Tristesse sans cause

 

La tristesse sans cause survient quand le guerrier s’est connu et qu’il a régné sur le tout. Quand il a dit adieu à l’illusion où dorment les humains. Ces millions de gens envoûtés, bercés de sornettes, transformés en zombis. Adieu monde virtuel, adieu vie poubelle, la matière n’est rien, l’esprit tout-puissant plane sur les hauteurs inaccessibles où le guerrier vivra désormais. Sa solitude absolue est son dernier boulet. Son nom ? Liberté.

Ce que nous appelons matière est de l’énergie dont la vibration est si basse qu’elle peut être perçue par les sens. Il n’y a pas de matière.

Albert Einstein

 

 

Enchanteur ou sorcier ?

Cet article ne s’inscrit pas dans le droit fil du nagualisme, aussi ne figure-t-il pas dans le chapitre Les leçons de Castaneda mais dans un chapitre plus personnel, Le journal du sorcier. (voir sommaire)

En France, le mot sorcier a une connotation négative qu’il faut moduler. Je n’ai rien d’un jeteur de sorts, je les ôte. Mon vrai titre est enchanteur. J’appartiens au Clan du Loup comme le grand Merlin. Les filles du Loup sont fées ou enchanteresses.

Portés sans vergogne autrefois, ces titres sont désuets. On dit à présent sorcier, sorcière. Très déplaisant. L’espagnol a le terme de brujo, moins négatif. L’anglais a wizard, plus positif que sorcerer.

Mais le pays de Descartes ne croit qu’en la science menteuse. Naguère on brûlait pêle-mêle guérisseurs, rebouteux, sorcières, enchanteresses et tout ce qui s’en approche. Il n’y a plus de bûcher, j’ai pourtant perdu deux maisons dans les flammes. Foyer, mon doux foyer.

 

Ignifuge

Je vous convie à un voyage intérieur. Commencé dès l’enfance, ce périple au long cours n’est pas terminé soixante-dix ans plus tard. Si pour certains la vie est un manège, la mienne fut un tourbillon. Comment s’en étonner ? Je suis né sous une comète errante et je refuse encore de grandir. Si l’enfant intérieur n’a pas pris une ride, mon visage ne peut en dire autant. Mourir n’est rien, c’est vieillir qui nous tue. Le petit garçon sursaute dès qu’il passe devant un miroir.

Alors seulement il prend conscience d’une évidence pénible. Le temps intérieur a bloqué son aiguille sur l’âge de 10 ans. Mais le temps extérieur m’a travaillé au corps. C’est une des raisons qui me font préférer l’astral au monde ordinaire, trop ordinaire. Un monde de matière sali par l’argent. Comment préférer cette illusion à la féérie lumineuse d’outre-monde ? Où l’enfant joue, j’ai bâti ma demeure que le feu n’atteint pas.

 

 

Le feu du dedans

Exception faite du feu intérieur qui me consume et me consomme, au sein duquel je danse et me débats, avec lequel je rêve et je ris aux éclats, qui jamais ne s’éteint mais qui ne brûle pas. Il distille pourtant une émotion qui pique les yeux. La tristesse sans cause du guerrier me flanque un cafard noir qui s’efface en farce. Mon humeur changeante est d’un Gémeaux qui ne sait pas grandir. Qui ne peut pas s’avilir.

Cette tristesse, Carl Sandburg en a fait son alliée. C’est pour elle qu’il a écrit Rootabaga Stories, Les Histoires Rutabaga que j’ai eu le grand plaisir de traduire quand j’étais étudiant. Peut-on les trouver encore ? J’en doute. Elles ne figurent plus au catalogue Fernand Nathan. Dans ces contes poétiques pour les enfants de tous âges, un chapitre s’intitule : Seuls les enfants du feu comprennent le bleu. Only the fireborn understand blue.

Seul celui qui a brûlé tout l’inutile peut comprendre d’où vient sa grande tristesse, ce blues qui pointe son nez au fond de son cœur sans crier gare, ce cafard que seul le rire dissipe.

À dire vrai, la tristesse du guerrier n’est pas sans cause. Quand on a coupé les ponts avec le monde où l’on s’ennuie, quand on en a fait le tour et qu’on en revient las, quand on comprend qu’ici bas jamais rien ne change, que les modes passent et repassent les mêmes plats, que les tyrans succèdent aux tyrans, que la profondeur ne s’applique qu’aux âneries, on s’envole sans regret vers un monde meilleur.

