Alain Souchon dit La Souche, par Iks24

 

Tout se passe comme si d’innombrables chercheurs de vérité étaient en train de s’éveiller. Ils se frottent les yeux devant le vertigineux passé, les vestiges étranges, les grosses pierres, les nuages bizarres, de plus en plus incrédules. Nous voici au début, bien modeste, de la plus grande aventure de tous les temps : flairer la supercherie, déclencher la démascarade.

 

Qui?

Au-delà des intermittences du cœur, il règne. Avec fougue, plein d’élan, toujours plus grand il étend son empire. Qu’y a-t-il de plus doux que son cœur sauvage? De plus fou que le plus grand des sages? Il t’entraîne à sa suite et t’oblige à courir. Quand volage il t’évite, il te force à mourir.

Lui, l’amour absolu. Heureusement qu’il existe, même si tu n’y crois pas. Je sais qu’il t’attendra le temps qu’il te faudra.

Il en faut davantage à chaque seconde. L’amour nous ouvre à l’autre côté de la vie. Sans l’amour, la mort. La mort vécue, rabâchée, ressassée, tu la vois, tu la vis, tu la manges, elle te nourrit. Elle te pourrit la vie. Elle te conseille aussi. Elle tue pour rire.

Que peut avoir un homme en dehors de sa vie et de sa mort ?

Carlos Castaneda

 

 

Putain ça penche!

C’est ce que nous sommes devenus, des incrédules. À rabâcher les vieilles histoires, à remâcher les mêmes salades, à ruminer les idées nulles, un jour arrive où les nerfs lâchent. La bulle éclate. La gerbe est là.

Pour autant le cœur bat. C’est le printemps des mirettes. On n’en revient pas. Marchands de sornettes, dealers de fakes, trompeurs de monde, abuseurs publics, que votre règne crève. Que votre loi s’achève. Nus sur les grèves, on rêve. On fait la grève. Croire sans y croire.

Et si demain n’existait pas? Baffe! On se réveille dans ce vieux monde usé, aux coutures qui craquent, aux manches lustrées de crasse. Passe-temps, on voit la trame, le soleil filtre à travers. Passe-muraille, on voit l’envers du décor.

Putain ça penche! On voit le vide à travers les planches!  La Souche a bercé ma jeunesse. Le sentiment fait homme. L’émotion nue. Nostalgie souvent, cruauté fugace, réalité plus qu’à poil. Celui-là ne prête pas à rire. Quand bien même on rirait, ce serait de nous, pas de lui.

 

Tu m’as manqué bien des fois

Alain Souchon

 

Dix-huit ans que je t’ai à l’œil.
T’es à Bagneux, dans les feuilles.
Je vais jamais te voir, j’aime pas ça,
Mais je te joue de l’harmonica.
T’es dans ma peau, mes p’tits airs,
Un fil débranché, plus d’air,
Dans des camions à gas-oil
Qui tapent dur sous les étoiles.

Tu m’as manqué bien des fois,
Mais aujourd’hui y a chez moi
Une petite boule blonde qui s’appelle comme toi.

 

 

Les Poètes

Léo Ferré

 

Ce sont de drôles de types qui vivent de leur plume
Ou qui ne vivent pas c’est selon la saison
Ce sont de drôles de types qui traversent la brume
Avec des pas d’oiseaux sous l’aile des chansons

Leur âme est en carafe sous les ponts de la Seine
Leurs sous dans les bouquins qu’ils n’ont jamais vendus
Leur femme est quelque part au bout d’une rengaine
Qui nous parle d’amour et de fruit défendu

Ils mettent des couleurs sur le gris des pavés
Quand ils marchent dessus ils se croient sur la mer
Ils mettent des rubans autour de l’alphabet
Et sortent dans la rue leurs mots pour prendre l’air

Ce sont de drôles de types qui regardent les fleurs
Et qui voient dans leurs plis des sourires de femme
Ce sont de drôles de types qui chantent le malheur
Sur les pianos du cœur et les violons de l’âme

 

