Vision cosmique

 

La vision cosmique est l’aptitude à se situer très au-dessus de la matière terrestre, loin dans l’infini des sphères. Dès qu’on s’élève suffisamment, les petites brouilles, les mesquineries, les soucis, les hantises, tous les caprices de l’ego s’effacent. On ne voit plus que l’unité. Le point de vue cosmique est unificateur. Le cosmos serait-il en paix ?

Quand on s’élève suffisamment, les questions les plus compliquées n’en sont plus. Les plus épineux cas de conscience sont solubles. La sérénité règne à jamais. Question : pourquoi rester à ras de terre ?

Deux hommes regardaient par les barreaux de leur prison. L’un vit la boue, l’autre les étoiles. (Idries Shah)

 

Le point de vue cosmique est une position du point d’assemblage située dans la zone de la connaissance immédiate ou science infuse. C’est une zone de claire conscience où toutes les informations reçues sont immédiatement intelligibles. Aussitôt interprétées, toutes les questions y reçoivent réponse au moment même où elles sont posées. L’accès est ouvert à toutes les infos, sur tous les sujets.

Cet état de conscience est très proche du point de vue cosmique. Disons que ce dernier semble être une variante de la connaissance immédiate que je viens de décrire. Dès qu’on s’éloigne de notre planète, seules demeurent les frontières naturelles. Les autres tiennent à l’époque, aux caprices des hommes. Les pointillés des frontières n’existent que sur les cartes. Faut-il brûler les cartes ? Non, il suffit d’abolir les frontières. Ce processus est en route. Patience.

Le point de vue astral est la meilleure approximation du point de vue cosmique. Le sorcier peut y accéder instantanément, sans équipement, sans budget, sans risquer la mort. En astral, on voit ce monde-ci de loin. De très loin. Mais en astral, sachez-le, il n’y a ni espace ni temps. On peut aussi ne rien voir du tout. On peut encore se demander si la vision astrale est bien réelle.

Je ne me pose pas ce genre de question. La nature de la réalité est tellement contestée par les scientifiques, par les philosophes et par les chercheurs de vérité. Je vois ce qu’onqui est ce « on » ? me laisse voir. Si un changement de point de vue me permet de voir davantage de choses, ou de les voir autrement, je saute sur l’occasion. C’est ce qui explique l’engouement pour les drogues. Recherche de visions. Recherche de conscience accrue. Recherche de plaisir, car tout accroissement de la conscience est source de plaisir. Peut-être la source unique.

La conscience immédiate et le point de vue cosmique sont deux positions très voisines que peut prendre le point d’assemblage. Elles sont situées au cœur d’une vaste zone de notre luminosité ou aura. Cette zone se trouve à quelques centimètres derrière notre omoplate gauche. Dans la même direction, mais à l’extérieur de notre luminosité, se trouve notre mort. Notre vie durant, la mort nous suit en limite de l’aura, derrière notre dos, à gauche. Le guerrier en a conscience quelque fois, dans les situations les plus graves. Savoir localiser sa mort est une précision utile au guerrier qui se dispose à la prendre pour conseil

L’astral, le vol du guerrier, l’art de rêver, l’art de la traque, la quête de vision sont des positions du point d’assemblage, des zones de conscience. Le guerrier y parvient en faisant usages de psychotropes, ou par l’effet de son pouvoir personnel, qui repose sur son impeccabilité.

Peut-être la même ? Il y a toujours tellement d’étiquettes pour un flacon ! Les civilisations et les époques ont surtout l’art de compliquer ce qui est simple. L’art d’oublier. Il fut un temps où j’avais choisi comme devise : « je me souviens« . Parce que tous les plus petits détails de ma vie passée prenaient vie et acuité dès que je déplaçais le curseur temporel.

 

 

Je me souviens. J’ai 17 ans. Ce lundi de décembre, morne et sale, la nuit est tombée avec la pluie comme à Brest souviens-toi Barbara, mais là c’est à Paris, dans mon Passy natal que je chéris et que je hais. Debout au pied d’un immeuble cossu, je guette l’amour de ma jeune vie, Câline dont la fenêtre éclairée me raconte qu’elle ne dort pas encore. J’ai composé une chanson pour elle, qui n’en a jamais rien su.

Contre le mur sans bruit Pour écouter la pluie Tomber sur l’avenue, Je suis venu
Ta lumière s’éteint Il ne me reste rien Que ma ville au lointain Jusqu’à demain

Où sont passés les gens, la cohue des passants ? C’est l’avenue Mozart  D’un triste soir
Contre le mur sans bruit Pour écouter la pluie Tomber sur l’avenue, J’étais venu

Depuis ce soir-là, Câline, je veille sur ton sommeil comme si tu étais ma toute petite fille, nourrisson précieux dont j’ai la garde. 

Je me souviens. Erquy, la plage du Bourg. J’ai 13 ans. Sur la dune, un doris est retourné, coque en l’air. Je suis assis sur la barque de pêche. Marie-Lierre est assise à mes côtés. Ses grands yeux noirs me dévorent, bientôt ça sera sa bouche au goût de framboise. 

