Dieu est une Déesse Noire

 

Où sont les hérauts qui ont annoncé de grandes vérités sur la noblesse et l’ancienneté de la civilisation noire ? Où sont les héros de la négritude planétaire ? Où se cachent les Diagne*, les Diop** et les Sembène*** d’aujourd’hui ? Hurleurs d’évidence, leurs grands aînés ont passé la main, brisés par l’incrédulité méprisante de la race blanche.

Héraut, nom commun. 1. En Grèce et à Rome, messager chargé de porter les ordres du prince, de faire les annonces dans les assemblées et de déclarer la guerre. 2. Littéraire. Personne qui annonce quelque événement remarquable.  Synonymes : messagerprophète.

 

Oui, ils ont passé la main, faute de pouvoir passer le relai. Pourtant la révolte gronde, et son écho résonne dans mon cœur. Moi qui ne suis qu’un petit cul-blanc sans prétention, il me faut prendre la suite de ces grands hommes tant je suis indigné par la mauvaise foi de ma race.

Nègre blanc je me sens, prophète de la négritude je me veux, à la suite de ces héros bafoués. Le fait d’être blanc empêchera-t-il la mauvaise foi de s’imposer à nouveau ? La somme de mes découvertes me donnera-t-elle du crédit, sinon de la respectabilité ?

Je n’y compte guère, tant la mauvaise foi est plus solide que la bonne.

Il est plus facile de faire exploser un atome qu’un préjugé.

Albert Einstein
  version anglaise :

 

 

*Pathé Diagne

**Cheikh Anta Diop

***Ousmane Sembène, écrivain sénégalais, auteur du roman Les bouts de bois de Dieu, paru en 1960. Le roman décrit la grève que menèrent les cheminots africains de la ligne Dakar-Niger du 11 octobre 1947 au 19 mars 1948 au temps de la colonisation française.

 

Comme Alan Patton****, comme Johnny Clegg*****, comme Nino Ferrer, je voudrais être un noir.

 

 

****Alan Stewart Paton, né le 11 janvier 1903 et mort le 12 avril 1988, est un écrivain et un homme politique sud-africain, fondateur du parti libéral. Il est né dans la province du Natal, aujourd’hui appelée KwaZulu-Natal. Sa famille descendait des colons anglais en Afrique du Sud. Son roman le plus célèbre s’intitule Pleure ô pays bien aimé.

*****Jonathan Clegg, dit Johnny Clegg, né le 7 juin 1953 à Bacup (Royaume-Uni) et mort le 16 juillet 2019 à Johannesbourg, est un auteur compositeur-interprète, musicien, anthropologue et militant sud-africain. Surnommé le Zoulou blanc, il est surtout connu pour son tube Asimbonanga.

 

 

Quoi qu’il en soit, très humblement, au nom des meilleurs représentants de ma race, je présente aux Noirs toutes mes excuses pour les avanies infligées par d’exécrables Blancs. Ils sont la honte de l’humanité et méritent l’opprobre. Chers amis nègres et négroïdes, je vous demande pardon pour toutes les injustices, toutes les tortures physiques et morales que vous avez subies et subissez encore.

Qui suis-je pour présenter des excuses à mes frères et sœurs de couleur ? Un élu ? Un député ? Un ambassadeur ? Un politique ? Un homme d’état ? Un illustre romancier ? Un auteur à succès ? Rien de tout ça. Je ne suis, comme j’ai dit, qu’un tout petit cul-blanc. J’aimerais avoir l’aura d’un pape ou d’un roi, l’influence d’un milliardaire, mais aucun de ceux-là ne sent à quel point cette indignité dure et torture un bonne partie des humains. Celle que j’aime le plus, celle qu’on reconnaît le moins.

En écrivant ces mots terribles, mon ventre se serre d’une douleur qui m’étreint depuis l’enfance. Je n’ai jamais compris ni le racisme ni le racialisme absurde et injuste dont la race nègre****** fait l’objet. Je suis un nègre blanc, je l’ai toujours été.

******Ce mot n’est pas une insulte, loin de là. C’est plutôt le qualificatif Noir qui est mal vécu par la négritude. Cheikh Anta Diop est tout à fait clair, il faut revendiquer la négritude, assumer d’être nègre et négresse, se souvenir de l’art nègre si puissant, tellement merveilleux.

Il faut revendiquer la très grande ancienneté de la race nègre, qui fut la première à paraître sur la terre d’Afrique, avant de connaître un développement industriel et urbain, qui lui a permis de peupler la terre entière, bien avant l’apparition des Jaunes, des Bruns et des Roses.

Notre Mère qui êtes aux cieux

Dieu est une déesse noire, la mère de cette humanité, la nôtre, cinquième du nom. Notre Mère à toutes et à tous est une géante aux écailles noires, car elle est reptilienne de surcroît. Ne croyez pas que je délire, ceux qui délirent sont vos profs, vos savants divers, vos historiens de tout poil et de toute couleur de peau — à condition qu’elle soit blanche.

J’ai honte pour eux, et c’est peu dire. Je suis blanc de peau mais rouge de honte et dans une colère noire. Je voudrais convoquer ici le grand Nelson Mandela, l’impérissable Aboubakari II, le génial Bob Marley, tous les chanteurs, musiciens, peintres, écrivains, artistes noirs qui vivifient la plus ancienne culture du monde.

Comment les citer tous ? Eux qu’on a traîné dans la boue, qu’on a couvert d’opprobre, qui ont survécu tant bien que mal, mais plutôt mal que bien, courbés qu’ils étaient sous le fouet mordant des humiliations et des tortures. Et qu’ils sont encore !

Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toute limite.

Nelson Mandela

 

N’est-ce pas une infâmie De voir la race humaine Dans une telle course de rats ?

Bob Marley

 

Dieu est une déesse nègre, le dieu unique est une invention machiste, les dieux d’avant étaient les serviteurs des Grandes Déesses, et tous étaient reptiliens.

 

 

La honte aussi pour la Bible sexiste, machiste, paternaliste et raciste. Honte aux horribles mots qui souillent à jamais plus beau des poèmes d’amour, le Cantique des Cantiques. En entendant des mots terribles au catéchisme, je me souviens d’avoir pleuré.

Je suis noire et pourtant belle, filles de Jérusalem, comme les tentes de Kédar, comme les pavillons de Salomon. Ne prenez pas garde à mon teint noir, c’est le soleil qui m’a brûlée.

Noire et pourtant belle !! Mon teint noir, c’est le soleil qui m’a brûlée !!!!

La sublime Reine du Pays de Saba arrive chez les Juifs où elle doit s’excuser de sa négritude ! Comme les Hébreux étaient donc racistes ! Et bien des Juifs le sont encore.

La Reine de Saba est de loin la plus belle de toutes les blanches qui partageaient la couche du grand roi. Mais elle s’excuse de sa noirceur, elle doit prétendre qu’elle a pris un coup de soleil…

 

 

J’aime cette histoire drôle et juste que me conta une amie gabonaise il a plus d’un demi siècle. Elle est toujours aussi drôle, toujours aussi juste.

Un blanc qui est beau, il est beau. Un noir qui est beau, mon dieu qu’il est beau ! Un noir qui est laid, il est laid. Un blanc qui est laid, mon dieu qu’il est laid !

 

 

 

Je regarde cette fourmilière et je me demande si les hommes sont encore capables d’amour.
Francès Farmer