La contre-initiation

 

Les gens ont le goût du normal, qu’ils confondent avec le banal. Ils voient que le monde est bancal, ils trouvent ça normal. Ils voient bien que la pente est fatale, mais pour eux l’anormal est banal. Ils jouent. Ils touchent à tout. Ils s’en foutent, ils sont fous. Ils n’aiment pas l’énorme. Ils restent dans la norme. Ils se voient tout petits dans leur miroir de poche. Ils sont moches. Ils postent leur vacuité sur les réseaux sociaux. Et on les encourage !

Ne ressemble à personne

Ne pas réfléchir. Jamais. Dévoyer le désir. Toujours. Dépenser sans penser, tel un rat lésiner : dans les deux cas on se fourvoie. Se planter pour recommencer. Rien ne sert pourtant de changer. Pourquoi doit-on s’améliorer ? Se châtier ? Se ronger ? J’aime autant rire et m’amuser. Désirer des fumées, des bêtises, un rien qui s’éteint dans la brume du soir qui vient. Détourner le plaisir noir. Mon argent blanc, mes loisirs pires. Ne plus rêver de rien, vivre avec mon chagrin.

A l’autre extrémité, désirer le bonheur qu’ils croient sentir ici. Vouloir nos paradis. (Vanne) Et ça, vu d’ici, c’est l’enfer, chante Paradis pour Aubert.)

Et toi tu es là, tu balances, pour ou con, tu t’en balances. Le monde est immense, mais en nous il est profond comme la mer. Tu es unique comme tout ce qui vit. Même les clones sont uniques. En toi pas de bug, pas d’erreur de fabrication. Pas de décalogue, pas d’ordre de mission. Tu n’es pas seul. Tu es unique. Tu es tout seul. Tu es nombreux. Ça te console. Tu es heureux.

Quand tu mens pour faire plaisir, tu es un agent de la contre-initiation. Seule la vérité est libératrice. Commence par ne plus te mentir à toi-même. Tu es unique, n’imite personne, ne cherche pas à ressembler à celle-ci ou à celui-là. Sois toujours toi.

Devinette

Jouons avec les mots, ils nous manquent tant, banquetant et ripaillant jadis avec les faiseurs d’or sonore, maîtres ès beau langage et parler fleuri qui enchantaient les salons de nos lointains ancêtres, du temps de Molière, du temps de Sodome, du temps où les dieux marchaient parmi les hommes. Nos amis les mots jouent à saute-mouton, silence, écoutons ! Potion d’exception contre la maladie qui gagne et qui dégrade. On l’appelle la dégénérescence globale. Le seul remplacement qui nous guette, c’est le fond de la piscine. Du coup le bout de la route. Le déclin s’accélère et se généralise. Un pas de plus vers la mort d’un monde. La fin d’une ère. Bientôt la disparition de nos petits semblables, et nous avec, hein, pas de jaloux !

Faut-il pleurer ? Faut-il en rire ? Font-ils envie ou bien pitié ? Je n’ai pas le cœur à le dire. On ne voit pas le temps passer. (Jean Ferrat)

Le déclin est partout, rongeant tout comme une armée de termites, il mine, il mite, délite, débite, il dynamite, il déshérite et tout le monde regarde ailleurs. Le déclin nous bouffe tout crus, qui l’eut cru ? Tout est tellement déclinant que nos dirigeants déclinent toute responsabilité dans le déclin programmé d’un monde déjà défunt. Ça sent la fin. Les séraphins sont au parfum. Les chérubins sont dans le bain. Les carabines aux carabins. Les concubins ont la combine, les colombins dans la cabine. (source)Sapula, maire d’Issy

Exit Homo

Merde alors ! Quand Adam est arrivé, les anges ont sonné leurs trompettes, ils ont clamé Ecce Homo ! Voici l’Homme ! La joie éclatait en rafales parfumées. Mais là ça fouette. On entend les trompettes au loin. Déjà ! L’armée céleste est de retour. Elle est là. Dans la cour. Et nous dans le caca. Jusqu’au cou. Déjà l’archange de mort est sorti des enfers. Immortel Frakacel Archange, devant Toi la Mort pourra mourir de peur. Sur le seuil de Ta forge, héroïque et brutal, Tu démontes Ton flingue, nettoies Ton katana. Un piano de bastringue égrène un hosanna. Vu le look du morlingue allons vite au sana.

Rome n’est plus dans Rome. L’archange était un homme. Un mortel à la gomme. Un nain buveur de rhum. Un Caraïbe en somme. Purgez donc votre corps de trois grains d’élébore. N’en déplaise à Rochefort, la Mort était vert pomme et sentait l’ananas. (source)Jean Rochefort in Le mari de la coiffeuse. Exit homo ad vitam aeternam amen. Taille la route, Jack. Et ne reviens jamais. (écouter)

 

 

Alors arrête

Arrête de croire, arrête de suivre, arrête la confiance aveugle. Il n’y a pas de système, pas de garde-fou. Dans un éclair de chaleur et de lumière notre planète peut disparaître et la seconde suivante sera la première d’un monde où le nôtre n’aura jamais eu lieu.