Le rire et le voir

On peut rire de nous. Tout dépend de quel rire, vocifère l’immortel palmier des planches, l’aède aux cheveux d’écume, le peintre en mots, l’anar hénaurme. Ce mot n’est pas une faute, juste une citation. Pendant ce temps-là, d’autres s’enfoncent dans le brouillard froid, ils errent dans le noir, loin de la lumière qui nous éveille et nous transporte. Dis-moi, malheureux qui me lis, pourquoi voir tout en gris ? Qui t’a dit de vivre en enfer ? Personne ne t’a condamné à mort, vis donc dans l’éternel présent, tu vivras éternellement. Vivre est ton lot. Autant le faire bien. Si tu es là, crois-moi, il y a une bonne raison à ça.

Le hasard n’existe pas. Tout ce qui arrive est voulu.

Bouddha

 

Je raconte un passé qui t’oppresse. Tu m’as demandé de ne plus parler des Reptiliens. Ils ont régné sur nous, ils sont encore ici, je n’y peux rien. Les Archontes aussi te foutent les boules. Vaudrait-il mieux dormir sur nos deux oreilles en rêvant d’un éden rose? D’un paradis à deux balles? Me faudrait-il mentir? Un autre demande que je me calme sur Jésus. Que j’arrête de dire qu’il n’a pas existé. Faut-il que j’arrête aussi d’être moi-même? Je ne puis. Puits sans fond. Font semblant. Blanc comme neige. N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie?

Je vous le demande!

Mes visions me portent. Souvent déplaisantes, horribles même, elles ne m’ont jamais menti. Mes visions sont assez franches du collier pour se montrer cul nu.

 

 

Son Castor de femme

Tu me dis que tu n’as pas de goût pour la vie. Que le vide t’attire. Tu me dis que tu ne te sens pas chez toi ici, tu as soif de néant, rien ne peut être pire que ta vie actuelle. Non que tu souffres d’une infirmité, d’une maladie incurable, rien de tel. Tu n’es pas sans pays pays, tu dors au sec, un toit sur toi, de quoi manger. Ton mal profond vient d’ailleurs. Ce monde te dégoûte. Trop de gens impurs, mauvais, ou pire: indifférents. As-tu soif d’absolu? Veux-tu la perfection? Non. Tu as soif de mort. Après cet écran de fumée qu’on appelle la vie, la mort te donnera l’oubli du néant. Et si tu te trompais ? Si tu te goures grave ? Le malaise est-il dans le monde, ou dans ton cœur? 

Sartre a dardé son œil torve sur une racine, la scrutant assez longtemps pour qu’elle devienne autre, absurde, trop irréelle pour être vraie. Ça lui fout la gerbe. La nausée, dit-il. Qué ès? No sé!

Mon bon Sartre,il était tout sauf bon qu’une racine t’ait fait gerber, il ferait beau voir! En voiture, Simone! Un castor me l’a dit, qui s’y connaît en racines. Contemple n’importe quoi, tu y trouveras le vide. Et pas la gerbe : elle vient du bide. Existence ? Y a l’isthme. Et Seth existe en ciel.

N’empêche. Cette philosophie de l’absurde a donné naissance au nihilisme, et plus près de nous, au no future des punks à chiens. Les punks, ils n’en ont rien à foutre des racines. Mais ils ont chopé l’œil de Sartre, celui qui bigle. Du coup ils voient du dégueulis partout. Leur nausée déteint sur les beaux arts, le cinoche, la téloche, le fastoche, et sur Houellebecq, triste chantre du moche. L’impossibilité du Nil rend possible le nihil.

On a le droit de préférer le bon côté des choses. Même si les branchouilles nous prennent pour des nouilles. À glorifier le caca, galeristes et critiques-dard vont périr noyés dans la fosse à purin. La merde est dans l’œil de celui qui regarde.le trottoir ?

