Quoi Jeanne d’Arc ? Y a pas qu’elle ! On a tous des voix qui nous parlent dans la tête, dans le cœur, dans les tripes, dans les pieds… Pas vous ? Ah bon. Moi oui. Sans arrêt. D’où viennent-elles ? Qui me parle ? Je pose la question.
Bon, quand je dis que ces voix parlent, j’exagère un peu. Parfois ce sont des vraies paroles, avec des vrais mots, une certaine intonation, un timbre de voix. Un arbre qui parle, notamment. Mais le plus souvent je n’entends rien, j’ai juste une certitude, comme une voix muette. I hear the sound of silence…
Du temps où j’étais écolier, j’ai porté un appareil dentaire que je ne supportais pas, il me filait des courts-jus dans la bouche, très désagréable. Pourtant il avait son bon côté : de temps en temps, je captais une station de radio qui résonnait dans mes plombages ! Sans déconner… Ça c’était de vraies voix intérieures, électrisantes, mais distinctes.
Trop distinctes. Mes autres voix n’ont pas cette netteté, et surtout, personne d’autre ne peut les entendre. J’en suis le seul destinataire. Il arrive que mon estomac gargouille, ça fait rire ma chérie, mais la voix tripale dont je parle n’a rien à voir avec ces borborygmes. Le pouvoir du ventre s’exprime autrement que par des gargouillis. Pour intérieure qu’elle soit, la voix des tuyauteries n’est pas divine.
Quoique ? Imaginons qu’elle s’adresse à moi dans une langue inconnue, la sienne ? Comme celles des animaux… Il reste tant de choses à apprendre sur ce corps magique auquel on est si habitué qu’on a renoncé à l’explorer encore. Dommage.
J’entends des musiques dans ma caboche depuis que je suis tout gamin. Non, je ne parle pas de la radio dans mon dentier. Des musiques inconnues. J’appelle ça la musique des sphères, je crois entendre le chœur des anges. On dit que le divin Mozart entendait résonner en lui des symphonies parfaites, de sublimes harmonies. Il n’avait qu’à les transcrire, ce qu’il faisait fébrilement, se plaignant de ne pouvoir noter aussi vite que la musique.
Dans ces conditions, il est facile de devenir compositeur. C’est un peu mon cas, le génie en moins. Qui oserait se comparer à Mozart ? Seuls ses prénoms me correspondent : Wolfgang Amadeus signifie Clan du Loup Aimé de Dieu.
J’appartiens au Clan du Loup. Et la chance que j’ai montre bien le favoritisme dont j’ai bénéficié toute ma vie sans avoir rien fait pour m’en montrer digne. Et sans avoir le génie transcendant du grand Mozart, je n’ai composé ni symphonie ni La Flûte Enchantée, seulement des centaines de chansons et un opéra pop intitulé Un Des Fous Qui Font Peur, composé avec l’aide de Micha, mère de mes deux garçons.
Ça m’a pris tout gamin. J’entendais des airs dans ma tête, je les habillais de mots, et je les apprenais à la guitare. J’ai noté les paroles, mais pas la musique. Je ne suis pas Mozart, je ne sais ni lire ni écrire la musique, je me contente de la faire. Il faut que je me dépêche d’enregistrer tous ces morceaux avant de mourir. Sinon ça sera perdu et mes garçons seront doublement tristes de perdre mes chansons en plus de leur auteur.
Depuis toujours mon intérieur est bruyant. Truffé d’échos, de sentences, de déclamations et morceaux de bravoure. Sonore, il tinte et m’entraîne. Je me berce à écouter les mille voix sourdes ou cristallines, les mille refrains tristes ou endiablés, tous les secrets à déchiffrer dans le dédale des salles souterraines du moi profond. Non, je ne suis jamais seul avec ma solitude. (source)
Quand je cause avec un proche, chaque idée, chaque image appelle une chanson que je ne peux m’empêcher de fredonner. J’ai tant de refrains dans la tête, je ne sais pas lequel chanter. Je ne sais pas à quel saint me vouer, alors je ne me voue à aucun. Par contre, à force d’en entendre de toutes les couleurs, j’ai appris à reconnaître l’origine et l’intention de quelques-unes de mes voix intérieures.
Deux types : les voix proches et les voix lointaines. Les voix lointaines sont peu informatives, elles font allusion à des événements oubliés. Je le classe résolument dans la catégorie des engrammes. Elles témoignent d’anciens traumatismes physiques ou affectifs. Elles seraient sûrement intéressantes si je pouvais les décrypter, mais la plupart du temps leur message est obscur, confus quand il n’est pas simplement incompréhensible.
Les voix proches sont plus utilisables. Certaines sont si proches que j’ai l’impression qu’on me crie dans l’oreille. Ce sont les plus précieuses, même si elles ne sont pas toutes intérieures. Un été 88 en Corse j’étais au volant d’un cabriolet qui filait dangereusement sur les routes étroites de la montagne. La musique à fond, je roule à tombeau ouvert, plongé dans l’insouciance du jeune homme qui se sait immortel… comme un con !
J’écoute une chanson anglaise de la jeune Sam Brown que les radios diffusent en boucle cet été-là. Une portion de ligne droite me permet d’écraser encore le champignon. Les hauts-parleurs diffusent cette phrase : You better stop !!! Le mot stop !!! est impératif. Je pile sur le frein. Lancé à vive allure, le cabriolet fait une embardée, les pneus crissent, mais je m’arrête sain et sauf.
