Pour les spécialistes du passé, la question de la datation reste épineuse. D’où les disputes incessantes qui secouent les amphithéâtres. S’il existe plusieurs méthodes scientifiques pour dater les objets, aucune n’est absolument fiable, universelle ou rigoureuse. Je voudrais en proposer une inédite, moins facétieuse qu’il y paraît.
Mes lecteurs les plus assidus savent que j’adore rapprocher les deux conceptions de notre passé lointain : la vision historique et la version mythologique. N’en déplaise aux historiens, elles se répondent l’une l’autre. Il faut être bien fou pour se priver de l’immense mine de données que contiennent les mythes et les légendes. Précieux indicateurs épargnés par les âges, les croyances, les us et les rites reflètent les premiers temps.
Dès l’enfance, j’avais la passion des vieilles histoires et des récits mythologiques. Plus tard, j’ai vu dans les légendes une source historique de grande valeur, pour peu qu’on se donne la peine de regarder sous la jupe de Clio. Je ne parle pas de la bagnole, mais de la muse de l’Histoire.
Si les mythes étaient les contes à dormir debout qu’ils peuvent paraître à première vue, comment expliquer qu’ils soient les mêmes partout ? Si les légendes étaient des calembredaines, croyez-vous vraiment qu’elles se seraient transmises depuis des millénaires ? Légende vient du latin legenda. Ça veut dire : Qui mérite d’être lu. Je l’ai toujours su. J’ai bâti ma vie là-dessus.
On trouve une foule de légendes où il est question de vaches. Ces bovins jouent un rôle majeur dans les mythologies celtique, grecque, hindoue, dans les croyances des Masaï et dans les légendes des Amérindiens des Plaines. En cherchant bien, je suis sûr qu’on trouverait ces mêmes légendes partout où la vache a fait son apparition.
Et c’est l’idée : les données scientifiques sur l’apparition de la vache vont nous donner une date. Elle correspond, selon mon hypothèse, à la date des événements légendaires liés à des vaches.
Mais d’abord, quelle date la science retient-elle pour l’apparition de la vache ? La réponse est étonnante.
Tous les bovins modernes sont les descendants de 80 vaches qui ont été domestiquées il y a 10 500 ans en Iran à partir de l’aurochs sauvage, a démontré une équipe internationale de chercheurs. Pour reconstituer l’histoire des lignées bovines domestiques, les chercheurs ont comparé de petites variations de séquence observées dans l’ADN de 15 bovins archéologiques avec celles des vaches modernes. Les simulations informatiques établissent que les différences observées ne pouvaient résulter que d’un petit nombre initial de vaches d’environ 80 têtes. (source)
Franchement ça laisse rêveur. Un si petit nombre aurait peuplé toute la terre en l’espace de quelques siècles ? Par la seule ressource de la reproduction naturelle, sans l’aide de moyens extérieurs ? J’ai du mal à y croire. Mais pas les paléos archéos anthropomachins qui ont tout gobé. Au nom du diktat évolutionniste, ils sont prêts à admettre toutes les invraisemblances.
Il y a eu une intervention extérieure. Non pas divine, mais scientifique. Je pense bien sûr à la génétique. J’ai montré ailleurs à quel point nos créateurs étaient férus de génétique. Et brillantissimes de surcroît. Nous faisons partie des OGM qu’ils ont conçus. Merci à eux.
Ils ont donc tripatouillés les gènes de quelques aurochs pour inséminer quatre vingt femelles, et tout le reste a suivi : insémination artificielle d’aurochs femelles tout autour du monde, croisement des variétés de vaches obtenues, etc. Sans ce deus ex machina, sans une intervention de génie génétique, le nombre réduit de femelles originelles n’a guère de sens…
C’est un effectif étonnamment petit lorsqu’on prend en considération l’étendue du Moyen-Orient et la répétition probable des événements de domestication durant plusieurs siècles ou millénaires. (source)Jean-Denis Vigne, CNRS
Ce chercheur a raison, sauf si on imagine une opération d’envergure planétaire, menée par des praticiens généticiens rodés à ce genre d’interventions. Quand il s’agit de domestiquer une planète sauvage, il faut la peupler : le génie génétique et la repro in vitro sont des outils basiques.
Ce qui donne une date qu’on espère fiable : – 8500, il y a 10 500 ans. L’ère du Lion. Les ères astrologiques sont un autre excellent moyen de datation. Ainsi celle du Lion permet de situer la date de l’érection du Sphinx de Gizeh. Je devrais dire du Lion de Gizeh. Il a été érigé aux alentours de -10 000, au début de l’ère du Lion. Pourquoi ? Parce que c’était une tradition de fêter les changements d’ère par l’érection d’un monument. Le Lion couché date de cette époque. Il n’était pas encore le sphinx, il portait une crinière, il n’avait pas encore la tête de pharaon qui sera sculptée par la suite, quand il deviendra l’énigme du Sphinx.
En Irlande, un des plus célèbres récits mythologiques s’appelle Táin Bó Cúailnge, la Razzia des Vaches de Cooley. Vous avez dit « vaches » ? Ce récit s’est déroulé à l’ère du Lion, il y a 10500 ans. Il met en scène le principal héros Irlandais, Cuchùlainn, et les Tuatha dé Danaan, le Peuple de la déesse Dana Ann ou Ahn. Venus des quatre îles au nord du monde, ils sont ceux que les Grecs et les Latins appelaient les Hyperboréens.