Personne ne sait rien d’important. Ils font semblant, ils prennent des airs, ils se taisent et ce qu’on a de mieux à faire, c’est de se taire — quand on n’a rien à dire. Ceux qui parlent prennent le risque de trop parler. Celui qui se tait court le risque de ne pas se faire entendre. S’il n’a rien à dire, on s’en tape. Celui qui sait n’est pas né, celui qui ne sait pas est tout nu devant vous depuis 13 ans déjà. Plus c’est dur, plus ça dure.

 Ceux qui savent ne parlent pas  et ceux qui parlent ne savent pas. Le sage enseigne par ses actes  et non par ses paroles. (Lao Tseu)

 

Tous les hauts-parleurs du monde diffusent les mêmes mensonges. N’écoute pas le monde, écoute ton cœur.

Ecoute ton corps. Il sait. (Jean-Claude Flornoy)

 

Le complot de la bien-pensance

Penser mou, penser flou, penser correct, jamais direct. Vrai pour nous, vrai pour tous. La science pédale dans la choucroute et les derniers chercheurs se pendent dans leur soupentes. Le scandale est énorme, bien caché sous sa propre honte : la bien-pensance. On refuse d’accorder crédit aux hypothèses qui sortent trop de l’ordinaire. On se fabrique un monde ordinaire. Pas besoin d’Illuminati, clandestins ou visibles, pour précipiter cette civilisation dans l’erreur. Pas besoin de complot, le mensonge est auto-produit.

Seuls les petits secrets ont besoin d’être protéges.Les grands sont tenus secrets par l’incrédulité du public. (Marshall McLuhan)

 

La bien-pensance n’est pas un complot, mais pire : fiasco complet, fiasco qui plaît. Défense de sortir des rails. Il y va de la vie des autres. Surveille-toi, tu gênes les voisins, les passants, les cousins, les gens. Ce qui me gêne, c’est la haine, le crime, la peur, le vice. Pas les gens. Même pas ceux qui ont des chiens pour se protéger de leurs semblables. Ils deviennent des dieux pour leur bête, de tristes dieux bêtes. On n’ose pas les moquer, ils sont une trop belle part de marché, la société consumériste se doit de les respecter. Mais quelle bande de tarés !

Si tu veux un chien, choisis la vie sauvage. Naturelle. La vraie vie des vrais animaux. Rends-le à sa nature, celle qu’il avait avant d’être ton esclave soumis.

 

 

Âneries

Mais je suis le seul à oser dire ça. Tout le monde s’aligne sur les âneries bien-pensantes, qui disent souvent tout le contraire. Ah là là ! La voilà, la contre-initiation. Respecter même l’absurde. Le dément. Le pervers. Oui, il y a de la perversion à devenir le dieu d’un cabot faute d’être un frère des hommes. Pauvre pomme. On ne s’aime pas, donc on hait tout le monde. On ne se connaît pas. En fermant sa porte, on se ferme toutes les autres.

Plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien. On entend ça souvent. On entend tant de cancans, de quinquins, de cocos, de cucus, de concons. Qui n’aime pas les bêtes, n’aime pas les gens. C’est aussi ce qu’on entend. J’aime les bêtes libres et sauvages, je n’aime pas les gens asservis, soumis, endormis. Ceux qui n’écoutent qu’une seule voix, qu’elle vienne du web, du voisin ou de la télé. Une seule voix à la fois qui leur tient lieu de dieu. Ils broutent autour de ce pieu. Tout petits, ils sont déjà trop vieux. Ils ont renoncé à comprendre, ils sont à deux doigts de se rendre.

Tu n’es pas de ceux-là. Toi tu ne sais pas ce que tu fais là. Tu veux comprendre quoi qu’il en coûte. Pas de doute. Ta vie tient la route. Si ta quête te coûte, elle est ta victoire. Ta mer à boire. Et tu as grand soif.

Auto-censure

C’est la censure que chacun de nous exerce dans la masse frénétique d’infos qui nous parviennent à chaque instant. Pas seulement les infos au sens news, à chaque instant mon cerveau doit traiter bien plus que ça. Tous les messages de mes sens sont des infos. Probablement les plus précieuses. La totalité des infos recueillies représente mon image du monde à l’instant T.

Chacun de mes sens, à chaque instant, m’envoie plusieurs messages bruts, des infos que je dois interpréter aussitôt pour prendre la bonne décision. Dans de nombreuses activités, la moindre erreur peut avoir des conséquences gravissimes. Pourtant peu de personnes sont disposées à augmenter la somme des infos afin d’obtenir une peinture plus précise et plus fidèle de la situation. La plupart des gens se disent qu’il y a déjà bien assez d’infos dont l’utilité leur échappe sans qu’il soit nécessaire d’en ajouter encore. La loi d’oubli est issue de ça.

