On peut se poser bien des questions sur Dieu : elles resteront sans réponse. Ce à quoi on peut tenter de répondre, c’est d’où vient le mot qui le désigne. Dieu vient du grec Theos, qui a donné d’abord Zeus, et aussi Dieu.
Chaque fois qu’on dit Dieu, Deus, Dios, Dio –qu’on soit chrétien ou non– on se réfère à Zeus, un surhomme païen qui n’avait rien d’un dieu unique. Le mot dieu fait aussi penser à Dionysos, qui signifie le dieu de Nysos, ou mieux : le Zeus de Nysos…
Mais seules les langues latines ont retenu ce mot. Pour les langues nordiques et anglo-saxonnes, cette racine Zeus n’existe pas. Il se pourrait que la racine utilisée par ces langues vienne du mot Go, qui signifie taureau en sanskrit.
En effet, d’après Jean-Clarence Lambert,Labyrinthes et dédales du monde, p.10, le mot sanskrit Go (taureau) serait l’une des étymologies du mot signifiant « dieu » qui aurait donné Gud en scandinave, Gott en allemand et God en anglais. Amis lecteurs, je me propose aujourd’hui de vous initier au dieu taureau.
Dans les plus anciennes traces des religions pré-antiquescomme j’aime à dire, faisant fi du barbarisme on trouve la trace du taureau divinisé pour lui-même, ou en tant que compagnon d’un dieu. « Fils de la terre, expression des forces chtoniennes accueillantes, passives et en même temps … symbole du principe actif producteur de semence, le taureau fut un animal sacré dans toutes les civilisations qui domestiquèrent le bovin. » (source)Paolo Santarcangeli, Le livre des labyrinthes, p. 234
Le taureau est le véhicule de Shiva. Le taureau est Shiva. Apis, le taureau, est identifié à Osiris. Le taureau est l’animal sacré de l’époque minoenne, l’ancien dieu crétois vénéré depuis la plus haute antiquité. (source)Alain Daniélou, Shiva et Dionysos, p.144
L’adoration du taureau est bien antérieure à l’ère du Taureau, ou de la Taure, pour être précis. Rappelons que l’ère astrologique du Taureau a commencé aux alentours de 4000 AEC. Il y a 6000 ans…
« On trouve en Anatolie, à Çatal Höyük, les premières représentations du dieu sous la forme d’un garçon ou adolescent ou bien d’un adulte barbu monté sur son animal sacré, le taureau. Des têtes de taureau étaient fixées aux murs. » (source)Alain Daniélou, Shiva et Dionysos, p. 144 Le site de Çatal Höyük date du 7e millénaire avant notre ère. Bien avant ça, le taureau était déjà une figure essentielle de l’art paléolithique, comme en témoigne les magnifiques taureaux d’Altamira en Espagne et ceux des grottes de Lascaux en France.
« Le taureau jouait également un rôle central dans les plus anciennes religions connues de la Méditerranée et de son pourtour (mont Bégo, Crète, Anatolie, etc). On pense que le taureau était considéré comme l’agent visible de la force invisible qui meut et féconde la nature. Les Égyptiens révéraient le taureau ou bœuf sacré, sous le nom d’Apis. A une époque tardive, cet Apis était devenu le type du taureau, signe équinoxial, alors premier des douze signes du zodiaque, qu’Osiris, c’est-à-dire ici le Soleil, avait rendu dépositaire de la fécondité.
Ainsi que dans beaucoup de religions asiatiques, le taureau avait été adopté, dès les premiers âges, par les Égéens, comme le symbole de la force et de l’énergie créatrice. Il devint plus tard l’emblème du Grand dieu qui faisait pendant à la Grande déesse, et joua, comme tel, un rôle important dans les légendes crétoises; il lui arriva même de s’incorporer à la nature divine : le Minotaure est analogue au dieu Taureau des Elamites, ou à l’Enki des Sumériens, qui était aussi « le taureau sauvage du ciel et de la terre »
. (source)
Maintenant se pose la question du pourquoi. Pourquoi un dieu taureau ? Pourquoi une figure mâle, dominante, destructrice ? Le culte de la vache peut se comprendre : elle donne du lait, elle est la nourricière de nombreuses peuplades, comme les Masaïs ou d’autres tribus africaines, et comme les nomades d’Asie. La vache était sacrée bien avant le taureau. J’ai expliqué comment
Hathor est l’incarnation de la
vache sacrée des Hindous. On sait aussi que les Amérindiens vénère le souvenir de la Femme Bison Blanc, autre incarnation divine de la vache sacrée. Et puis vint le Taureau. La quadruple figure du
Tétramorphe montre un bœuf, taureau sans sève. C’est aussi
la figure du bœuf qu’on retrouve dans la mythique crèche de l’enfant Jésus.
La séquence divine pourrait donc s’écrire ainsi, dans l’ordre d’apparition sur l’écran : la Taure, le Taureau, le Bœuf. Encore une fois, pourquoi ? Pourquoi un animal féminin a laissé place à sa version masculine, puis émasculée ? Je pars du principe que le hasard n’existe pas. Al Azhar, l’université du Caire, s’écrit comme Ouzir en arabe, langue sans voyelles écrites. Ouzir, c’est
Osiris. Le hasard est une manifestation divine, si l’on entend divin dans le sens antique, très éloigné du sens actuel. Le hasard, comme l’a montré
C. G. Jung, s’appellerait mieux synchronicité. Je pars donc du principe que tout ce qui est, a du sens. Tout ce qui arrive n’obéit jamais au hasard, mais toujours à une nécessité. Il arrive souvent que cette nécessité ne soit pas perçue parce que trop intérieure, trop spirituelle. On parle alors de hasard. Mais ça n’existe pas. Le hasard, notion absurde, a été inventé par des scientifiques matérialistes, calcifiés dans le monde infécond de la raison pure.