J’avais entendu cette chanson des dizaines de fois, jamais le mot stop ne m’avait fait un tel effet. Ça m’a sauvé la vie. A quelques mètres devant, un virage masqué m’aurait précipité dans le vide si je n’avais pas obéi à cette injonction divine. La voix n’était pas intérieure, mais elle a fonctionné de la même façon. Bien des fois j’ai entendu un cri d’alarme dans ma tête ou dans mes tripes. J’ai toujours obéi, je suis toujours en vie. Grand merci.
Il a encore d’autres sortes de voix. Plutôt proches, elles aussi. Elles appartiennent à des amis ou familiers défunts, et me communiquent leurs impressions. Ainsi mon meilleur ami Jean-Claude Devictor dit Devic m’a rendu visite plusieurs jours durant après sa mort accidentelle. Les infos qu’il m’a données sur l’autre côté ne sont pas publiables. Pas encore. Elles le seront après ma mort, si quelqu’un retrouve mon manuscrit.
Parfois ces voix-là me donnent des mises en garde, comme celle de Sam Brown. Le plus souvent, elles sont des phrases toutes faites que ces personnes répétaient volontiers de leur vivant. Souvenirs, souvenirs.
Quand un proche disparaît, sa voix reste vive dans ma mémoire pendant quelques mois ou quelques années. Après, elle s’efface graduellement. Aussi est-ce avec le plus vif des plaisirs que je retrouve ces timbres enfuis depuis l’enfance, la voix de mon pépé Charles, la voix de grand-père Maurice, la voix du père Boucher, de la dame Coco couturière de son état, celle de Virgile qui tenait le kiosque à friandises du Trocadéro, où l’on achetait des caramels à 1 centime,ils étaient à 1 franc, mais cet ancien franc ne valait qu’un centime nouveau des roudoudous et des mistrals gagnants. Renaud devait se fournir au même kiosque et s’asseoir sur les mêmes bancs verts pour nourrir les mêmes pigeons cons.
Contrairement à Jeanne d’Arc, je n’ai jamais entendu ni Dieu ni ses anges. N’est pas pucelle qui veut. Ni sainte, ni relapse, ni brûlée vive. Surtout pour un mec. Chacun son truc. Moi la voix de la conscience, la voix des aliens, la voix prophétique, le commandement divin, l’injonction sacrée, connais pas. Les voix que j’ai sont plus humbles que ça.
Humbles mais intenables. Elles ont la fâcheuse habitude de se couper la parole, au lieu de s’écouter et de parler chacune son tour. Je suis un théâtre à ciel ouvert, du moins j’espère, où déclame l’une, ricane l’autre, pouffe une troisième, critique toutes les autres, chacune avec ses arguments, et tout le monde finit par en venir aux mains.
Je suis un plateau et son décor changeant, je fais partie des meubles, sur la scène on joue du Brecht, distancié, lointain, je suis étranger à moi-même. Tiens ? J’avais 16 ans, j’étais déjà celui-là ! J’ai écris ça : « Étrange étranger pour qui trop brusquement trop de chose ont changé. » J’étais le premier spectateur de la troupe des moi. Gémeaux je suis, la double personnalité est mon lot.
Mais là, tu rigoles ? J’en ai deux cent. Deux mille. Et toutes elles s’expriment. Toutes elles interviennent. La voix railleuse. La voix gouailleuse. La voix vulgaire. La voix solaire. La voix snobinarde. La voix geignarde. La voix hard. La voix aimable. La voix stable. La voix potable. La voix douce. La voix rousse. La voix qui trousse et qui glousse.
C’est leur nombre qui me protège. Tant qu’on n’en entend qu’une, on peut se méprendre et la prendre pour dieu. Je ne sais pas quel est le pire ego : se prendre pour Dieu ou la prendre pour dieu, cette voix intérieure qui étonne et fait peur. Avoir la fatuité de penser que Dieu te parle. Un Dieu à majuscule, un DDDieu trois étoiles, le DDDieu des Dieux, qui t’a choisi, toi, et nul autre. Bonjour le melon du mec. Au moins 15 Hn.Unité de mesure de l’ego. Hn pour Hanouna
Au moins je ne cours pas ce risque. J’entends trop de voix pour les prendre au sérieux. Si tu n’en entends qu’une, tu te prends pour l’Élu. Si tu en entends deux, c’est le diable et le bon dieu. Si tu en entends trois, c’est le Père, le Fils et le Saint Esprit. Si tu en entends mille, soit tu es polythéiste, soit tu écris Eden Saga.
La grandiloquence n’est pas pour moi. J’aime les cimes que je peux tutoyer. Et surtout je ne veux pas déranger nos anciens maîtres des fois qu’ils nous aient oubliés. Ou qu’ils soient tous morts. On peut rêver.
Si j’adore contempler les flaques d’eau, c’est par humilité – ne sommes-nous pas faits de boue ? Les damnés de la terre ? Dans les flaques on peut voir le ciel sans déranger ses habitants. Inutile d’attirer leur attention, nom de dieux. Faites comme moi, n’invoquez personne…
Deux hommes regardent par les barreaux de leur prison. L’un voit la boue, l’autre les étoiles.
Cette grosse pierre sculptée pose une foule de questions auxquelles je vais tenter de répondre.
Voie royale de l'éveil, ce stage est une initiation qui ouvre la porte de l'être…
"L’Égypte pharaonique est une civilisation africaine, élaborée en Afrique par des Africains"
Vous connaissez les sept chakras qui palpitent sur le corps d'énergie. Et les autres ?
Qui a creusé ces galeries et ces villes souterraines, et pourquoi tout ce travail ?
"J'en ai haussé des femmes ! J'en ai osé des flammes !" (Cahiers Ficelle, inédit)