Les bouffeurs de têtes

L’article d’hier vous a donné un point de vue sur les événements qui ont interrompu le 4e cycle des Astral Volants. Est-ce à dire que l’expérience s’arrête définitivement ? Ce serait dommage. Mais si elle continue, va-t-on encore s’exposer à des risques élevés ? Non, bien sûr. Pas question de faire courir le moindre risque à mes chers Astral Volants. Alors ? Lisez plutôt.

La porte étroite

Les trois premiers cycles se sont déroulés sans la moindre anicroche. J’ai dirigé ce groupe en formation impeccable, tous solidement vissés sur ma trace, grâce à l’astuce du cocon d’énergie qui a fonctionné à merveille. Le comportement des unes et des autres a été tout aussi sérieux et responsable. Personne n’a cherché à en faire trop, à vagabonder de son côté, à courir des risques non mesurés tout en mettant en danger d’autres passagers du vent solaire.

Mais certains d’entre vous n’étaient pas prêts à ce qui nous attendait. Ce genre de voyage n’est pas fait pour les touristes. Conscient du problème, j’ai tout pris sur moi pour assurer la protection de chacun, et j’aime autant vous dire que j’ai morflé. Plus jamais ça. Au cours du cycle précédent, j’ai été saisi de violents maux de tête. J’avais déjà la nuque raide et très douloureuse. Je vous en ai fait part en vous demandant de m’envoyer des ondes scalaires pour m’aider à guérir. Rien n’y fit. Le pire allait venir.

La porte étroite

Mon cou s’est bloqué dans une position malcommode et douloureuse qui maintenait ma tête baissée. À partir de ce moment je ne pouvais plus me tenir bien droit, les reins cambrés, la tête dressée et le cou vertical. J’ai accusé mon âge, je me suis dit que c’était un écrasement des disques intervertébraux, et je n’ai pas voulu priver le groupe de la suite du programme, le 4e cycle était annoncé, des inscriptions déjà prises, j’ai donc pris sur moi et le 4e cycle a démarré.

Je n’aurais pas dû. Avec le cou bloqué, il m’était impossible d’obtenir une montée de kundalini satisfaisante. Émise en trop faible quantité, mon énergie subtile ne pouvait assurer la direction de ce nouveau vol. Et pourtant la direction a été assurée. Vous allez voir par qui. Et grâce à ce nouveau pilotage, le vol s’est poursuivi sans trop de casse, sinon quelques maux de tête et pertes d’énergie.

Quant à moi, je chantais une autre chanson. J’ai dû franchir la porte étroite. La douleur de ma colonne était insupportable. La pince du père me broyait la nuque. D’effroyables céphalées réduisaient ma pauvre tête en miettes. Chose inédite pour un guérisseur. Jamais malade, jamais blessé, jamais chez le toubib. Mais au bout d’une semaine, la panique m’a gagné. Des douleurs si violentes annonçaient une saloperie vraiment grave. Je me suis résolu à consulter.

C’est cul, rite et social

Je n’ai pas de médecin référent — à quoi me servirait-il ? Je suis donc allé chez le premier venu, déniché sur l’annuaire, le seul toubib qui pouvait me recevoir le jour même. Il a diagnostiqué une compression des vertèbres cervicales — j’y avais songé aussi. Mais il a ajouté un détail qui m’a ébranlé. J’avais une glande du cou très enflée et douloureuse, ça ne cadrait pas avec le diagnostic. « Si c’est encore gonflé dans un mois, il faudra faire une biopsie » m’a-t-il dit quand j’ai pris congé.

Il m’a prescrit un anti-douleur à base d’opium que je n’ai pas voulu ingérer. Pourtant les douleurs s’en prenaient à mes articulations, avec des pointes inter costales, et des élancements dans tout le corps. Je cogitais dur mais je cogitais mal. Biopsie = cancer potentiel. Moi, le guérisseur spécialisé dans le cancer et autres maladies létales, choper le crabe ? J’étais abattu, découragé. L’ombre de moi-même. Tout pour ne pas tomber dans les griffes létales de la Sécu. Mais survivre.

Je m’étais perdu de vue. J’étais un autre. La tête déchirée par des crocs voraces, le doute me perforait le corps, le cœur et l’âme, tandis que des couteaux acérés lardaient ma chair en m’arrachant des cris. C’est quoi ce bordel ? Croire sans y croire s’est retourné contre moi. Le doute salvateur est devenu destructeur. Si ça se trouve, je n’étais même pas guérisseur.Il est vrai que je n’ai pas même essayé de me guérir tout seul, comme je l’avais fait des dizaines de fois pour des bricoles. Là c’était vraiment sérieux et le doute me bouffait la tête. Si j’avais eu l’esprit plus clair, j’aurais pigé que ce qui me bouffait la tête ne venait pas de moi.