Tout ce qui est pur est imbuvable, disait Paul Claudel. Je note que vis-à-vis de sa sœur Camille, le petit Paul s’est comporté comme un pur crétin. Du coup, sa prose est imbuvable.
Sur un sceau découvert à Mohenjo-Daro, daté du 2e millénaire
AECavant l’ère commune, on peut voir un dieu taureau ithyphallique, c’est à dire en érection. Alain Daniélou l’identifie sans hésiter au dieu
Shiva :
« On voit le dieu Shiva ithyphallique (urdhvamedhra) assis en posture de yoga. Sa tête est couronnée de cornes de taureau. On y trouve aussi de nombreux masques cornus et des représentations de taureaux à bosse. Le taureau unicorne est aussi représenté à Mohenjo-Daro. » De nos jours, on n’identifie plus ce yogi à Shiva, car ce dieu est assimilé aux dieux hindous plus tardifs, comme Vichnou,
Indra et Brahma. Je suis sur ce point de la vieille école, et je me range à l’avis de Daniélou : il s’agit bien de Shiva. Et il bande. La prééminence du sexe mâle est ici affirmée sans ambage ni fausse pudeur. Je bande donc je suis, pensait Descartes. Il n’a pas osé écrire ça, bien entendu.
Pour moi, Shiva est la figure du triomphe mâle. Ce dieu en érection représente la victoire du principe masculin sur le féminin hégémonique. Après des ères entières où la Femme a régné en maîtresse incontestée sous l’égide des Reptiliens, le temps est venu du renversement. Le pouvoir machiste a pris son origine avec le dieu taureau. Les Matriarches ont vu leur pouvoir battu en brèche par des guerriers masculins qui, les premiers, ont osé leur tenir tête. Le pouvoir féminin avait vécu, emporté non par la révolte mâle, mais par ses propres excès.
N’oublions pas que les Matriarches ont commencé dans l’amour et le respect de toute créature vivante, pour finir dans la barbarie immonde de la guerre des sexes, avec
les Amazones, garde rapprochée de la
Déesse, qui traquaient les hommes et les émasculaient, avant de les rôtir pour les dévorer.
Les Amazones correspondent à la figure archétypale de la mante religieuse, cet insecte femelle qui dévore le mâle après la copulation. Comme la mante religieuse par rapport à son petit mâle, les humaines étaient des géantes par rapport aux petits humains qui avaient peu ou prou la taille actuelle. J’ai conté cet épisode peu connu dans l’article
Lilith et le petit Adam. Adam n’est pas un individu, mais un groupe. On devrait écrire les Adams.
La famille Adams…Non je déconne. Il n’en est pas moins vrai que beaucoup de noms bibliques ou issus d’autres mythologies doivent s’entendre dans un sens collectif :
Quetzalcoatl,
Hénoch,
Lilith,
Eve,
Adam,
Lugh,
Cùchulainn,
Viracocha,
Rama, Merlin et beaucoup d’autres sont à la fois un peuple et le chef de ce peuple.
Après le déclin du pouvoir féminin et la quasi disparition des
géantes, qu’on peut aussi appeler les
Liliths ou les
Matriarches, un
pouvoir mâle dictatorial fit soigneusement disparaître des archives toute trace de cette période maudite. C’est alors que les noms des Déesses et des Générales d’armée furent masculinisés. Ainsi, la déesse
Hathor est devenu
Thor, le dieu scandinave qui n’a pas plus de réalité historique que
Jésus, autre inventé célèbre. Le culte de la
Déesse Mère fut remplacé par le culte de Dieu le Père, non sans laisser subsister de nombreuses incongruités. Une
Mère maternelle, comme le furent
Isis,
Athéna,
Hathor et bien d’autres, cela peut aisément se concevoir. Mais les mâles sont nettement plus bagarreurs, pleins de morgue et de vindicte, animés d’un instinct guerrier et de pulsions destructrices.
C’est pourquoi le Dieu d’amour n’est pas très convaincant dans sa version masculine. Il suffit de lire la Bible pour constater que Jéhovah /
Yahveh se comporte non en dieu mais en chef d’armée, non en parangon d’amour mais en
bourreau capricieux surtout motivé par l’ego. Cette obsession qu’il a d’être
reconnu comme le seul dieu prouve assez qu’il y en avait d’autres. Yahveh n’avait rien d’un chrétien, qui se doit d’aimer, de pardonner, de faire preuve de douceur et de gentillesse, qualités qu’on chercherait vainement chez Yahveh ou chez n’importe quel autre « dieu unique » de la Bible — Elie,
Elohim, Adonaï, Jéhovah, Yahveh, on en compte une douzaine ! Sans compter le numéro 13,
Dieu, du nom grec d’un surhomme tout à fait païen et pas du tout unique lui non plus,
Zeus. Qui soit dit en passant se comporte non pas en maître des dieux, mais plutôt en prince consort de la vraie patronne,
Héra / Junon.
Bon, ça suffit pour aujourd’hui. Je vous conterai la suite un autre jour.