La gnose et les arts

 

Après les années noires des deux guerres mondiales, après les horreurs du nazisme et du stalinisme, une nouvelle jeunesse aux pieds poudreux portait un grand désir de paix, de tolérance et d’amour. On s’appelait le flower power. Les filles et les gars avaient les cheveux longs, des vêtements à fleurs et du kohol autour des yeux.

 

Renaissances opposées

La conscience du monde a paru se réveiller d’un long cauchemar, qui peut revenir à tout moment. Les déçus du système actuel se disent qu’un peu de nazisme serait bénéfique. Remplacer l’horreur quotidienne par une abomination pire encore ? N’ayons pas la mémoire courte. L’âge des dictatures populistes est derrière nous, qu’il y reste.

D’extrême droite comme d’extrême gauche, les salopards s’adressent aux crétins. Et les crétins, forcément, les écoutent bouche bée. Tandis que les autres se souviennent des crétins et des salopards d’avant. La mémoire protège du crétinisme.

Les adeptes du flower power, ex-hippies, néo-babas, peuvent sembler démodés, ils n’ont rien à voir avec le retour du populisme. Les babas vivent encore dans l’élan d’une générosité qui les a construits. Le goût retrouvé pour la nature, le culte de l’amitié, le clanisme comme moyen non-religieux de cultiver la chaleur humaine, autant de traditions qui remontent à la nuit des temps. Elle aussi, ils l’ont ressuscitée.

 

Adeptes qui s’ignorent…

La celtitude y a pris sa part. J’ai connu la renaissance des chants bardiques, ressuscités par Glenmor dans les années 1960. Il m’est arrivé de chanter avec lui quand il passait du côté de Ploumanach. Barde moderne, Glenmor a été influencé par la culture traditionnelle bretonne, le druidisme. Mais aussi par le folk-song américain, lui-même né de la négritude par le blues, le jazz et le gospel.

Au-delà de Blake et de Jung, il faut ajouter quelques adeptes de la nouvelle gnose : Leonard Cohen et sa chère Suzanne, John Lamb Lash, Richard Farina, Devic, Jim Morrison, Janis Joplinci-dessus, Donovan, Carlos Castaneda, Bobvoir plus loin et Rita Marley, Jean Millet, Carl Sandburg,voir ci-dessous Salif Keita, Jean-Jacques Goldman, Alain Souchon, Cheikh Anta Diopvoir plus loin, Pink Floyd, Gir Moebius,voir plus loin Lewis Trondheim,voir plus loin Hugo Pratt, Vinkvoir plus loin et tant d’autres… Tant d’autres !

Seuls les enfants du feu comprennent le bleu.

Carl Sandburg

 

Ils viennent de la littérature, de la bd, de la pop, de ce qui court, qui vibre et qui fait grandir. Chacun d’eux, et fortement, m’a initié à un moment de ma longue vie. La plupart d’entre eux ont quitté ce monde. Aucun n’a quitté mon cœur, même si ma vieille tête a pu oublier tel ou tel ici. Qu’ils me pardonnent.

Tous ces amis très chers ont une unique préoccupation, l’Esprit — et un seul but, l’éveil.

 

 

Cheikh Anta Diop

Il est temps de rendre à la négritude la place qui lui convient dans l’histoire de la spiritualité, de la culture et du développement sacré. Des années durant, Cheikh Anta Diop fut la voix qui crie dans le désert des blancs incrédules. Pour rien au monde ils n’auraient souscrit aux thèses pourtant convaincantes de Diop. 

Ce grand homme, avec un courage et une résolution qui faisait fi des barrières et des haussements d’épaules, s’est obstiné seul contre tous à clamer la vérité. Aujourd’hui, une université porte son nom à Dakar, Sénégal. J’aimerais que Paris fasse la même chose pour lui. Que l’Éducation Nationale fasse modifier les manuels d’Histoire. Mais faut pas rêver…

 

 

Cheikh Anta Diop a réhabilité l’usage des mots nègre, négritude, qu’il juge plus nobles que noir. Il refuse d’utiliser ce qualificatif, qui se limite à une couleur de peau alors que les Nègres, eux, représentent une culture spécifique, très ancienne. La couleur de leur peau importe peu, d’autant qu’elle n’est jamais absolument noire, mais de différents tons de brun. Pour Cheikh Anta Diop, dire les noirs est aussi raciste que de dire les crépus. Raciste et réducteur. Bon, je prends note.

