Dans les années 70, un météore a traversé le ciel, visible de toute la terre. C’est un jeune anthropologue américain qui se fait appeler Carlos Castaneda. En plongeant au cœur du chamanisme yaqui, il va ouvrir la tête à toute une génération. Avec lui débute le New Age.

 

La folie Castaneda

En quelques années, le monde entier est touché. La planète jeune adopte la mode yaqui. Ses fabuleux bouquins se vendent à 170 millions d’exemplaires, sans compter l’URSS et d’autres pays communistes comme Cuba qui en font des éditions pirates. À l’époque, un phénomène de cette ampleur peut se voir pour des polars ou des blockbusters made in Hollywood. Pas pour des livres prêchant un autre mode de vie, d’autres valeurs, d’autres comportements, rien moins qu’un exil planétaire dans une réalité séparée.

Mai 69. La route m’amène au Cachemire Indien, où je tombe sur un de ses livres. Lu et relu, il est dans un sale état. Plus de couverture, les pages se décollent. Gribouillages, phrases soulignées, taches variées, en anglais. Pas question de lâcher le morceau. La folie Castaneda tient notre bande, une centaine de hippies, communauté flottante en house-boats sur le lac Dal à Srinagar.

Avec ce bouquin déglingos, j’entre de plain pied dans le délire. On en parle, on enjolive, on compare nos piètres exploits à la grande aventure intérieure du futur maître à penser et à vivre d’une génération perdue. Don Carlos peut nous aider à nous retrouver?

Oui, des années plus tard. Le temps de digérer. Sur le moment, il nous a largué. L’Inde est aphrodisiaque, on ne sait plus où on est.  La ronde des shiloms balance des putains de claques. Bombay black, acide aussi, et des champignons bizarres. C’est tout, ça suffit.

 

 

La légende Castaneda

Qui est-il donc, ce grand monsieur si inspiré? Je doute qu’on le sache jamais. Malgré toute la littérature publiée sur son compte, le Nagual Don Carlos Castaneda a su s’entourer de mystère. Quoi qu’on en dise, rien de ce qu’on sait sur lui n’a pu être vérifié et garanti à 100%.

Anthropologue, écrivain et chercheur de vérité,  Carlos Castaneda entre en 1960 à l’université de Californie (UCLA). Il est alors âgé de 29 ans. Fait troublant : pas trace de lui dans les archives de l’université. Était-il inscrit ailleurs? Avait-il un pseudo, comme les personnages de ses livres? Était-il un mythomane? Le mystère dont il s’est entouré peut accréditer cette hypothèse.

 

Vie publique

Paradoxalement, quand il commence sa « vie publique », il perd beaucoup de son crédit international. On découvre un homme faible et vaniteux, pleurnichant sur une chaise en face d’un intervieweur interloqué. « Et mon humour? Vous ne parlez pas de mon humour. Pourtant mes livres sont drôles! »

Je suis atterré. J’ai honte pour lui. Comment ce vainqueur de la mort, ce Nagual, ce surhomme de l’astral peut-il se comporter comme ça? J’ai regretté d’avoir vu ce programme. Des mauvaises langues ont susurré qu’il a tout inventé. Sans jamais renier l’auteur qui m’a ouvert la tête, je suis passé à autre chose. Tout bougeait vite ces années-là.

 

Cohérence

Mythomane ou pas, Castaneda nous présente le nagualismeVoir plus bas la définition du Nagual dans une version cohérente, toujours accessible ;  au fil de ses Histoires de pouvoir il développe une philosophie de l’action exigeante, qui s’articule au quart de poil avec une théorie de la connaissance puissante et inédite.

Et qui se paye le luxe rare d’être pertinente : elle rend compte de bien des anomalies de nos perceptions et de nos représentations, et mériterait, à ce seul titre, d’être enseignée à l’université. À l’UCLA, pourquoi pas ?

 

  

Ses livres

Carlos Castaneda a écrit de nombreux livres qui ont connu un succès planétaire dans les années 70. Ceux dont je recommande la lecture ont tous été édité par Gallimard. Lisez-les de préférence dans l’ordre de parution, car ils retracent l’itinéraire de son initiation au Mexique :

Voir, les enseignements d’un sorcier yaqui — Le voyage à Ixtlan — Histoires de pouvoir — Le second anneau de pouvoir — Le don de l’Aigle — Le feu du dedans — La force du silence.

