dans l’Odyssée, Ulysse s’attarde souvent aux escales, victime d’un sortilège de magie ou d’amour. Cette fine allusion fit beaucoup rire mes contemporains, tout comme l’affaire du cyclope. En Grèce, on racontait que l’amour de la belle Sita avait rendu Ram aveugle. J’ai inversé les rôles en faisant du petit Ulysse le vainqueur d’un géant.

Les Hébreux ont fait de même en faisant du petit David le vainqueur d’un géant philistin : David, neveu de Moïse, était un géant comme leur modèle à tous les deux, le grand Rama. L’odyssée du Bélier ne s’arrêta pas en Perse. Il soumit bien d’autres peuples et fonda un empire de gloire et de magie dans l’Inde actuelle. Le plus ancien roman connu, Gilgamesh, géant mésopotamien, est lui aussi une adaptation plaisante de l’Odyssée de Ram. Le géant part dans une longue errance à la mort de son ami Enkiddu.

Dans ce personnage d’Enkiddu, il est aisé de reconnaître Setanta-Cuchulainn, le propre frère de Ram. Gilgamesh se met en quête de l’immortalité. Il poursuivra sa quête jusqu’au monde souterrain où vivent les dieux. C’est ce que fit Rama en fondant son lointain empire où il devint dieu lui-même. Il y gagna l’immortalité puisque vous l’honorez encore en chantant ses louanges « Hare Rama ». Arrêt Rama ?

Tous ont essayé d’arrêter Rama, seuls nos ancêtres Athéniens y sont parvenus, le sage Platon vous l’a rappelé fort à propos. En effet, quand Rama, à la tête des Peuples de la Mer, conquit sans résistance tout le bassin méditerranéen, les seuls à s’être vaillamment battus au point de défaire le grand roi furent… les Athéniens, précisément.

Quant à moi, je me suis contenté de faire évoluer Ulysse en Méditerranée, pour le plus grand plaisir de mon public. Il faut bien vivre. Tous les lieux et les scènes que j’ai décrit sont des allusions transparentes à des faits politiques ou à des événements publics de mon temps. C’est le boulot de l’aède, faire rire avec du connu qu’on déguise. Je n’ai rien fait d’autre, et si je reçois de votre part de telles louanges quinze siècles après ma mort, je me dis que cet hommage est un peu mérité tout de même…

Puisque vous avez tout oublié de l’Odyssée de Rama, puisque vous n’avez jamais été traumatisé par le Bélier furieux, la seule Odyssée que vous connaissez est la mienne, celle d’Ulysse. Elle est beaucoup plus légère que la version originale. Elle vous a tellement plu que vos auteurs en ont fait de nombreuses versions, jusqu’à ce dessin animé, Ulysse 31, qui s’appelle ainsi car c’est la 31e version de mon Odyssée. Sauf omission. Et depuis Ulysse 31, d’autres remakes ont vu le jour, nombreux, dans toutes les langues. N’empêche, c’est rare qu’un pastiche éclipse à ce point l’œuvre originale.      

pcc : Homère l’aède

Homère méritait d’être chassé des concours à coups de bâtons,  et Archiloque aussi. 

Héraclite

 

Xavier Séguin

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Xavier Séguin

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