Il n’y a que deux choses qui soient infinies, l’univers et la bêtise humaine. Mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue.

Albert Einstein

 

La cause de ma tristesse

Oh le vert paradis des amours enfantines ! Oh mon Baudelaire ! Éternel refuge du sans logis. Forgé de solitude, inaltérable fou, j’ai pris mon vol au-delà des cimes. J’ai fendu les océans d’en haut, l’infinitude sans île et sans rivage. Qui m’attend ? Personne. Qui me reçoit ? Nulle âme. De rencontre aucune. À quel saint se vouer? Où se réfugier ? En quel lit s’enfouir ? Sous quel oreiller se cacher ? Contre quel corps tiède se blottir et rêver ?

Face à l’infini, face à l’inconnu, perdu aux frontières de l’inconnaissable, on doit sans cesse attiser son feu intérieur pour ne pas geler sur place. Je me suis longtemps appuyé sur deux chênes, deux fidèles amis d’enfance, devenus meilleurs copains d’adolescence, puis frères d’âge mûr et… Et c’est tout. Ils m’ont quitté tous deux au seuil de la vieillesse, ils n’auront pas connu le déclin qui me guette.

Tant mieux pour eux. J’en suis heureux.

Mourir n’est rien. C’est vieillir qui nous tue.

Lao Surlam

 

Haute solitude

(2019)

Sur les chemins de haute solitude
Sur les sentiers qui côtoient l’infini
Sur les versants de grande incertitude
Ne sais-tu pas que l’orage est fini ?

Tu n’as manqué de faim ni de pitance
Tu n’as gagné ni perdu rien du tout
Tu n’as choisi la foi ni l’inconstance
Sur ton parcours éloigné de partout

Beau chevalier des contes et légendes
Preux combattant fidèle compagnon
Du fond des mers jusqu’aux sommets des Andes
Tout en perdant tous les deux nous gagnons

Sur l’avenir jurons de rester dignes
Des dons reçus et des leçons données
Le temps futur s’y lit entre les lignes
Nous y serons prophètes et damnés

Qui nous retient de briser les entraves
De renverser le trône des tyrans ?
Qui nous retient de nous conduire en braves
De caresser un visage attirant ?

Nous étions nus compagnons de misère
Nous n’avions rien que l’aube à nos genoux
Guerriers venus des confins de la terre
Nous avons tout  :  le ciel est avec nous

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Voyages Magiques

Avec eux, nous étions le trio infernal. Nos farces réjouissaient les gueux nos hôtes. La hutte de sudationsweatlodge à la mode des Sioux Lakota, chacun son chant de pouvoir, ses guérisons, les heures patientes à reproduire les arcanes magiques des Tarots anciens, les repas à trente ou quarante fous dans la grande salle du moulin perché sur la rivière, et les voyages magiques !

Brocéliande, la Roche aux Fées d’Essé, Notre Dame de Chartres, Vézelay, Saint Pierre de Montmartre, Saint Benoît sur Loire, Saut d’Eau en HaïtiAvebury dans le Wiltshire, Carnac dans le Morbihan, Amarnath au Cachemire, Kuta Beach à Bali et tant d’autres, tant de magnifiques lieux de pouvoir pour vibrer, s’émouvoir et planer. Qu’en reste-t-il après 60 ans de tourisme effréné ? Pas grand chose, je suppose.

 

Trois moins deux

L’art de la traque, nous l’avons pratiqué souvent à trois, Devic, Flornoy et moi — les deux Jean-Claude et Xavier. Seul à présent je me languis de leur force tranquille, de leur folie contagieuse, de la hauteur où nos vols nous menaient. Pas un jour ne passe sans que leur souvenir m’étreigne. Ils font aussi partie de la tristesse aux multiples causes.

Nous étions trois larrons en foire, trois Bateleurs sur le chemin de l’Étoile. La mort m’a pris mon beau et mon drôle, à chacun son tour. Et me voilà tout seul au sommet de la tour, orphelin d’amour, cœur à prendre, peur à pendre haut et court, solitaire comme jamais, heureux comme personne, abandonné de tous y compris de sa mère, qu’elle repose en joie, ma chère Loulou, ses blagues et ses formules, ma sorcière préférée.