Le besoin fait naître de nouveaux organes de perceptions. Homme, accrois donc ton besoin afin de pouvoir accroître ta perception. (Rumi)

 

Paresse

Cette erreur imputable à la seule paresse prive la majorité des gens d’une image du monde bien différente de celle, banale, dont ils cultivent la foi. Leur monde sans relief n’existe que parce qu’ils y croient. Qu’ils cessent d’y croire et à l’instant leur monde s’écroulera. Nos pensées créent le monde. L’ennui, c’est qu’à force de penser tous pareil, on a créé un monde ordinaire, sans grandeur, sans mystère, sans aventure et sans s’y plaire.

Il est courant de chercher l’aventure morte dans le monde virtuel. Les jeux vidéo comblent cette attente. Mais l’aventure sans risque n’est qu’adrénaline en chocolat. Un peu comme Jésus, l’image pieuse. Un jeune homme doux, en robe longue, avec sa barbe blonde. Et quand t’as dix images, la dame ktdame catho qui fait le catéchisme te les échange pour un Jésus en chocolat.

 

 

Réveil

Complot contre soi-même, auto-alimenté par chacun de nous tant qu’il reproduit la pensée dominante par ses paroles et ses actes, tant qu’il renie ses valeurs de cœur pour des passeports de conformité. Oui, la bien-pensance nous fout tous les jours un peu plus dans la merde. Ce mal, comme bien d’autres, nous vient du pays des enfants. Les Zétazunis. Présidents, Rois, Empereurs des Faux-Culs, ils cumulent les titres. Champions du monde ! Ils ont gagné, on les imite, on n’est pas les derniers en faux-cutage. Grâce à la mondialisation, le mal se répand partout. Tel est le complot de la contre-initiation. Un crime auto-entretenu par des milliers de suiveurs mous.

Je vous enseigne le Surhumain. L’homme n’existe que pour être dépassé. Qu’avez-vous fait pour le dépasser ? (Friedrich Nietzsche)

 

Nietzsche, au secours ! L’esprit s’enlise, il a perdu ses ailes, son zèle, ça gèle ! Toute société qui autorise que s’amenuise ainsi l’esprit est une société condamnée. Le pouvoir quel qu’il soit ne tient que par la fragilité des faibles, l’impuissance des exclus, le martyr des vaillants. Il vit ses derniers instants. Le peuple qui se réveille n’en a déjà plus rien à foutre.

Les pouvoirs, par contre, n’ont rien à voir. Ils sont plus subtils…

Ah le pouvoir ! Ceux qui vous dirigent font semblant d’en avoir. Semblant de savoir, semblant de comprendre, semblant de diriger, semblant d’aimer. Ils ne savent pas. Ils ne dirigent rien, pas même eux. Témoins d’un monde déjà mort, piliers d’un immeuble écroulé, ils ne sont que baudruches pleines de vent. Si faibles, si veules, irrésolus, blasés, dégoûtés, snobs, dépassés, creux, vieillots, démodés, lisses, factices, à quel étrange électeur peuvent-ils faire envie ? Le devoir civique, face à ces tristes culs, c’est l’abstention.

Ne veautons plus

La contre-initiation est suppressive. Elle exalte la négativité, l’instinct égoïste, la possession, l’exclusion. La contre-initiation est donc le principal caractère de cette triste fin d’ère, ce terminus de l’âge de fer, inique et cruel, déchirant. Le monde est mort, le temps tire à sa fin. Et nous à la nôtre. En cette sale époque, tout le monde veut du fric, du pèze, de la thune et des millions. Les deux-trois rigolos qui cherchent l’éveil le ramassent sous le pas d’un cheval. (source)dicton lamaïste Personne n’en veut. Personne n’y croit plus.

En particulier les éveillés eux-mêmes, paumés dans des milieux sordides, ramant comme des galériens au cœur de familles horribles ou de clans diaboliques. Ils œuvrent de partout. Ils se grouillent, ils grouillent, ils sont partout. On ne les voit pas — qui s’y intéresse ? Mais moins on les voit, plus ils gagnent du terrain. Loin des élus, loin des partis, eux, ils sont venus. Ils écoutent. Qui ça ? Ils se dévouent. Pour qui ?

Pour tous les pauvres bougres qu’on ignore depuis trop longtemps, qu’on ne voit plus, qu’on n’écoute plus mourir, qu’on efface et qui crèvent, ne plus voter, c’est le minimum. Ne plus faire semblant, ne plus jouer le veau qui part à l’abattoir, ne plus voir le monde qui les ignore, c’est leur pain quotidien. Simple question de survie. S’absenter. S’abstenir. S’abstraire. Reste-t-il une autre façon d’agir — juste avant la révolution mondiale ?

 

 Enchanteur

Enchanter le monde n’est pas mentir aux gens. Je leur montre ce qu’ils ne voient plus. Ce qu’ils ont perdu de vue. Un passé qui les a déçu ressort tout neuf à leur insu. L’avenir chante entre leurs doigts s’ils y croient. S’ils n’y croient pas, tant pis pour eux. Ce futur se fera sans eux.

Chaque homme est seul et tous se fichent de tous. Et nos douleurs sont une île déserte.
Albert Cohen