Les Doors tirent leur nom de cette citation. Jim Morrison adorait les écrits et les peintures de William Blake. Ces deux géants se sont parlés par delà l’espace et le temps.

 

Il n’y a pas que Jim Morrison qui a gobé  cette citation. Avant lui, Aldous Huxley en a fait le titre de son journal sur la prise de drogues. « Les Portes de la perception relatent une expérience médicale (et philosophique) à laquelle s’est prêtée l’écrivain Aldous HUXLEY au mois de mai 1953 en Californie. » (source)

Huxley nous raconte comme plusieurs prises de mescaline l’ont amené à percevoir autrement. Il est vrai que les drogues peuvent être utilisées comme ouvre-boîte… chez certains sujets particulièrement bouchés, ajoute Juan Matus le benefactor de Carlitos Castaneda.

Mais l’ouverture des portes de la perception, dans l’esprit de William Blake comme dans le mien, n’est pas du tout liée à la prise de drogues. Il y a d’autres moyens d’y parvenir, plus sûrs et moins illégaux.

Maintenant la cause est entendue. La perception a des portes, et ces portes sont fermées. Triste vérité. Qu’y faire ? Ouvrir ces bon dieu de portes à coups de pieds s’il le faut. Et ça me connaît, pas vrai ? Certaines de mes pages sont de joyeux coups de pieds aux culs méritants ou nécessiteux.Certains culs méritent les coups de pied, pour d’autres ils sont nécessaires.

La plupart de mes histoires visent à vous faire changer d’air et de chanson d’un claquement de doigt. Un article te saute à la gueule : il y a un avant et un après. Qu’est-ce qui a changé ? Tu respires plus grand, tu vois plus large.

Tel est le boulot du conteur. Te donner des opportunités d’éveil. T’amener devant les portes de la perception. Si besoin, te montrer la poignée. Mais pour ce qui est d’ouvrir, c’est à toi de faire le boulot.

Mais quelles portes ?

Qu’est-ce que ça veut dire ? La perception n’est pas fermée, voyons ! Si elle l’était, on ne sentirait keud, on n’entendrait nib, on n’y verrait que du feu. Je sais bien que le sinistre Descartes soutient que nos sens nous trompent. Est-ce de cela qu’il s’agit ? Nos sens qui nous trompent, ce sont les portes de la perception qui se ferment, c’est ça ?

Pour moi, quand les portes de la perception sont fermées, c’est cool, on ne peut pas payer nos impôts. Gag. Bon, assez ri, reprenons. Nos sens ne nous trompent pas. Descartes se trompe. Nous trompe ! Il fait trop confiance au cerveau. « Je pense donc je suis » !! Son cogito, quelle connerie ! Mais j’en ai déjà parlé.

Nos sens envoient leur message au cerveau. Nos sens enregistrent fidèlement les données, mais le cerveau interprète. Il subit de multiples influences : conditionnement, pulsions inconscientes, censure sociétale, bon sens, incrédulité, précédentes expériences, plausibilité, conformisme…

Nombreux sont les paramètres qui modifient le message brut de nos sens. Le  cerveau applique tous ces filtres sur l’image, le son, la sensation perçue. Au lieu d’avoir le véritable spectacle du monde qui m’entoure, j’en ai une version aseptisée, acceptable, lissée, politiquement correcte.

Cette forme d’auto-censure est certainement la plus dangereuse, car elle reste ignorée de tous et de chacun.

Toute réalité existe dans l’esprit. Le phénomène externe, ce qui apparaît, n’est que son expression extérieure. L’univers visible est le reflet de l’invisible.

Platon

 

Le vieux Platon avait bien vu que la réalité est déformée par l’esprit qui la perçoit. Mais il s’en félicitait, bizarrement…

 

 

L’inventaire

Tous ces paramètres, tous ces filtres déformants sont désignés par le nagualisme sous le nom d’inventaire. L’inventaire est la somme des données stockées en toi, et qui exercent une influence sur tes représentations. L’inventaire est ta représentation du monde et de toi-même. Une représentation fausse. La réalité toujours s’en échappe. A la fois très intime et très déformée, très personnelle et très universelle, l’image que tu te fais de la réalité n’est pas la réalité.

L’inventaire comprend des données intimes, issues de ton expérience unique. Il comprend aussi des données sociétales, qui viennent de ta culture et du lieu où tu vis. Il comporte enfin des données partagées par tous tes frères terriens, des données propres à ton espèce.