 

Si j’aurais su…

À vieillir seul on vieillit pour deux. Trop de manques, de disparus, d’oubliés, d’égarés perdus en ce monde ou dans d’autres, que faire ? Que devenir ? Si j’aurais su, j’aurais pas venu. Si j’aurais su que ça soye ça, j’aurais pas venu, grommelle Ti Gibus tapi dans un coin de ma mémoire extensible.

La tristesse sans cause n’est pas nostalgie, ni peur de mourir, ni apitoiement sur soi, ni blues d’adolescence, ni terreur enfantine : elle est tout ça en même temps. Le guerrier impeccable n’est plus le jouet de ses émotions. N’empêche qu’elles existent encore, plus vives que jamais.

Tout est puissant dans le cœur du voyant. Guerrier Jedi, la Force est en toi. Force de caractère, calme tranquille, parole silencieuse, joie vive. Il a bien fallu que jeunesse se passe. Elle s’est passée tant bien que mal, par la force des choses, non par celle du Jedi. Grandir n’est rien, c’est vieillir qui nous tue.

 

 

Immortels!

Les gens meurent de vieillesse bien que l’âge de notre ADN dans nos cellules n’existe pas. La vieillesse vient d’où si elle n’est pas programmée par l’ADN? Les cellules de notre corps se renouvellent en permanence, même chez les personnes âgées. Elles ne sont pas plus fragiles avec l’âge. Alors pourquoi vieillir?
 
Il existe de nombreuses erreurs dans la reproduction des cellules, mais il y a toujours une raison biologique / émotionnelle à notre mort. On vieillit parce qu’on se sent vieux. Il n’est pas si facile pour une personne de mourir. Il en faut de l’énergie et de la volonté pour que le cœur et les poumons cessent de fonctionner. Il faut vraiment en avoir marre de vivre pour se laisser mourir.

Nous nous rendons pitoyables ou nous nous rendons fort. La quantité de travail à fournir est la même.

Carlos Castaneda
 
Les gens ne meurent pas de vieillesse ou de maladie, ils meurent des conflits émotionnels qui les font vieillir et qui tuent. Pour notre ADN, il n’y a pas d’âge, ce sont les limites que nous créons au fil des années qui tuent le corps. On meurt par imitation, parce qu’on a fait ce programme-là. Le vieillissement provient des pensées négatives et du taux vibratoire très bas qui prévaut en kali yuga. La solution? L’éveil. Devenir éternel.
 
Si nous n’avons pas cette limite mentale, la croyance qu’il est normal de vieillir, alors nous ne vieillissons pas, ou presque pas… Juste ce qu’il faut.

Il meurt lentement celui qui ne voyage pas, celui qui ne lit pas, celui qui n’écoute pas de musique, celui qui ne sait pas rire de lui-même.

Pablo Neruda
 

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Quel clan ?

Les guerriers du nagual vivent au sein d’un clan. Castaneda a tenté deux fois de s’en faire un à sa mesure, Flornoy aussi : deux + deux = quatre échecs. Quand mon tour est venu, je n’ai pas essayé. Pourquoi faire ? Un clan se fait tout seul ou ne se fait pas.

Je suis un nagual à trois branches, comme Carlito, comme Jef Gros-Sel. Contrairement aux naguals à quatre branches, ceux qui n’en ont que trois ne font pas de clan autour d’eux. Ils ne refusent personne. Leur porte est grande ouverte. Entrée libre. Des intrus sont venus, repartis aussitôt. Une seule chance et c’est tout.

 

 

Déphasé

Ce chemin montant, sablonneux, malaisé, ne le suit pas qui veut. Il y faut grande ardeur. Résolution. Persévérance. Courage au-delà des siècles et des montagnes. Si tu crois aux châteaux en Espagne, oublie-moi. N’y va pas.

Ce Clan du Loup a tant compté pour Flornoy, je n’en veux pas. J’ai pris la peau du Loup, je m’en suis déguisé. Le Loup m’a fait la peau, je m’en suis dégrisé. Ce monde est trop usé, trop rusé. Blasé. Il en faut plus pour m’abuser. Un rien suffit pour m’amuser. Et le rire a fusé.

