Au début des années 70, la NASA lance les sondes Pioneer 10 et 11 à la conquête de l’espace lointain dans l’espoir de contacter une intelligence extra-terrestre. Mais l’expédition qui devait durer des millions d’années se terminera beaucoup plus tôt, et de bien étrange façon.

À fin des années 1960, le projet d’envoyer des sondes spatiales est adopté par la NASA. La mise au point du projet Pioneer va demander plus d’une décennie. Son coût s’élève à 200 millions de dollars. Au début des années 1970, un jury de savants et d’ingénieurs reçoit 150 propositions d’expériences scientifiques parmi lesquels il sélectionne celles qui seront embarquées sur les sondes.

En 1972, la sonde Pioneer 10 est lancée à Cap Canaveral. Son périple à travers le système solaire devrait l’amener à le quitter dans plusieurs décennies. Il se dirigera ensuite vers l’étoile Aldébaran qu’il devrait atteindre dans 2 millions d’années. Et après, l’aventure pourra continuer longtemps encore… Pioneer 10 est la première sonde spatiale à quitter le système solaire et à se diriger vers d’autres étoiles.  (source)

Une bouteille à la mer

La communauté intellectuelle s’émeut devant l’énormité du projet. Certains scientifiques y voient une occasion unique d’adresser un message aux aliens, du genre : Ce vaisseau vient de la Terre, voilà ce que nous savons faire, voilà où nous sommes, et voilà l’allure que nous avons. Sur la coque de la sonde sont gravés des signes abstraits et des symboles décrivant l’emplacement du système solaire dans l’Univers. Il y a aussi le portrait d’un homme et d’une femme.

Le tout forme le message que la NASA a voulu lancer, en notre nom à tous, à travers l’immensité de l’espace. En quête d’une réponse, bien sûr. Une façon de dire : « Coucou, c’est nous, les humains ! » Une façon de dire aussi le désespoir où nous sommes, sur cette planète perdue, lointaine, tout à fait à l’écart des grandes routes commerciales de la galaxie. 

Cette première sonde va jouer un rôle d’éclaireur en effectuant la première traversée de la ceinture d’astéroïdes qui s’étend au-delà de Mars puis elle doit survoler Jupiter et ses lunes. Un an plus tard, une deuxième sonde baptisée Pioneer 11 est lancée vers Saturne. Elle continuera ensuite sa course de planète en planète jusqu’à sortie du système solaire. Il y a cinquante ans, Pioneer 10 a entamé un périple qui devrait la conduire aux alentours de l’étoile Aldébaran dans 2 millions d’années.  

Le coût total du programme est évalué à 350 millions de dollars. Le prix d’une réponse hypothétique. Les découvertes astronomiques réalisées par ces deux sondes sur les planètes et leurs lunes sont très nombreuses, et tout à fait passionnantes.  Mais ce n’est pas le seul but de cet ambitieux programme. Il s’agit rien moins que de contacter une intelligence extraterrestre.

Extrasolaire, même. Esprit, es-tu là ? Y a-t-il un alien dans l’espace ? Qui que vous soyez, où que vous soyez, je vous en prie, parlez ! Répondez-moi ! Tel est le cri que Carl Sagan et son épouse Linda ont voulu lancer à la face du néant. En l’espérant peuplé. En le souhaitant loquace…

C’est en effet le couple Sagan qui a conçu « un message destiné à communiquer des informations sur l’origine de la sonde spatiale à un hypothétique représentant d’une intelligence extra-terrestre rencontré sur son chemin. Le message gravé sur une plaque d’aluminium doré fait figurer des représentations d’un homme, d’une femme, du Système solaire (avec la trajectoire approximative de la sonde) et d’un atome d’hydrogène. » (source)