 

La Nausée

Jean-Paul Sartre

Je vois ma main, qui s’épanouit sur la table. Elle vit – c’est moi. Elle s’ouvre, les doigts se déploient et pointent. Elle est sur le dos. Elle me montre son ventre gras. Elle a l’air d’une bête à la renverse. Les doigts, ce sont les pattes. Je m’amuse à les faire remuer, très vite, comme les pattes d’un crabe qui est tombé sur le dos. Le crabe est mort: les pattes se recroquevillent, se ramènent sur le ventre de ma main. Je vois les ongles – la seule chose de moi qui ne vit pas. Et encore. Ma main se retourne, s’étale à plat ventre, elle m’offre à présent son dos. Un dos argenté, un peu brillant – on dirait un poisson, s’il n’y avait pas les poils roux à la naissance des phalanges.

Je sens ma main. C’est moi, ces deux bêtes qui s’agitent au bout de mes bras. Ma main gratte une de ses pattes, avec l’ongle d’une autre patte; je sens son poids sur la table qui n’est pas moi. C’est long, long, cette impression de poids, ça ne passe pas. Il n’y a pas de raison pour que ça passe. A la longue, c’est intolérable… Je retire ma main, je la mets dans ma poche. Mais je sens tout de suite, à travers l’étoffe, la chaleur de ma cuisse. Aussitôt, je fais sauter ma main de ma poche; je la laisse pendre contre le dossier de la chaise. Maintenant, je sens son poids au bout de mon bras. Elle tire un peu, à peine, mollement, moelleusement, elle existe.

 

Existe en ciel, vertige bourgeois. Ta nausée n’est pas contagieuse. Ton castor est mort. Tu passeras. Simone restera.

 

 

Nous dormirons ensemble

Louis Aragon

 

Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l’enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C’était hier que je t’ai dit
Nous dormirons ensemble

C’était hier et c’est demain
Je n’ai plus que toi de chemin
J’ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l’amble
Tout ce qu’il a de temps humain
Nous dormirons ensemble

 

« À chaque instant je me trahis, je me démens, je me contredis. Je ne suis pas celui en qui je placerai ma confiance » (source)« Révélations sensationnelles », in Littérature 13

 

L’amour absolu

Contemple cœur ouvert ce que tu voudras, tu y trouveras l’amour absolu. Force qui attire, qui accouple et unit les plus infimes fétus de matière et de lumière dans un orgasme vibrant d’énergie belle.

Tout dépend de ton regard, ce que tu regardes ne compte pas. Tu peux y voir l’horreur ou l’absolu, le bon diable ou le dieu, le demi-mal ou le moins bien. Tu peux voir le corps mutilé ou le sourire du blessé. C’est ton choix.

Nous nous rendons pitoyables ou nous nous rendons fort. La quantité de travail à fournir est la même.

Carlos Castaneda

 

Mais ce regard, si perçant soit-il, ne verra que ce qu’on lui montre. Apprends à démonter les montreurs de leurre. Les semeurs de peur qui jouent pour du beurre. Les faucheurs de mort, tu peux les contrer. Les montreurs montrés. La mort n’est rien, rien que la mort. Vivre, oui, tant qu’on veut! Tant qu’on peut?

Nous descendons, dit-on, des lémuriens. Moi je descendrais plutôt des fleuves impassibles, par mon côté poète.

 

 

Le bateau ivre

Arthur Rimbaud

 

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots !
(lire la suite)

 

Le vide hurle à la mort

Le vide. L’absence. À vivre vieux on vieillit seul. On voit le seuil où l’on mettra ses pas. Certains soirs, on ne voit que ça.

Mourir n’est rien. C’est vieillir qui nous tue.

Lao Surlam

 

 

Le deuil du seuil

On le redoute, coûte que coûte on l’oublie. On le loue, on le loupe encore. Faible vouloir de l’humain face aux mondes. Triste retour de manivelle, ta chanson n’est pas nouvelle. Il faudra bien t’en souvenir dans cet avenir sans parole.

Dol du seul

Devine qui vient dîner? La Mort en pyjamas s’est assise à ma table. Elle me regarde. Elle darde sur moi son regard étroit, et trois nous voilà : ma mort, mon double et moi. Dans l’espace, dit-on, personne ne vous entend crier. Sur terre non plus.

Lot du sot

Dans l’espace, une foule de gens se pressent. Tes yeux sont aveuglés. Tu voudrais les mater, les zieuter, les voir. Tout reste noir.