Une pomme est tombée du pommier
Sur la plage une vague éclatait
Pense à la Saint-Jean

Si les jours raccourcissent à l’automne
Ils rallongent au printemps
En hiver quand les jours sont trop courts
Pense à la Saint-Jean

Je me souviens. Je me souviens de toutes mes petites amoureuses, comme si elles étaient en train de vivre nos rencontres à nouveau. Et je m’élève au-dessus du paysage, au-dessus du monde, au-dessus de ma vie. Et je grimpe encore, petit point de conscience dans l’infinité galactique. Je suis cueilleur d’étoiles et je croise Petite Marie avec sa petite voix et ses petites manies. Pas de Francis à l’horizon. Pas de roses non plus. La vie n’est pas qu’une chanson. Je me souviens. Au centre galactique, je suis déboucheur de trou noir avec mon hérisson et mon vieux chapeau noir de suie. Je ponce donc j’essuie.

Isabelle Isabelle je me souviens de chacun des gars qui t’ont tourné autour
Isabelle Isabelle je me les rappelle aussi bien que quand j’étais gamin
Sûr le moins qu’on peut dire  J’ai vieilli Mais j’ai gardé ton sourire Au fond de mes yeux gris

Sérénité cosmique

Le point de vue cosmique est unificateur. Le cosmos serait-il en paix ? Je vous souhaite d’acquérir le contrôle de vos rêves, vous y gagnerez instantanément le double de temps de vie consciente. Toutes ces nuits qu’on gaspille à force de n’en garder aucun souvenir ! Tragique kali yuga, terrible fin de l’ère des Poissons, poisseuse, glauque comme les profondeurs marines, où l’on manque d’air, d’espace vital, de vie tout court !

Le contrôle des rêves vient avec toutes les merveilles de l’éveil, il n’y a aucun effort particulier, en tout cas c’est mon expérience. Il suffit d’une discipline qui est celle du guerrier, et de quelques exercices préparatoires. Carlos Castaneda semble avoir connu des années d’épreuves pour y parvenir, mais il faut noter que dans la pratique du nagualisme il n’est jamais question d’éveil et des dons qui en découlent. Ce qui est pour le moins surprenant… 

Le point de vue cosmique est beaucoup plus simple à avoir quand on possède la maîtrise de l’astral, c’est à dire quand on pratique le rêve conscient, que je préfère appeler le rêve contrôlé, et que Castaneda appelle tout simplement rêver. Voici le chemin que j’ai suivi pour y parvenir — mais je suis sûr qu’il y en a d’autres. D’abord, j’ai pratiqué assidûment les ondes alpha, décalage notable du point d’assemblage, jusqu’à ce que la fluidité soit parfaite. Quand ce mécanisme est bien huilé, je l’ai appliqué à ma vie quotidienne : c’est la Voie du milieu.

Au cours de mes promenades nocturnes, j’ai visité bien des mondes, beaucoup plus que j’en ai le souvenir. J’ai combattu bien des dragons, défait bien des chevaliers d’Éon, rigolé dans bien des rigoles, musardé dans bien des mansardes et musé dans bien des musettes. J’ai porté les Portes du Temps, marché dans les Marches de Bretagne au temps des trois fées Néant, copines des rois fainéants. J’ai bu la buée des vents, à longs traits dans la Source des Mondes. J’ai visité Vénus, la Lune, Aldébaran. J’ai connu des fortunes. J’ai frôlé le néant. J’ai vécu double vie, double jeu, double temps. L’astral est mon jardin. J’y vais quand j’en reviens.

Ces mondes fascinants, sensations ineffables, il n’y a pas de temps et l’espace est instable. Absent le plus souvent. Rencontres immatérielles. Charnelles cependant. La vie est un manège il faut monter dedans. À rester sur le bord on n’apprend que la haine. La vie est un arpège qui s’égrène élégant, habillé de soie beige au bar des Trois Marchands.

Au fait, je me suis bien amusé. Une jeunesse consacrée à l’art, aux voyages autour de la terre, aux amourettes et au grand amour. Maturité et vieillesse dédiées à l’art,  aux voyages astraux ou temporels, délicieux voyages immobiles, et à un autre grand amour. Hallucinant voyage intérieur par la voie des sens. Décence.

Je suis né, oui, mais quand ? Les temps s’enroulent, le plan se déroule, l’avenir déboule et ma barque coule. Où es-tu Marie-Lierre ? Tu dois être grand’mère. Ou morte ? 

À l’enfant qui s’avance au Pays du Dedans Je dédie ce chant
La douleur qui commence à la première dent C’est déjà dedans
Compagnons de l’azur, invisibles amis  Priez pour lui
Soutenez ses efforts Illuminez ses nuits  Ainsi soit-il

 

 

Triste ? Non. Nostalgique ? Même pas. Pourquoi regretter ce qu’on peut revivre indéfiniment ? Célébrons et rendons grâces. Chacune de nos micro-vies reste à jamais gravée dans la trame du Temps intérieur. Et comme tout communique… Prions. Jouissons. Vivons…