Tout allait si bien

Pendant ce temps les vols nocturnes continuaient. D’après leurs témoignages, les passagers n’avaient pas trop de souvenir de leurs rêves, mais comme ils se sentaient en forme, je n’y ai pas attaché d’importance. J’aurais dû. Mon cerveau fonctionnait au ralenti, ce qui ne m’arrive jamais. J’aurais dû m’en inquiéter. Mais le groupe volait toutes les nuits bien sagement derrière moi, les nouvelles étaient rassurantes : ils ne souffraient de rien, ils allaient même plutôt bien, c’était le principal. J’aurais dû chercher plus loin.

Cependant, même si j’avais pu renifler une attaque psychique, il m’aurait été impossible de concevoir la ruse de mes adversaires tant elle était diabolique. Un des Volants, plutôt avancé, doué pour l’astral, m’a posé une question anodine : combien sommes-nous à voler en astral derrière toi ? Ça dépend, ai-je répondu. Il y a 25 inscrits qui volent en formation, et une trentaine de passagers clandestins qui s’agrippent comme ils peuvent.

J’ai pensé à des lecteurs qui n’auraient pas osé s’inscrire — ou pas voulu — et qui tapaient l’incruste. Tant mieux ou tant pis. Je ne m’occupais pas d’eux, ils ne dérangeaient personne, et qui mieux est, ils ne m’écrivaient pas — et pour cause. J’ai classé l’affaire. J’aurais dû examiner ça de plus près. Je n’avais pas de réels contacts avec chacun des volants comme dans les cycles précédents. Mais le groupe évoluait en astral toutes les nuits sans souci, je guidais l’escadrille comme à l’accoutumée, pourquoi chercher la petite bête ?

Tout à ma douleur

Quelle petite bête ? C’est une très grosse bête qui me traquait. Un engin de mort hyper lumineux que la Bible appelle chérubin et la Torah, kérubim. Et je n’y ai vu que du feu. Ces terminators sont parmi les plus dangereux des êtres célestes. Ils tirent d’abord et discutent après. Non, en fait ils ne discutent jamais. Pour eux nous sommes des merdaillons indignes de leur intérêt. On a piétiné leurs plates-bandes pendant trois cycles et maintenant, ça en faisait un de trop. Ils nous attendaient au tournant. Impossible de m’en rendre compte. Pourquoi ?

Parce que le groupe volant me suivait toutes les nuits bien sagement. Jamais la moindre initiative, jamais un mot, pas un seul écart, ils filaient sans broncher. J’étais trop k.o. pour piger que le groupe bien sage qui évoluait derrière moi était un second groupe fantôme composé de figurants. Trente créatures du bas astral avaient été réquisitionnées par un kérubim ou quelque foutu rakshasa pour voler derrière moi sans bavure, tandis que le groupe était livré à lui-même quelque part dans l’immensité infinie de l’astral. Et tout à ma douleur, je ne me suis douté de rien.

La plus grande réussite du diable est de nous faire croire qu’il n’existe pas. (Dicton catholique)

Sita et KD

Sans méfiance, je me suis proprement fait bouffer la tête par un putain d’archange dératiseur — à son propre compte ou bien aux ordres d’un puissant démon. Et tandis que j’emmenais les figurants voir les anciens Cyclopes, le groupe affrontait des géants terriblement destructeurs.  Heureusement vous n’étiez pas sans protection.

J’ai conté cette double affaire dans mon précédent article. L’ami KD a vécu cet affrontement. Il avait raison. Mais de mon côté j’avais emmené le faux groupe voir les Cyclopes, alors j’ai pensé à un habillage. Avouez que ça en avait tout l’air. C’est là que la ruse est imparable. Pour concevoir une telle machination, les entités de l’inframonde qui me suivaient n’ont pas l’intellect assez développé. Il fallait chercher ailleurs. Comment soupçonner l’intervention d’un archange ? Je ne suis pas assez important pour ça.

Tout était donc prêt pour faire tomber le groupe dans un chausse-trappe peu ragoûtant. Le danger était imminent et je n’étais pas en état de le déceler. Alors Sita a pris la tête du groupe assistée de l’un d’entre vous, KD, l’homme qui a vécu l’opération Tempête du désert contée dans l’article d’avant. Et ma Sita a foutu la pâtée au chérubin qui voulait les évincer, elle et KD. Il voulait prendre leur place et diriger la troupe vers un fâcheux destin.

