Il y a une grosse différence entre la réalité et l’image que nous en avons. Pour Castaneda, nous passons notre vie à habiller nos perceptions pour les rendre présentables, disons idéologiquement correctes. Sur ce point, la vision des chamanes rejoint celle de la physique quantique. Ce qui valide l’une comme l’autre.
Si on pouvait vous montrer d’un seul coup toutes les entourloupes que vous joue en permanence votre propre cerveau, vous seriez stupéfait. Un voile terne sur l’œil, un parfum niais répandu sur vos nobles traits feraient bien ressortir vos désarroi. Nos sens nous trompent, a dit Descartes tout content de sa trouvaille. Qu’aurait-il dit sachant que le cerveau nous trompe tout autant ?
Tel est en effet le mécanisme de l’habillage. Quand on est témoin d’une manifestation inédite, flash d’énergie ou tout autre chose anormale, on ne la voit pas dans sa vérité, qui pour nous ne correspond à rien… le plus souvent !
Ceux qui espèrent seront déçus. L’espoir tue.
Ceux qui désespèrent sont déjà foutus. Le désespoir empêche de vivre.
Ici encore, le guerrier de lumière va choisir la voie du milieu. Quand je dis choisir, je brode. A-t-il le choix ? Il suit la Règle inconsciente. Son impeccabilité le pousse vers telle voie.
Destin inéluctable qui fait dire aux Musulmans « Inch Allah ! C’est écrit ! » A quoi répondent les protestations des irréductibles : « Rien n’est écrit tant que je n’ai signé de mon sang. » Ce que le guerrier se défend de faire en toutes circonstances.
Le guerrier en djihad contre lui-même, arqué vers la Voie, toujours s’efforce de suivre le chemin qui a du cœur. Croire sans y croire vaut mieux que voir sans y voir. L’habillage, c’est voir sans y voir. L’habillage nous vole la réalité pour la remplacer à notre insu par des billevesées et autres craques. Grand déballage des brimborions confinés dans notre préconscient, la giga poubelle à idées toutes faites, pensées éculées, clichés jaunis.
Donc on ne connaît pas le réel ? Depuis le temps que je vous le dis. On ne connaît ni le réel, ni notre bonheur. On prend la belle fille nue, on l’habille avec nos fripes, elle ne ressemble plus à rien, tant pis, on est ravi. Le monde est infiniment plus magique que l’idée qu’on s’en fait. La fameuse idée qu’on. En cas de doute, répétez à haute voix la phrase précédente.
Idée con qui ne vient pas de notre observation, mais de sa déformation. On croit qu’on voit. On croit qu’on pige. On croit qu’on croit. Mais à quoi ? Ceux qui le savent ne le disent pas. Et ceux qui le disent ne le savent pas.
Ces brimborions, ces brins de rien, ces habitants de notre monde mental, Castaneda les appellent l’inventaire. Catalogue personnel d’images, d’idées, de lieux communs, de principes : ça rejoint un peu la notion de ça en psychanalyse, mais je n’aime guère comparer les notions lumineuses issues du nagualisme avec l’univers glauquissime des psy-machins et des psy-choses. Nos inventaires seraient plutôt des fourre-tout bourrés de poncifs et d’images. On pioche là-dedans de quoi habiller le phénomène dont on est témoin.
C’est instantané. Le cerveau fait ça tout seul, sans notre consentement. « A l’insu de notre plein gré », carrément incognito, quoi. Un mécanisme incontrôlé se déclenche tout seul, un programme pour mieux dire. Il est là comme un réglage d’usine, c’est notre configuration basique pour éviter la surchauffe des circuits.
« On ne peut pas leur montrer la vérité, ça les tuerait » se sont dit les pseudo-dieux (les Archontes, nos maîtres) qui nous ont programmé dans leur labos de génétique. Alors ils ont imaginé cette sécurité. Libre au guerrier de s’en affranchir. Ce sera au prix d’une réelle bataille contre les programmes et les pesanteurs.
Ainsi le guerrier éveillé peut se souvenir de ses rêves sans qu’ils soient déformés par l’habillage. Nous vivons toutes les nuits des tas d’aventures passionnantes, les astral volants et les loups volants s’en souviennent, parce que j’ai déverrouillé leur habillage en décryptant le rêve déformé.
La sécurité implantée en chacun de nous fonctionne maintenant sans rendre aucun compte aux dieux d’avant, ni même se soucier de ce qui est bon pour nous ou pas. On ne censure pas que les choses incompréhensibles, tels les phénomènes issus de la réalité non-ordinaire. On censure aussi ce qu’on risque de trop bien comprendre. La censure de l’habillage est un verrou de protection. On censure les données, on censure la vérité, on censure les faits bruts, on censure à peu près tout ce qui ne cadre avec la description du réel qu’on nous a inculqué depuis l’enfance.
Le travail du guerrier ou de toute personne résolue à décrocher la vérité consiste à désamorcer cette sécurité automatique pour soumettre tous les faits, toutes les données, tous les souvenirs à l’examen critique le plus approfondi. Ainsi demeure un faible espoir de cesser de nous abuser nous-mêmes. Certes la tâche est ardue, permanente, interminable. Bien souvent on renonce à la poursuivre parce qu’on ne sait même pas par où commencer les recherches.
La quête de soi-même est certainement la plus noble et la plus excitante des aventures. Bien peu de héros osent l’entreprendre. Il est plus facile de trouver un trésor pirate au fond des mers que la vérité au fond de nos cœurs…
Rien n’est jamais acquis à l’homme, chante Louis Aragon. Ni à la femme, répond Elsa Triolet. Et nos déceptions, et nos illusions s’en vont toutes nues dans la rue, ajoute Stéphane Kervor. Sans l’habillage, on en verrait des incongrues. L’habillage est ce qui rend la vie morose, banale, quotidienne. Mais l’absence d’habillage est terrifiant pour la plupart des gens.
L’habillage tue l’inédit, ressasse, rassure. Voir en face l’inconnu tuerait la plupart d’entre nous. Pour un guerrier, c’est l’habillage qui est mortel. Tandis qu’un homme ordinaire a recours à l’habillage comme un passeport social obligé. Imaginez un peu l’allure qu’auraient nos hommes politiques les fesses à l’air !! En fait, c’est ce qu’il se passe. Plus d’habillage pour eux… Ces cons-là sont à poil.
Car rien de ce qui était caché ne restera caché plus longtemps. Le temps vient où tout vous sera révélé.
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