 

Outre-mondain

Les strates de l’outre-monde sont la première cause de cette tristesse insondable et tenace. Nous y dormons, nous en rêvons, la nuit nous y vivons. Guerriers de l’infini, nous voyageons sans bagage, sans retour, armé du seul courage indispensable au seuil de l’inconnu vorace. La mort prochaine n’est pas la cause de cet étau qui me broie le cœur. Ce qui m’attend de l’autre côté, j’y suis allé souvent. C’est le vide et le vent. Total oubli d’avant.

Ce monde est faux, j’en suis sûr maintenant, pourtant je l’aimais tant. J’y ai encore trop d’attache, il garde un tel attrait pour moi qui l’ai quitté déjà.

 

Casse-dale

Les démons assaillent avec vigueur les élus qui montent au Royaume. J’ai appris ça jadis au catéchisme. Mon statut récent n’a rien à voir, c’est évident. Mais l’analogie est valable. Plus on grimpe, plus on en chie.

Je grimpe à la lumière, ma lueur est plus vive, ma saveur gustative attire les mouches astrales et les vampires les suivent. Les morfales passent à table. Je me fais croquer vif et je m’étonne de flipper ! Je suis dévoré de l’intérieur par une lèpre agile, une saloperie terrifiante en puissance et en vivacité.

Il y a toujours plus fort que soi. Défaut d’humilité, j’ai jubilé trop fort. Et la manivelle folle m’a frappé en retour. Joie du jour. Converti au pays des songes, j’ai perdu le chemin du doux pays d’amour.

Le don ne dispense pas de l’effort, le talent ne dispense pas du travail, le génie ne dispense pas de l’humilité.

Lao Surlam

 

Qui trop embrasse mal étreint. Attends la gare et descends du train-train. Contrit, je t’ai contré, contraint. Contre un.

Coda : au refrain.

 

 

Dialogue d’outre-tombe

Je suis seul et j’ai froid
Il est tard et je crois
Que je n’ai plus qu’à me jeter
Sous un train pour oublier.

On n’oublie rien de rien
On n’oublie rien du tout
On n’oublie rien de rien
On s’habitue c’est tout.

L’oubli ? Que devient-il
Quand on est sans mémoire
Dans l’espace inutile
Happé par le trou noir ?

(source)Xavier Séguin 1964 & 2024 + Jacques Brel 1961

 

Ici, à Erquy

J’ai 12 ans dans le jardin quand je sors de mon corps. D’un seul coup, je vois tout. Ça ne me surprend pas plus que ça. Cet âge est celui des merveilles. Je sais tout. Et alors ? Cool Raoul, pas la peine de flipper. Offerte à deux pas, l’éternité m’invite. Je flotte à quinze-vingt mètres au-dessus du sol et sous mes pieds fantômes, je vois mon corps qui bine encore les mauvaises herbes. La vue mon écorce matérielle et robotique est un spectacle obscène. Je regarde ailleurs.

Qui est le plus libre ? l’être ou ses vêtements ?

Lao Surlam

 

Je vois, j’entends, je hume, je vibre, je sens tout comme si j’avais mon corps autour de moi. Mais non, il n’y est pas.

-Loup y-es-tu?
-Non.
-Que fais-tu?
-Je désherbe une allée.

 

La vie sans corps

J’ai compris ce que je savais déjà : mon corps n’est qu’un manteau. Je l’habite, je partage ses souffrances et ses jouissances, mais je ne suis pas ce corps. La preuve : je suis dehors, je vis encore. Sans corps, on n’est pas mort. On se sent bien plus vivant que d’hab. Libre d’être tout ce qu’il vous plaira.

Deuxième coup de pot : j’ai regagné mon corps. Je ne sais pas comment. Mais ça s’est fait. Troisième grande chance, je suis toujours en vie.

Pourquoi tout ça ? Pourquoi moi ? Un jour, une fée m’a dit que mon aura était cristal. Je serais éveillé de naissance. Comme les indigo et les arc-en-ciel, je suis un retour. Un tulkou pour les Tibétains. J’y crois un peu, beaucoup… et je n’y crois pas du tout.

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Le journal du guerrier

 

 

L’auteur

 

Quand les historiens changeront de lunettes, leur myopie deviendra supportable.
Lao Surlam