 

La voie du Nagual

Au fait, qu’est-ce que le nagualisme ? C’est une théorie de la connaissance doublée de règles d’action. Action + connaissance, ça donne un système philosophique complet, cohérent et opératif.

L’opérativité ? Autre concept castanedien qui mérite un éclaircissement. Est opératif ce qui fonctionne, ce qui obtient le résultat escompté. L’opérativité d’une allumette, c’est d’émettre une flamme. Quand l’allumette n’a plus d’opérativité, on la jette. Pourquoi ne pas faire de même avec les systèmes ?

Chez Castaneda, l’opérativité vient du nagual. Autre substantif castanedien, le nagual est à la fois le sorcier qui dirige le clan et le côté gauche du corps (ou l’hémisphère droit du cerveau), c’est à dire notre aptitude à la sorcellerie. Attention, qu’on ne se méprenne pas sur le sens de ce mot. En nagualisme, sorcellerie ne renvoie pas aux bûchers du Moyen-Age, mais plus simplement à nos pouvoirs subtils, ces pouvoirs oubliés qui jadis ont fait de nous des dieux.

Leur absence crée une béance qui laisse l’essentiel de l’humanité exsangue, affamée sur les bords de l’autoroute à péage qu’est la mondialisation. Castaneda voulait ouvrir une autre voie. Une voie royale, à l ‘écart des gadgets et des compromissions. Une voie pour les braves. Les adeptes du nagualisme sont en quête de la liberté totale, par la remémoration de l’intégralité de leur vie et l’impeccabilité du comportement. Impeccabilité n’est pas sainteté, loin de là.Voir plus bas 

 

 

Les quatre ennemis du guerrier 

Sur le chemin de l’apprenti, ou du guerrier, les principaux ennemis sont intérieurs, tant il est vrai que le principal obstacle sur ta route, c’est toi-même. Ces quatre redoutables ennemis du guerrier arrivent toujours dans le même ordre, ainsi le veut la Règle. Le premier ennemi à vaincre, c’est la peur. Le second ennemi, c’est la clarté. Le troisième ennemi, c’est le pouvoir. Et le quatrième ennemi, qui tôt ou tard rattrape le guerrier le plus impeccable, c’est la vieillesse. 

Comment un étudiant étasunien est-il devenu un modèle mondial, l’histoire vaut d’être contée. Au Mexique, où il cherche des informateurs sur le peyotl, le jeune Carlos rencontre un sorcier yaqui, Juan Matus. 

Très impressionné par ses pirouettes, Carlos devient son élève. Son premier livre, L’Herbe du diable et la petite fumée, consacré au peyotl et à la datura, lui vaudra le titre de Docteur en anthropologie à l’université de Los Angeles en 1970.

Après vérification, on ne trouve aucune trace de l’étudiant Castaneda aux archives de l’UCLA… Renonçant vite à ses études d’anthropologie, réelles ou supposées, l’universitaire entre en nagualisme.  Juan Matus et son clan de sorciers-voyants font vivre à Castaneda des aventures au-delà des limites de notre perception. 

Initié, selon ses propres termes, à diverses expériences non ordinaires, il les exposera dans de nombreux livres : Voir, Le Voyage à Ixtlan, Histoires de pouvoir, Le second anneau de pouvoir, Le don de l ‘Aigle, Le feu du dedans, La force du silence… Témoin de la recherche du sacré et de l’élargissement des consciences, Castaneda vivra.  

Difficile de réduire la galaxie Castaneda à une mode ou une époque : aujourd’hui encore, nombreux sont les chercheurs de vérité qui se servent de ses techniques et de ses trouvailles multiples pour explorer l’infini. Quant à savoir si tout est vrai, quelle importance ? Ce qui compte, c’est que tout se vérifie. Croire sans y croire.

 

 

Vous venez de lire mon premier article sur Carlos Castaneda. Posté en 2008, il a été actualisé plusieurs fois avant la présente version. Fervent adepte, j’ai consacré à Castaneda et au nagualisme de nombreux articles :

 

 

Xavier Séguin

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