Le Nègre ignore que ses ancêtres, qui se sont adaptés aux conditions matérielles de la vallée du Nil, sont les plus anciens guides de l’humanité dans la voie de la civilisation.

Cheikh Anta Diop

 

Négritude

Première née, la culture nègre coule dans nos veines, quelle que soit notre ethnie. Elle irrigue la littérature, la danse, les religions, les mœurs. Sans elle, sans cet heureux mélange de fatalisme et de révolution, de sagesse et de folie, de rythme et de poésie, comment survivre ? Sans cet élan qui vient de loin et qui porte plus loin encore, notre monde aurait déjà disparu.

Nos élites s’en moquent comme d’une guigne. Tout ce qui fait vivre et vibrer, les grands de ce monde le tiennent pour mineur. C’est pourquoi ils ne sont rien. Ont-ils seulement remarqué le retour de cette lame de fond qui a soulevé l’océan humain à l’orée du siècle dernier ? Ont-ils compris qu’elle s’est amplifiée dans les années 70 ? Ont-ils vu qu’elle règne sur la jeunesse ?

On l’appelait la contre-culture parce qu’elle inversait les valeurs de l’ancienne. Aujourd’hui elle est devenue la nouvelle culture. Vivace et mondialisée.

Qu’importe ? direz-vous. On a tellement pris l’habitude de considérer les Nègres comme des sous-hommes qu’on ne s’étonne pas de ce genre d’oubli. Les véritables sous-hommes ne sont pas les Nègres.

J’ai déjà écrit beaucoup d’articles à leur sujet dont vous trouverez les liens plus loin.

Tandis que les Nègres connaissaient un développement culturel et technique très en avance comme en témoigne l’Égypte antique, nos ancêtres d’occident tapaient des silex l’un contre l’autre pour allumer leur feu en plein air. Les Européens étaient revenus à la barbarie depuis si longtemps qu’ils n’avaient aucun souvenir de leur splendeur passée. Ils avaient même oublié que sans les Nègres, les autres humains n’auraient pas survécu.

 

Pour Mandela

 

 

Salif Keita, l’albinos aux origines princières, l’enfant à la voix d’or qui a quitté la musique pour la politique, a, toute sa vie, lutté au sein de sa famille pour s’imposer comme chanteur. Il n’a pas cessé d’œuvrer pour la valorisation du folk au Mali, dont il est originaire, ainsi que partout dans le monde.

En 1968, rejeté par sa famille, Salif Keita arrive à Bamako et sa vie change. C’est le moment béni des indépendances : le président socialiste essaie de guider le Mali vers la démocratie alors que la culture est foisonnante et que tous les styles cohabitent dans la joie. Mais à la fin de 1968, un coup d’État militaire brise le charme, et la junte s’installe. La politique se durcit peu à peu et forge chez Salif Keita, un caractère singulier et puissant. (source)

Marqué par une enfance douloureuse à cause de sa différence, il a milité pour l’intégration des enfants albinos. Ses succès musicaux sont appréciés et lui assurent une notoriété qui lui est utile pour ses engagements politiques. Il milite notamment avec constance pour la libération de Mandela avec Manu Dibango.voir ci-dessous Sa voix d’or résonne comme un défi à l’Apartheid, pour lui la musique est un vecteur qui permet de toucher largement les populations. L’année 1989, le titre Nous pas bouger sort. Il fait écho au charter de Charles Pasqua qui est parti de France 37 ans plus tôt et qui renvoie 101 Maliens à Bamako. 

 

Pour le jazz

 

 

Jazzman surdoué, virtuose du saxo, surnommé ses fans l’appelaient le roi du Groove, Papa Manu ou Le Doyen.  Manu Dibango, saxophoniste et vétéran des musiciens africains en France, est mort, mardi 24 mars, a annoncé sa famille. Il était âgé de 86 ans.

Né en 1933 au Cameroun, Manu Dibango est envoyé en France par ses parents à l’adolescence pour y poursuivre ses études, et il s’initie alors à la mandoline et au piano. En 1962, Manu Dibango prend la gérance d’un club à Léopoldville et sort « Twist à Léo ». Après son retour en France en 1965, Manu Dibango crée son Big Band en 1967 et participe aux émissions « Pulsations » où il rencontre Dick Rivers et Nino Ferrer, pour qui il sera musicien quelque temps, avant de sortir l’album « Saxy party » en 1969 lui permettant de renouer avec son public africain. En 1972, la chanson « Soul Makossa », succès mondial repris par la suite par Michael Jackson puis Rihanna, emmène Manu Dibango en tournée internationale.