Eh oui, mes amis, les Terriens ont lancé une bouteille à la mer du temps. Pensez donc, des millions d’années ! Il est bien rare que les humains réalisent des projets pour le prochain millénaire, mais là, chapeau ! Ils se sont surpassés, franchement. Des millions d’années ! Ça me fait rêver. Voyons un peu cette image… 

Beuh, ça ne me fait plus rêver du tout ! C’est pas terrible. Coincé, diablement sérieux. Et la tronche des humains ! Ils sont déjà démodés en 2019, imaginez le décalage quand ils arriveront sur la planète Schmürll d’Aldébaran dans 2 millions d’années ! D’autant qu’il y a toutes les chances que cette planète ait disparu depuis longtemps …et nos descendants avec ! Les scientifiques ont surveillé le programme Pioneer jusqu’au moment où les sondes ont quitté le système solaire. Les signaux se sont alors définitivement perdus pour nous. Du moins c’est ce qu’on croyait avant l’invraisemblable coup de théâtre du 14 juin 2029. La sonde Pioneer 10 a recommencé à émettre 46 ans après son départ !

Je vous demande de bien vouloir régler vos dispositifs temporels sur cette date, dans exactement 10 ans. Un tout petit saut dans le futur comme chacun d’entre vous en fait des dizaines toutes les nuits. La seule différence, c’est que vous ne dormez pas. Attachez vos ceintures temporelles, nous allons nous poser le 14 juin 2029, même heure, même endroit. Merci d’avoir voyagé avec Anytime.

14 juin 2029

Oui, c’est ce jour-là que les chaînes d’info du monde ont donné un bien étrange communiqué. Un sonde étasunienne fonce vers la terre. Son bip indique clairement qu’il s’agit de Pioneer 10, la première sonde spatiale étasunienne expédiée en 1972 pour un voyage sans retour en direction de l’étoile Aldébaran du Taureau. Ce qui pose plusieurs questions sans réponse. Primo, pourquoi cette sonde revient-elle vers nous alors qu’elle est censée filer hors du système solaire, toujours plus loin vers l’étoile alpha du Taureau ? Secundo, pourquoi arrive-t-elle de la direction strictement opposée à celle d’Aldébaran ?

Deux mystères si insolubles que les astrophysiciens s’apostrophent en public, emportés par la rage devant un mystère qui les dépasse. Ils se donnent tous les noms d’oiseaux tirés du dictionnaire de la langue verte. Un astrophysicien émet l’hypothèse d’un univers sphérique qui se terminerait aux frontières du système solaire. La sonde aurait ricoché sur la limite de l’univers, qu’elle aurait suivi en décrivant une rotation de 180°. Cette théorie fumeuse est saluée par des hurlements de bêtes fauves.

Un informaticien rapproche le périple de la sonde d’une caractéristique des jeux vidéo. En effet, quand l’objet ou le personnage d’un de ces jeux arrive au bout de l’écran, il réapparaît aussitôt à l’autre bout, comme si de rien n’était. De là à penser que l’univers est virtuel, il n’y qu’un petit pas vite franchi ! Le concert de piaillements et de cris de singes retentit de plus belle.

Certains membres de la très respectable Royal Astronomical Society (R.A.S.) en viennent même aux mains. Au cours d’une session particulièrement mouvementée, on ira jusqu’à dénombrer 25 blessés dont 8 dans un état grave. Heureusement on ne déplore aucun décès, à part celui de l’ingénieur en chef de la NASA, à la diffusion de l’info. C’en est trop. Le malheureux s’écroule, terrassé par un infarctus massif. 

En définitive, faute d’explication convaincante, l’hypothèse du bug informatique est retenue sans enthousiasme. Sans réponse apte à satisfaire une majorité, le corps astrophysique international admet l’excuse d’un défaut de guidage, avec une sorte de honte pourrait-on dire. Et il y a de quoi ! Car la vérité est encore plus hallucinante que toutes les hypothèses les plus farfelues…  

(à suivre)

Xavier Séguin

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Xavier Séguin

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