Et leur nom même signifie clairement que les dieux étaient aux ordres de la Grande Déesse. Les dieux d’avant nous ont apporté le matriarcat, qui était la règle chez eux. L’invention de la prépondérance masculine est arrivée plus tard, beaucoup plus tard. C’est un mensonge doublé d’une faute et triplé d’une erreur. Le tiercé dans l’ordre.
Cuchulainn appartient à l’âge des Héros. Comme Hercule, Lug, Gilgamesh, Jason, Achille, que l’on peut tous dater de la même période, l’ère du Lion. Il se trouve mêlé à une sombre histoire de taureau reproducteur et d’un troupeau de génisses réticentes. Il s’agirait de reproduction intensive que ça ne m’étonnerait guère. Le récit ne le spécifie pas, mais à lire entre les lignes on peut aisément le concevoir. Il s’agit rien moins que de nourrir la planète nouvelle.
Hercule, ou Héraklès pour les Grecs, c’est à dire gloire d’Héra, a été condamné par les dieux à réussir douze exploits. S’il échoue à un seul d’entre eux, c’est la mort assurée. Le héros ne se dégonfle pas, il les réussit à peu près tous les douze. Notamment deux qui mettent en scène des bovins. Il parvient à mater le redoutable taureau de Crète, et le monstre Géryon à qui il dérobe son troupeau de bovidés.
Cette dernière histoire présente de nombreux points communs avec la précédente. La razzia des vaches de Cooley se passe en Irlande, le monstre Géryon est en Grèce, mais à part ce détail géographique, les faits semblent identiques. Ainsi donc, Cuchùlainn serait Héraklès ? Pourquoi pas ? Les légendes sont nombreuses, mais les héros étaient planétaires. Ils ont plusieurs noms, plusieurs origines et plusieurs patries… selon le pays qui les loue.
Pour Cuchùlainn comme pour Hercule, il s’agit de s’approprier un troupeau. Qu’a-t-il donc de si précieux ? Eh bien, il peut s’agir de mères porteuses au riche patrimoine génétique, ou bien de génisses améliorées capables de vêler comme des reines de la ruche, tout est possible. Mais il faut un véritable enjeu. On voit mal des héros se transformer en vulgaires voleurs de bétail.
Et le taureau indomptable pourrait être un précieux étalon obtenu, lui aussi, grâce aux manips génétiques des anciens dieux ? Voilà pourquoi il fallait l’attraper vivant… Les armes d’Hercule sont impuissantes, les traits et les glaives ne peuvent percer sa peau semblable à l’airain. Métal dur de l’antiquité, variante de bronze. Ce n’est pas n’importe quel taureau. Sur ce point la légende dit vrai. Mais elle n’a pas su garder la totalité du message originel. Il est question ici de génie génétique, de science, et non de magie bizarre et d’exploits chimériques. Il faut repeupler.
Les enjeux de la biosphère terrestre sont si importants que les dieux terraformeurs n’ont pas d’autre priorité. Cette mission sacrée passe avant tout. S’ils la remplissent, la Terre pourra connaître une nouvelle jeunesse. Notre planète se relève à peine d’un terrible cataclysme qui a éradiqué une grande partie des espèces vivantes.
L’espèce dominante, les Reptiliens – ou Titans pour les Grecs, ou dieux d’avant pour moi – décimée par des guerres intestines, a quasiment disparue. Il faut repartir à zéro, ou presque. D’où la présence accrue de généticiens, des éthologistes, entomologistes, herpétologues et autres spécialistes du règne animal. Effervescence chez les Olympiens, maîtres de la planète – des Titans.
Prométhée / Enki est en Perse dans son labo génétique creusé au cœur de la montagne. Il met au point une variété de vaches jamais vues. Elles ont toutes les qualités requises pour nourrir les humains comme les dieux. Douceur du lait, goût de la viande, il a tout prévu. Avec des variantes individuelles pour stimuler l’évolution naturelle. Il a créé quatre vingt femelles qui mériteraient de devenir déesses à leur tour.
Rama les a vues, ces quatre vingt déesses. Il était enfant, mais jamais il n’a pu les oublier. Quatre vingt génisses parées de tous les charmes, toutes les grâces, toutes les beautés. Et puis Rama s’est battu pour se tailler un empire digne de lui. À l’âge mûr, il a gagné l’Inde, conquis ses royaumes, et séduit ses princesses. La sagesse venant avec les ans, il s’est retiré dans l’Himalaya où il est devenu le tout premier Bouddha, il a commencé son enseignement à Srinagar sous le nom de Lama. Car le son r est impossible à prononcer pour les habitants de cette partie du monde. C’est le l qui le remplace. D’où Lama de Slinagal, gland éveillé, plemier Bouddha.
Lama s’est souvenu de son enfance. Il a béni les yacks, il a béni les vaches à bosse, aux longues cornes effilées. Il est tombé amoureux de leur grâce. Il s’est souvenu des 80 génisses porteuses de tant d’espérance. Il a dit : « Cet animal est sacré. On ne peut manger sa chair, mais on doit boire son lait. La Vache a tous les droits. l’Inde est son royaume à jamais. Elle règne sur nous et nous l’honorerons comme notre reine dans les siècles des siècles. »
Des millénaires ont passé. Dans tout le sous-continent indien, la vache jouit toujours d’un statut particulier. Les disciples de Rama sont plus nombreux que les étoiles dans la mer ou que les grains de sable dans les yeux de Clio. Et Nietzsche, curieux de tout, comprenant tout, ne peut s’empêcher d’installer son Zarathoustra dans une ville magique qu’il appelle La Vache Multicolore.
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