Guérisseuse

Vous pouvez les remercier, ils vous ont évité le pire. Quant à moi, Sita s’est enfin décidée à accepter l’évidence : elle a de grands pouvoirs, y compris celui de me guérir. Elle m’a cru, elle l’a fait. D’un seul coup les six semaines les pires de ma vie ont pris fin. La douleur a disparu aussitôt. Ma tête s’est remise à fonctionner.

J’ai compris qu’il s’agissait d’un défi de sorciers. J’ai compris que sans Sita et KD tout le groupe aurait pu finir aux oubliettes. Qui sait ce qui aurait pu advenir de leur corps physique ? Je frissonne encore en y pensant. Décidément l’astral est un terrain miné. Je vais en poursuivre l’exploration avec Sita, KD et quelques autres, ceux qui ont manifesté les dispositions requises et qui s’en sont tirés sans casse. Les autres devront patienter jusqu’à ce que mes nouveaux lieutenants aient terminé leur formation.

Je vous ai protégé, Sita vous a guidé, KD vous a défendu, l’opération Tempête de l’astral s’achève sans catastrophe — ce qui est inespéré. Faire échouer l’attaque d’un kérubim, voilà qui me clôt le bec. Un groupe de cinq ou six personnes va donc s’entraîner sous ma conduite diligente.

Aucun risque

À ce stade je ne veux prendre aucun risque. Quand chacun de mes lieutenants sera capable de s’éveiller au moindre danger, de flairer les menaces avant qu’elles se manifestent, de prévenir les autres pour leur sécurité, il sera temps d’élargir le cercle. Mais il conviendra de montrer patte blanche. Aussi je demande aux astral volants du 4e cycle de prendre contact avec moi. J’ai besoin de savoir s’ils ont eu des ennuis de santé récemment. Comprendre où ils en sont. Évaluer leur niveau. Tester leur pratique de l’astral.

Pour s’aventurer dans ces parages, il faut être un guerrier. Sinon de graves perturbations peuvent survenir. Il faut être impeccable. Déterminé. Insensible à la peur. Solide. Équilibré. Dorénavant il faudra faire preuve de toutes ces qualités. Fini le tourisme. Là je servais de paratonnerre. Une autre fois vous n’en aurez peut-être pas.

Assurez-vous de ne fréquenter que des zones tranquilles. Méfiez-vous de tout, veillez sur tout. Restez à votre place. Soyez sur vos gardes. Et réveillez-vous en cas de cauchemar, voilà le geste salvateur. Un jour vous saurez maîtriser la peur. Vous ne vous laisserez plus aveugler par la clarté ni griser par les pouvoirs. Alors on en reparlera. Peut-être.

E la nave va

Quand tu vas en astral par tes propres moyens, tu évolues à un niveau où tu ne risque rien. Mais le challenge, justement, visait des niveaux plus élevés. Ceux où on risque de rencontrer des sérafim, des kérubim, des archanges, des trônes, des vertusmon cul ! et autres créatures célestes d’une puissance infernale. J’ai mis mes lecteurs en garde contre les super lumineux – ils ne jouent pas dans la même cour que nous. Ils sont des soleils et nous des lucioles. N’invoquez personne, les hiérarchies sont bien où elles sont et nous aussi. Chacun chez soi, les vaches et les distances seront bien gardées.

Comment ai-je pu faire preuve d’une telle naïveté ? Heureusement que vous avez été protégés. Il se trouve que tout est bien qui finit bien. Mais j’ai trop dégusté. En ouvrant le parapluie pour vous éviter d’être mouillés, j’ai risqué ma vie, oui, rien moins que ça. Sans autre calmant que ma volonté défaillante, les douleurs étaient insupportables. Sur une échelle de 1 à 5, elles ont atteint 6 ou 7. Ce qui ne m’a pas tué m’a rendu plus fort …et moins con.l’espoir fait vivre

Je demande à tous les volants du 4e cycle de me faire part de leur réactions. Ce contact me permettra de vous informer de ce qui va suivre. Merci de m’avoir fait confiance. E la nave va. Et vogue le navire

À tout de suite.

Voilà l’histoire. Tout se passe comme si elle était vraie. Sait-on jamais ? Répétez tous en chœur après moi : croire sans y croire.

 

Les mots sont un prétexte. C’est l’élan intérieur qui nous pousse l’un vers l’autre, pas les mots.
Rumi