Sort du mort

Ils sont nombreux pourtant, tu les entends. Tu veux crier, vas-y. Ils t’entendront aussi. Dans l’espace, croit-on, la foule t’entend crier. Sur terre aussi.

Vie d’envie

Le vide hurle à la mort. L’absence est dans ton corps. Ils sont morts et tu les aimes encore. Ils vivent dans tes mains, dans tes lendemains, jusqu’au bout de tes doigts ils sont là. Ils vivront tant que tu vivras.

 

JC Devic à Puma Punku dans les Andes, traquant la technologie très antique. —  À toi mon Devic, ami fidèle et découvreur de merveilles, tu vivras en moi jusqu’à ma mort.

 

En rêvant

Les copains d’abord
Pour eux ça ira
Tant qu’on te lira
Premier maître à bord

 L’ami Devictor
Chanteur d’opéra
Le chapeau paiera
Jusqu’au dernier tort

Je ne puis cacher
Au potier maudit
Ce qu’il n’a pas dit
Je l’ai rabâché

En ces beaux instants
La chaleur des cœurs
Calmait la rancœur
Le vide insistant

Oui je vous l’avoue
J’ai voulu mourir
Ne sert de courir
Je marche vers vous

Vertige ineffable
J’ai vu la beauté
Qui m’a tricoté
Un manteau de sable

Chez les dieux d’avant
Admire au Soleil
Les pendants d’oreille
Qu’on cueille en rêvant

 

Nu dans sa fourrure

Fais un test. Regarde un lémurien dans les yeux, tu verras ce que l’éveil veut dire.

Sans cesse en mouvement, il reste immobile. Inquiet, il est serein. Paisible, il bout, il trépigne. Blotti, il s’étire. Voici le lémurien tout nu dans sa fourrure. Il n’a besoin de rien. Un rien l’habille et le nourrit, il boit peu, ne fume pas, et jamais Salomon ne fut plus juste que lui. Oui mais le juste ment. Ça la fout mal.

Vois ce qu’on a perdu depuis qu’on a quitté les arbres de Madagascar. Vois comme on est k.o. debout. Comment panser les plaies qu’on se fait? Comment soulager la douleur qu’on s’inflige? Comment renoncer aux mensonges qu’on se force à croire? Tu n’as pas de pire ennemi que toi. C’est comme ça. Tu t’apitoies? Dis-toi que tu n’es pas différent, ni plus misérable ni plus indigent, tu as deux jambes et deux bras, ne te prends pas pour le renard sans pattes.

Pourquoi les gentils lémuriens ont-ils ce regard étonné, plus encore, stupéfait? À les voir, on dirait qu’ils n’en reviennent pas. Et c’est la vérité. Ce qui les étonne tant, c’est nous, les gens. Ils se souviennent très bien des temps lointains où nous étions copains. De l’époque révolue où nos jeux, nos vies et nos amours étaient avec eux, dans les branches, au fil de sauts et de cabrioles.

Quand ils nous voient dans nos écoles, dans nos bagnoles, à nos casseroles… Crois-tu qu’ils rigolent? Non, ils sont sciés qu’on ait pu mal tourner comme ça. Les lémuriens sont tout ce que nous avons perdu. L’innocence. La joie de vivre. Et le sens de l’équilibre.

Dans une prochaine vie, il te reste une toute petite chance d’échapper à l’appel du vide : tâche d’être un lémurien. 

 

 

Au-delà des intermittences du cœur, il règne. Avec fougue, plein d’élan, toujours plus grand il étend son empire. Qu’y a-t-il de plus doux que son cœur sauvage? De plus fou que le plus grand des sages? Il t’entraîne à sa suite et t’oblige à courir. Quand volage il t’évite, il te force à mourir.

Lui, l’amour absolu. Je sais qu’il existe, même si tu n’y crois pas. Il t’attendra tant qu’il faudra.

 

Avatars de l’âme

 

Amour Absolu Pour Toi et Pour Tous

 

Xavier Séguin

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Xavier Séguin

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