En 2010, Manu Dibango se voit décerner la Légion d’honneur et en 2019, remonte sur scène pour une tournée anniversaire, célébrant ses 60 ans de carrière. Musicien populaire, connu et reconnu pour sa musique mais aussi pour son humilité, Manu Dibango laisse derrière lui une carrière immense et un sample de saxophone légendaire.

 

Afrique Saga

 

 

L’Incal Lumière

 

 

À tout seigneur, tout honneur. Si la bd compte un sacré paquets de génies, celui qui précède en est le Léonard de Vinci. Il s’appelle Jean Giraud, il a signé du pseudo GIR les aventures de Blueberry, une série western scénarisée par Jean-Michel Charlier.

Mais son chef d’œuvre appartient à la sf ésotérique. Ou intérieure. Ou mœbienne, puisqu’il en est l’inventeur sous le pseudo de Moebius. Ce n’est pas un seul album, mais diverses collections époustouflantes, où la virtuosité du dessin s’allie à la profondeur du propos. Est-il gnostique ? Je ne saurais le dire, tant il touche à l’universel. Il réussit tout ce qu’il entreprend, brille dans tous les genres et me bouleverse dans toutes ses œuvres.

En tout cas, il est assurément spiritualiste. Ainsi qu’ésotériste. Ainsi que… ainsi que… N’en jetez plus ! Adieu Moebius. La bd portera longtemps ton deuil.

 

Les Portes de la Perception

 

 

Jim Morrison & William Blake ne sont pas réunis par hasard sur cette image. Si Morrison a choisi d’appeler son groupe les Doors, c’est l’abréviation d’une citation de William Blake,voir ci-dessous qui n’était pas musicos, mais écrivain spiritualiste. Adieu Will, adieu Jim. La littérature et la musique vous gardent au cœur.

Si les portes de la perception étaient nettoyées, tout apparaîtrait à l’homme tel qu’il est, infini. Car l’homme s’est enfermé, jusqu’à ce qu’il voie toutes choses par les fentes étroites de sa caverne.

William Blake

 

 

Je ne crois pas aux Beatles

 

 

Dieu est un concept qui donne la mesure de notre souffrance, chante John Lennon qui poursuit : Je ne crois pas en Bouddha, je ne crois pas dans la Bible, je ne crois pas en Jésus, je ne crois pas à Elvis, je ne crois pas à ZimmermanBob Dylan, je ne crois pas aux Beatles…

Il en a trop dit, ça l’a tué. Un taré l’a flingué en plein New York dans la soirée du lundi 8 décembre 1980.

Adieu John. Là-haut, le chœur des anges a pris un coup de jeune depuis que tu es leur compositeur. Et c’est contagieux. Grâce à toi, elles sont jeunes, les nonnes.

 

Suzanne

 

 

Leonard Cohen, compagnon flippé des heures sombres, ta profonde tristesse en face de ce monde absurde m’a aidé à grandir. T’écouter avec toutes les fibres de mon corps aux heures de lassitude a chassé le désespoir pour éviter l’irréparable. La beauté du regard que tu poses sur le monde est une lucidité qui ne détruit pas, mais rassure. On se dit « tiens ? y a pas que moi… »

Et Suzanne tient le miroir.

Suzanne t’emmène écouter les sirènes  Elle te prend par la main  Pour passer une nuit sans fin
Comme du miel le soleil coule  Sur Notre Dame des Pleurs  Elle te montre où chercher  Parmi les déchets et les fleurs
Dans les algues il y a des rêves  Des enfants au petit matin  Qui se penchent vers l’amour
Ils se penchent comme ça toujours  Et Suzanne tient le miroir.

Tu veux rester à ses côtés  Maintenant tu n’as plus peur  De voyager les yeux fermés   Une blessure étrange dans ton cœur
(source)Adaptation française : Graeme Allwright

Adieu Leonard. Tu nous as quitté, mais tes chansons font pour toujours partie de la musique du monde.

 

Get up ! Stand up !

 

On ne le présente plus. Son aura n’a pas fini de rayonner sur la Jamaïque, qui sans lui serait restée une île inconnue d’une majorité d’Européens. Kingston, la Ville des Rois, en est la capitale.

Et Trenchtown, la Ville Fossé, est son quartier le plus mal famé. Et le plus typique !

Sans doute le musicien génial est-il assorti d’un croyant fervent, qui appartenait à une religion non chrétienne, mais presque.