Chacun peut toucher du doigt l’action négative de l’inventaire et sa façon de brouiller un message brut. Il s’agit du rêve. Toutes les nuits, nous faisons de nombreux rêves dont le contenu précis nous serait précieux. Très peu arrivent à la conscience. Ceux qui y parviennent ont un contenu brouillé, dans le désordre, truffé d’incohérences et d’invraisemblances.

Le rêve est clair au départ. C’est sa traduction qui déconne. Le mental brouille les pistes. Il fabrique le récit de ce rêve.  Un habillage fabriqué par la conscience, issu de l’inventaire, et mis en place par le cerveau. Un habillage qui filtre et transforme tout ce qui te parvient. Exactement comme le ferait un programme informatique. Pour certains c’en est un.

Il y a d’autres façons de désigner l’inventaire. La scientologie appelle ça la banque de données, le data base personnel. Je propose de parler de programme.

Ce programme, ce filtre, cet inventaire, les anciens l’appelaient le voile d’Isis. Ouvrir les portes de la perception revient à soulever le voile d’Isis. Le nagualisme l’appelle le voir. La vision subtile. Tant que tu n’y parviens pas, ta perception reste faussée.

Voir l’infini

C’est comme ça. La perception humaine est faussée. Obscurcie. Brouillée. Il importe donc de censurer cette censure. De se débarrasser de l’inventaire humain. De passer outre le mensonge pour trouver la lumière. « Lao-Tseu l’a dit, il faut trouver la voie. Je vais te couper la tête. », annonce Didi le fou au pauvre Tintin du Lotus Bleu.

 

 

Se couper la tête, c’est à dire se débarrasser du flot importun des pensées. Elles t’empêchent d’agir. Et si tu agis quand même, les pensées faussent ta perception. Ton action fait long feu. Donc, en premier lieu, coupe-toi la tête. Tu percevras mieux.

Il faut du temps au guerrier pour nettoyer sa perception. La plupart des gens n’en ont rien à battre. Le guerrier, si. Un jour, à force d’exercices quotidiens, la porte s’ouvre. Le guerrier voit. À partir de ce moment, tout devient différent. Mes efforts constants n’ont qu’un but. Pousser les deux battants des Portes de la Perception. Vous permettre d’ouvrir ces portes en grand.

« Tout honnête homme est un prophète. Il émet son opinion aussi bien en matière privée qu’en matière publique, disant : « si vous continuez ainsi, il vous arrivera ceci. » Il ne dit jamais : « ceci arrivera quoi que vous fassiez. » Le prophète est un voyant, pas un dictateur arbitraire ».

Dans cette note marginale de 1798, William Blake nous donne les moyens de prendre à sa juste mesure ce qu’il appelait lui-même ses « prophéties », ses « visions », dont le simple titre, rebutant la tradition rationaliste, a entouré son nom d’une aura plutôt négative : celle d’un « enlumineur illuminé », d’un doux rêveur ésotérique doué pour la peinture mais ayant peu à donner à la philosophie. Blake fut pourtant, autant qu’il fut poète, un authentique philosophe.

Je partage ce point de vue. La hauteur de son génie l’a amené à s’exprimer par les arts autant que par la pensée. Blake est un philosophe de l’action. De l’exemple. William Blake n’a aucun système philosophique au sens universitaire, il est plus un sage, une source infinie d’inspiration pour les chercheurs de vérité.

Ce mystique surdoué n’a pas dédaigné les sujets purement intellectuels. Comme tout bon philosophe, Blake aime la science. La recherche. Les découvertes fondamentales. En témoigne cette peinture atypique, où il représente Isaac Newton à la manière antique, en tenue d’Adam, un compas en main tel l’attribut des divinités grecque.

 

 

Dans l’action de grâce comme dans l’épreuve, William Blake m’a été d’une aide et d’un réconfort précieux. Jim Morrison aussi, dans un autre style.  « Notre pâle raison nous empêche de voir l’infini » a dit Jim Morrison.

Comment cesser d’écouter les Doors ? Ces gars ont vraiment entrouvert la porte blindée. Quand ils jouaient pour leur public déjanté, que du bonheur ! Ca danse dans l’ascenseur. Je ne sais pas si on a vu l’infini, en tout cas on a vu les étoiles.

 

 

Xavier Séguin

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Xavier Séguin

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