Son Dieu unique s’appelle Jah, proche de Yahweh ou Jéhovah. Et son pape est l’ex empereur d’Éthiopie, S.M. Haïlé Sélassié. Est-ce que ça lui donne le droit de figurer dans cette rubrique ?

NON parce qu’il était croyant. OUI parce que c’est Bob. NON parce qu’il n’est pas vraiment gnostique. OUI parce que sans lui, sans ses protest songs révolutionnaires, la révolution spiritualiste en aurait été beaucoup moins tonique, moins ouverte, moins joyeuse et moins défoncée…

Get up ! Stand up ! Stand up for your rights !  Debout ! Défendez vos droits !

Adieu Bob, arraché bien trop tôt à l’amour de tes frères humains.

 

Ralph Azam

 

 

Génial auteur, Laurent Chabosy est mieux connu sous le pseudo Lewis Trondheim. Le prénom vient-il de Lewis Caroll ? Quant au nom suédois, il signifie Maison Ronde. Et c’est aussi une ville…

Sa compagne Brigitte Findakly est coloriste de BD. J’ai pu apprécié son talent quand je m’occupais des bandes dessinées chez Bayard. Mais avec Lewis Caroll Trondheim, hélas, nos routes ne se sont pas croisées.

Ce qui ne m’empêche pas de lui vouer un véritable culte, surtout pour sa fabuleuse série Ralph Azham. Avec un dessin très enfantin, il nous conte une saga qui ne l’est pas du tout.

Ce contraste participe de la séduction de l’œuvre. Les enfants la liront avec délectation, mais les ados et les adultes en tireront bien plus encore. Je la trouve très nettement gnostique.

S’il me lit, il va rire, hausser les épaules et me prendre pour un con. Pas grave. On lui pardonne tout.

 

Le Moine Fou

 

 

Il s’appelle Vink. Son chef d’œuvre est le Moine Fou. En quinze volumes, l’auteur nous raconte les aventures de He Pao, occidentale qui a grandi en Chine.

Vink est un maître. Par le talent graphique d’abord, qui séduit au premier regard. Et par la sagesse de l’histoire, aux accents très castanédiens.

Je l’ai lue lors de sa parution en 1984. J’avais adoré. Mais je viens de la relire il y a peu, et j’ai succombé sous le charme. La profondeur du récit, la beauté des images, la justesse de la magie, la finesse des descriptions astrales, tout est parfait.

Avec tout au long une subtilité qui ne se dément pas. Tant de qualités donnent à cette œuvre une grande fécondité. Cette créativité fait le régal des cherche-lumière qui en redemandent.

 

Carlos Castaneda

 

Incontournable Castaneda ! Je ne m’étendrai pas sur ce philosophe de l’action, ce site lui a déjà consacré tant d’articles !  Adieu Carlos. Tu laisses un grand vide dans le cœur et l’âme des guerriers de lumière. Ta philosophie de l’énergie et de l’intention sera demain enseignée aux enfants.

 

Les leçons de Castaneda

 

Les années Rochefort

 

 

Flornoy le copain d’enfance, l’idéaliste, l’emporté aussi. Flornoy le nagual et tout autour de lui, de ses tarots, de sa poterie, des amis en pagaille qui rigolent et qui braillent. Les années en pente douce, au bord de la Mayenne, les sweatlodges aux nuits de pleine lune, la bibliothèque ésotérique, la salle d’exposition, l’atelier de poterie, celui des arcanes géants du tarot de Marseille. Ce gars-là, cet ami-là fut un grand homme.

Flornoy, Devic et moi, le trio infernal. Et gnostique s’il en fut ! Nos débats passionnés sur tel ou tel point obscur d’une légende, sur les religions comparées et réduites à néant, sur les contes pleins de sagesse, les mythologies qu’on a toujours tort de négliger, sur l’Histoire si malmenée, le passé que notre présent réduit à quelques portées de fusil, les spécialistes qui tirent sur tout ce qui bouge, sur le moindre mot qui n’est pas dans la ligne. Dans leur ligne.de mire !

Flornoy, Devic, la vie qui passe, la mort qui reste et laisse des traces que rien n’efface…

 

Le Nagual m’a dit

 

 

Les guerriers de mon âge se sentent bien seuls au milieu du cimetière de leurs idoles. Témoins de grandes choses, nous passons le relais. À vous de continuer la marche en avant quand les derniers survivants vous auront quittés.

 

Les mots sont un prétexte. C’est l’élan intérieur qui nous pousse l’un vers l’autre, pas les mots.
Rumi